Torture en Algérie :
le remords du général Jacques Massu " NON, la torture n'est pas indispensable en temps de guerre, on pourrait très bien s'en passer. Quand je repense à l'Algérie, cela me désole, car cela faisait partie d'une certaine ambiance ". Florence Beaugé, Le Monde, mercredi 21 juin 2000
La torture est-elle indispensable en temps de guerre ?
Non, répond le général Massu, qui aujourd'hui n'hésite pas à affirmer : " Quand je repense à l'Algérie, cela me désole, on aurait pu faire les choses différemment. "
Ce qui provoque cette suprenante confidence du général Massu, c'est la publication, en première page du Monde du 20 juin, du témoignage d'une ancienne " fellagha ", Louisette Ighilaghiz. Capturée par l'armée française, le 28 septembre 1957, à Chebli, à environ 30 kilomètres d'Alger, seule femme présente au sein du commando de neuf personnes avec lequel elle opérait, cette jeune kabyle, âgée de vingt ans à l'époque des faits, expliquait qu'elle avait été transférée, grièvement blessée, à l'état-major de la 10e division parachutiste de Massu, au Paradou Hydra, un quartier de la capitale.
Louisette Ighilaghiz a passé là trois mois, " allongée nue, toujours nue ", et a été torturée pratiquement sans interruption de fin septembre à fin décembre 1957. Selon son témoignage recueilli par Le Monde à Alger, au cours de plusieurs rencontres échelonnées entre fin avril et début mai, la jeune fille a eu la vie sauve grâce à un inconnu qui, un soir de la fin décembre 1957, s'est approché de son lit de camp, l'a examinée et s'est écrié d'une voix horrifiée : " Mais mon petit, on vous a torturée ! Qui a fait cela ? Qui? "
Après l'avoir fait transporter et soigner dans un hôpital d'Alger, cet homme l'a transférée en prison, la soustrayant ainsi à ses tortionnaires. De son sauveur, Louisette Ighilaghiz, âgée de soixante-quatre ans aujourd'hui, sait très peu de choses. Son nom, pour l'avoir entendu à plusieurs reprises : Richaud, - mais elle n'est même pas sûre de l'orthographe. Son grade : commandant. Et sa fonction probable : médecin militaire. Depuis quarante ans, elle le cherche. Ce souhait est devenu une idée fixe, une obsession. " J'ai envoyé des messages partout, avec de moins en moins d'espoir de le retrouver vivant, raconte-t-elle, Je ne veux qu'une chose : lui dire merci. " A défaut de le revoir, elle souhaiterait pouvoir remercier sa fille, car elle se souvient qu'il en avait une : " J'ai une fille qui doit avoir à peu près votre âge, lui avait-il dit. Vous me faites terriblement penser à elle. "
http://www.algeria-watch.org/farticle/1954-62/tortureguerlibe.htm