http://www.lepoint.fr/science/japon...re-clouee-au-pilori-03-04-2014-1808543_25.php
L'histoire commençait bien : une jeune chercheuse japonaise de 30 ans, Haruko Obokata, propulsée directrice d'un laboratoire du prestigieux institut public Riken, avait découvert une méthode proprement révolutionnaire de création de cellules ayant les propriétés de cellules embryonnaires. Ce procédé simple et rapide (qui ne pose pas de problème éthique puisqu'il emploie des cellules matures) pouvait en théorie faire progresser de façon extraordinaire la médecine régénérative, pour réparer des organes abîmés par maladie ou accident. Cette méthode aisée, peu chère, à haut rendement, avait même de quoi jeter une ombre sur les reprogrammations génétiques très onéreuses mises au point par un autre Japonais, Shinya Yamanaka, Prix Nobel de médecine pour ses travaux sur les cellules dites pluripotentes induites ou IPS.
Cette jeune chercheuse, au profil atypique dans un milieu peuplé d'hommes d'âge mûr, avait été encensée par les médias japonais lorsqu'elle publia en janvier dans l'illustre revue scientifique britannique
Selon un comité d'enquête mis en place par l'institut Riken à la suite du signalement de nombreuses "bizarreries" dans les résultats publiés par Mme Obokata, sont apparues des erreurs qui ne sont pas fortuites mais qui résulteraient de "trucages" intentionnels et inadmissibles, ont jugé ses pairs. "De toute ma carrière, je n'ai jamais vu cela", assure le président du comité d'enquête, Shunsuke Ishii.
Une descente en flammes
Concrètement, sur six points douteux étudiés, deux, concernant des visuels censés prouver les résultats, sont des irrégularités, juge le comité. "En mêlant des images issues d'expériences différentes et en utilisant des données antérieures, le professeur Obokata a agi d'une façon qui ne peut aucunement être permise", écrit-il. Et d'ajouter : "Cela ne peut pas s'expliquer seulement par son immaturité. Les actions de Mme Obokata et la façon bâclée dont elle a géré ses notes nous conduisent à conclure qu'elle manque non seulement de sens éthique mais aussi d'humilité et d'intégrité." Pendant quelque quatre heures de conférence de presse ce 1er avril, les responsables du Riken ont prononcé un véritable réquisitoire contre Mme Obokata, dont la carrière apparaît bien compromise.
La jeune femme a immédiatement fait savoir par l'intermédiaire de son avocat qu'elle n'entendait pas se laisser insulter en public sans réagir et a annoncé qu'elle allait faire appel du jugement du comité d'enquête comme le lui permettent les procédures du Riken. La réplique du patron de l'institut, le Prix Nobel Ryoji Noyori, a été cinglante : "Si les irrégularités relevées par le comité d'enquête sont confirmées à la suite d'éventuelles procédures d'appel, je recommanderai le retrait de la publication. Des sanctions fermes, mais justes, seront alors prises sur les recommandations d'une commission disciplinaire, car ce genre de comportement ne doit pas être traité à la légère."
"Des erreurs d'inattention"
Reste que, pour l'heure, le comité d'enquête, qui s'en est tenu à examiner une partie seulement de la thèse ("tout passer en revue n'était pas possible"), n'est pas en mesure de dire si les recherches elles-mêmes sont une fraude ou si la tromperie ne concerne qu'une partie des éléments visuels publiés. Mme Obokata, elle, indique qu'il s'agit d'erreurs d'inattention ou d'ignorance, et non de fraudes délibérées.
Pas l'ombre d'un problème pour le comité, qui explique que sa mission "n'était pas de dire si les cellules STAP existent ou non, mais de voir s'il y a eu ou non des irrégularités dans la façon dont les résultats de ces travaux ont été présentés". Il se borne donc à préconiser "des recherches scientifiques supplémentaires". Et par avance, il déclare : "Compte tenu de la pauvreté des notes du laboratoire de Mme Obokata, il est absolument évident qu'il va être extrêmement difficile pour quiconque d'autre de suivre et comprendre ses expériences et cela constitue un sérieux obstacle à un échange sain d'informations."
Le Riken évalue à un an le temps de recherche nécessaire pour vérifier si les cellules STAP sont une réalité ou une invention de toutes pièces.
Compétition malsaine
Cette histoire, outre le fait qu'elle blesse la communauté scientifique japonaise, met en exergue une compétition malsaine entre chercheurs, peut-être teintée de machisme et de jalousie. Le supérieur direct de Mme Obokata, à l'évidence, la supporte mal : "Il faut demander le retrait de la publication dans
Enfin, cette affaire met aussi en lumière l'attitude parfois cruelle des médias japonais qui, avant même de connaître le fin mot de l'histoire, lynchent en public l'idole qu'ils ont créée la veille.
