Compte tenu du besoin criant de modernité dans le monde arabe, iriez-vous jusqu'à dire que les maçons ont plus de poids dans le monde arabe qu'ils n'en ont en Europe?
C'est à peu de chose près exact. Dans le cadre d'une citoyenneté communautaire, ils aident à transcender, ne serait-ce que dans un premier temps, les clivages anciens de la société. Quelle ne fut pas ma surprise de voir en 2000, au Liban, des maçons musulmans être les premiers à dénoncer la «maladie de l'islam»! On se plaignait, après les attentats du 11 septembre 2001, que les intellectuels musulmans n'aient pas dénoncé la fièvre islamiste. Je n'ai constaté cette dénonciation ni en Europe ni en Occident, en général, sauf au Proche-Orient, dans les loges maçonniques. En Syrie, par exemple, il existe actuellement un véritable mouvement de réforme qui dit clairement que l'islam doit s'arrêter à 622 et doit rester confiné aux relations de l'homme avec son créateur. Ce mouvement-là, qui commence à avoir du succès, puisque le livre Nouvelle Lecture du Coran a été vendu à près de 300 000 exemplaires, est dû au Pr Mohammed Chahrour ou à des gens comme Ziad Hafez, qui cherche à tracer un pont entre l'Orient et les Etats-Unis. Les deux sont certainement influencés par des idées maçonniques, et d'autres intellectuels avec eux. Est-ce que ce mouvement de réforme va aboutir à l'aggiornamento tant désiré? L'avenir nous le dira.