Goodbye, mr wyatt

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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C'est le genre de nouvelle qui ne fera pas les gros titres. Et pourtant. Quelques lignes au hasard du dernier Uncut, où l'on apprend que Robert Wyatt a arrêté de faire de la musique. Et que c'est pour de bon. "Comme les conducteurs de train, qui s'arrêtent à 65 ans."

Le musicien anglais de 69 ans invoque également une santé plus fragile qu'auparavant, compliquant le quotidien parfois, l'empêchant de réfléchir sereinement à de nouvelles musiques. "Et puis j'ai été en selle durant 50 ans, ce n'est pas rien. Et j'ai apprécié ça. Aussi les choses que j'ai faites durant les dernières années, durant ce siècle."

Et de rejoindre ainsi, aux côtés de Mark Hollis par exemple, le cercle très restreint des grands musiciens qui auront décidé de s'arrêter comme ça, un jour, sans grande déclaration ni célébration, après avoir bâti une oeuvre rare, précieuse, défricheuse.

Une oeuvre qui sera compilée cet automne avec Different Everytime, double album qui emprunte son nom à la récente biographie de Marcus O'Dair.

Quant à moi, j'aurai eu la chance, le privilège, de rencontrer Robert Wyatt une fois, durant un peu plus d'une heure, pour une interview en 2007 pour la sortie de Comicopera, qui reste parmi les plus riches que j'aie fait jusqu'ici.

Histoire de tirer mon chapeau à ce grand Monsieur de la pop-music, je vous en glisse un petit résumé ici.

Comicopera est votre premier album pour le label anglais Domino. Qu'est-ce qui a motivé votre choix?

Durant toute ma carrière, j'ai été fidèle au label Rykodisc. Mais en 2006, il a été racheté par Warner. Et comme vous le savez, ce genre de grandes compagnies sont aujourd'hui désespérées. Comme d'énormes icebergs flottant dans les eaux bouillantes du monde moderne (rires). Je n'ai aucune confiance dans ces compagnies, où personne n'est réellement intéressé par la musique. J'y étais par le passé et je ne veux pas retourner dans ce marais infesté de crocodiles. Par chance, un ancien de Rykodisc a rejoint le Domino et m'a proposé de travailler avec eux. Au début, cela m'a paru étrange. Pourquoi s'intéressaient-ils à moi, alors qu'ils sortent de jeunes groupes à succès comme Franz Ferdinand ou Arctic Monkeys? Puis j'ai compris que leur catalogue était bien plus vaste et que ces succès étaient arrivés par accident. Surtout, Domino allie efficacité et passion musicale.

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Les grandes compagnies discographiques sont comme d'énormes icebergs flottant dans les eaux bouillantes du monde moderne.

Sur ce nouvel album, vous reprenez Hasta Siempre, Comandante, chanson consacrée à Che Guevara. Pourquoi?

La troisième partie de l'album est majoritairement consacrée aux alternatives possibles face à une réalité inacceptable. Che Guevara en est une, au même titre que Garcia Lorca, dont je reprends un texte dans Cancion de Julieta. Mais ces alternatives se traduisent également dans l'art, comme dans le mouvement surréaliste, par exemple. Ou encore dans l'improvisation, qui est une autre forme de libération, comme le free-jazz. Derrière la musique, il y a une confiance dans la spontanéité du moment. Pour ma part, j'ai le luxe de pouvoir être un pacifiste, mais je conserve toujours une admiration pour ceux qui se battent pour améliorer les choses. Et si j'ai choisi de terminer l'album avec cette chanson, c'est pour montrer que je ne suis pas pessimiste.

C'est pour cette raison que vous avez opté pour une instrumentation jazz très cubaine, qui dégage un certain espoir?

En fait, je suis accompagné par des musiciens italiens sur ce titre. J'ai beaucoup apprécié leur façon d'interpréter cette chanson. Ils viennent du jazz, mais jouent avec un respect de la version originale écrite par Calos Puebla. Ils ont su trouver l'équilibre entre les éléments folk et jazz, ajoutant une sorte de twist harmonique qui correspond parfaitement à la manière dont je voulais chanter. De plus, ces sonorités reflètent la partie du monde où je trouve de l'espoir aujourd'hui: l'Amérique Latine.

Quel genre d'espoir y trouvez-vous?

On assiste à une forme de renaissance politique de l'Amérique Latine, liée à un espoir d'autonomie et de démocratie. Au Chili, la présidente Michelle Bachelet a connu la torture sous la dictature de Pinochet. En Bolivie, Evo Morales est le premier président d'origine amérindienne. Et même si Cuba vit dans une forme d'état de siège depuis la révolution, il est l'exemple d'un pays qui parvient à survivre en totale autonomie ou presque, ce qui donne une inspiration à d'autres pays d'Amérique Latine.

Vous n'avez jamais caché votre attirance pour le communisme. Est-ce que vous avez toujours la foi?

C'est la dernière chose qui me reste. Par exemple, je ne crois plus dans le rock'n'roll. A l'origine, il portait en lui une idée de liberté. Mais aujourd'hui, on l'utilise pour torturer des prisonniers à Guantanamo. C'est assez flexible comme définition de la liberté. Plus sérieusement, le communisme connaît un paradoxe similaire à celui qu'a rencontré le Vatican. Au moment où il a perdu son pouvoir politique, il est devenu une très grande force morale. Ou plutôt immorale, selon moi. Je pense que les idées socialistes peuvent survivre au monde communiste. L'idée que chacun puisse participer de manière égale à la richesse de la planète, reste définitivement la meilleure idée du monde.


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A l'origine, le rock portait en lui une idée de liberté. Mais aujourd'hui, on l'utilise pour torturer des prisonniers à Guantanamo.

Dans une interview il y a plusieurs années, vous racontiez écrire de nombreuses lettres aux journaux, sans jamais être publié. Le faites-vous encore?

Parfois. Mais ce n'est plus une habitude. Cependant, j'ai eu la surprise de voir une de mes lettres publiées dans The New Scientist. Incroyable! Au final, cela m'importe peu d'être publié ou non, il s'agit juste d'indiquer mon désaccord. Surtout quand on sait que les lecteurs plus conservateurs ne se gênent pas pour écrire aux médias au moindre signe de relâchement moral.

Vous avez chanté avec Björk et de nombreux musiciens actuels vous citent comme influence. Quel effet cela vous fait-il d'être une sorte de grand-père musical?

Techniquement, je suis un grand-père. J'ai quatre petits-enfants. Donc je l'accepte (rires). Plus sérieusement, je ne vois pas les choses ainsi. Le passé m'a été très utile, comme source d'inspiration. Quant à moi, je ne suis qu'un musicien qui essaye de faire de bons albums et qui rencontre les mêmes difficultés que tous les autres. Je ne me sens ni plus haut ni plus en sécurité. Quant Björk m'a contacté pour Medúlla, j'ai été très étonné. Qu'est-ce que cette belle et talentueuse jeune femme faisait chez moi? Aujourd'hui encore, je ne comprends pas cet intérêt, mais j'en suis très reconnaissant.

http://www.bonpourlesoreilles.net/musique/2014/10/goodbye-mr-wyatt.html




 
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