L'histoire commençait bien : une jeune chercheuse japonaise de 30 ans, Haruko Obokata, propulsée directrice d'un laboratoire du prestigieux institut public Riken, avait découvert une méthode proprement révolutionnaire de création de cellules ayant les propriétés de cellules embryonnaires. Ce procédé simple et rapide (qui ne pose pas de problème éthique puisqu'il emploie des cellules matures) pouvait en théorie faire progresser de façon extraordinaire la médecine régénérative, pour réparer des organes abîmés par maladie ou accident. Cette méthode aisée, peu chère, à haut rendement, avait même de quoi jeter une ombre sur les reprogrammations génétiques très onéreuses mises au point par un autre Japonais, Shinya Yamanaka, Prix Nobel de médecine pour ses travaux sur les cellules dites pluripotentes induites ou IPS.
Cette jeune chercheuse, au profil atypique dans un milieu peuplé d'hommes d'âge mûr, avait été encensée par les médias japonais lorsqu'elle publia en janvier dans l'illustre revue scientifique britannique
Selon un comité d'enquête mis en place par l'institut Riken à la suite du signalement de nombreuses "bizarreries" dans les résultats publiés par Mme Obokata, sont apparues des erreurs qui ne sont pas fortuites mais qui résulteraient de "trucages" intentionnels et inadmissibles, ont jugé ses pairs. "De toute ma carrière, je n'ai jamais vu cela", assure le président du comité d'enquête, Shunsuke Ishii.
Une descente en flammes
Concrètement, sur six points douteux étudiés, deux, concernant des visuels censés prouver les résultats, sont des irrégularités, juge le comité. "En mêlant des images issues d'expériences différentes et en utilisant des données antérieures, le professeur Obokata a agi d'une façon qui ne peut aucunement être permise", écrit-il. Et d'ajouter : "Cela ne peut pas s'expliquer seulement par son immaturité. Les actions de Mme Obokata et la façon bâclée dont elle a géré ses notes nous conduisent à conclure qu'elle manque non seulement de sens éthique mais aussi d'humilité et d'intégrité." Pendant quelque quatre heures de conférence de presse ce 1er avril, les responsables du Riken ont prononcé un véritable réquisitoire contre Mme Obokata, dont la carrière apparaît bien compromise.
La jeune femme a immédiatement fait savoir par l'intermédiaire de son avocat qu'elle n'entendait pas se laisser insulter en public sans réagir et a annoncé qu'elle allait faire appel du jugement du comité d'enquête comme le lui permettent les procédures du Riken. La réplique du patron de l'institut, le Prix Nobel Ryoji Noyori, a été cinglante : "Si les irrégularités relevées par le comité d'enquête sont confirmées à la suite d'éventuelles procédures d'appel, je recommanderai le retrait de la publication. Des sanctions fermes, mais justes, seront alors prises sur les recommandations d'une commission disciplinaire, car ce genre de comportement ne doit pas être traité à la légère."
"Des erreurs d'inattention"
Reste que, pour l'heure, le comité d'enquête, qui s'en est tenu à examiner une partie seulement de la thèse ("tout passer en revue n'était pas possible"), n'est pas en mesure de dire si les recherches elles-mêmes sont une fraude ou si la tromperie ne concerne qu'une partie des éléments visuels publiés. Mme Obokata, elle, indique qu'il s'agit d'erreurs d'inattention ou d'ignorance, et non de fraudes délibérées.
Pas l'ombre d'un problème pour le comité, qui explique que sa mission "n'était pas de dire si les cellules STAP existent ou non, mais de voir s'il y a eu ou non des irrégularités dans la façon dont les résultats de ces travaux ont été présentés". Il se borne donc à préconiser "des recherches scientifiques supplémentaires". Et par avance, il déclare : "Compte tenu de la pauvreté des notes du laboratoire de Mme Obokata, il est absolument évident qu'il va être extrêmement difficile pour quiconque d'autre de suivre et comprendre ses expériences et cela constitue un sérieux obstacle à un échange sain d'informations."
Le Riken évalue à un an le temps de recherche nécessaire pour vérifier si les cellules STAP sont une réalité ou une invention de toutes pièces.
Compétition malsaine
Cette histoire, outre le fait qu'elle blesse la communauté scientifique japonaise, met en exergue une compétition malsaine entre chercheurs, peut-être teintée de machisme et de jalousie. Le supérieur direct de Mme Obokata, à l'évidence, la supporte mal : "Il faut demander le retrait de la publication dans
Enfin, cette affaire met aussi en lumière l'attitude parfois cruelle des médias japonais qui, avant même de connaître le fin mot de l'histoire, lynchent en public l'idole qu'ils ont créée la veille.