Médias, partis politiques, institutions, associations, comment un banal fait divers à Reims a pu susciter un tsunami des réactions, fortement relayé par les réseaux d'extrême droite, mais pas seulement ?
Une journée banale fin juillet. Il fait chaud. Le temps parfait pour bronzer en mini short et haut de maillot de bain. Dans un parc public. A Reims. Passent d'autres jeunes filles. Une altercation, des insultes, des coups. La banalité du quotidien. Jusqu'à ce que...
Tout part d'un article trop vite - et mal - rédigé par un quotidien local. On y parle de "relents de police religieuse", ce qui suffit à faire réagir le maire LR local, Arnaud Robinet : pas de ça sur notre "territoire". Le Figaro relaie : "Une jeune fille tabassée pour avoir bronzé en maillot de bain...". Le fait-divers commence à gonfler : SOS racisme retweete le maire de Reims, partage l'article de L'Union qui devient viral, prend position : "Nous refusons une morale de l'oppression qui réduit nos libertés". Un appel à manifester est lancé. On sonne le tocsin, la liberté est en danger. Le piège se referme.
L'indignation sur les réseaux sociaux est réelle. Le hashtag lancé par SOS racisme est dans les trendtopics. Et le fait divers local devient une actualité nationale avec le relai de quelques médias (les articles en ligne étant illustrés avec des photos de jeunes femmes en bikini pour générer des clics). Des responsables politiques, majoritairement de droite et d'extrême-droite, mais de gauche aussi, s'en mêlent.
Cette banalité transformée, amplifiée, déformée, devient une preuve irréfutable de l'invasion des intégristes musulmans voulant remettre en cause "notre mode de vie", alors même que la question religieuse se révèlera absente de l'affaire initiale. L'extrême-droite, coutumière du détournement de faits divers, est en première ligne avec Florian Philippot qui suggère à celles qui auraient "lynché une jeune fille vivant à la française" de se rendre auprès du roi d'Arabie Saoudite : pas de ça chez nous. Pour Stéphane Ravier, maire d'arrondissement FN de Marseille, la "charia en bas d'chez soi, c'est maintenant !".
Mais l'indignation politicienne ne se cantonne pas au FN. Pour Eric Ciotti : "on veut nous imposer un mode de vie qui n'est pas le nôtre", pour Lydia Guirous, porte-parole de LR, il s'agit d'une "illustration de plus de la radicalisation religieuse". L'emballement médiatique atteint des sommets : même des sites journalistiques reconnus sont contaminés. Pire, au niveau de l'Etat, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dont on découvre l'existence fustige le manque de réactions des "habituels défenseurs de la liberté vestimentaire", validant la thèse d'une agression délibérée.
Tous semblent prendre pour acquis la thèse d'un choc des civilisations, validant les discours de l'extrême-droite pour qui une "islamisation de la société" menacerait le mode de vie des Français. En disant défendre une "culture de liberté", on en dénonce en miroir une autre culture présentée comme radicale, dangereuse, pernicieuse. L'étrangeté serait arrivée jusqu'aux portes de Reims ! Tout un symbole : dans la ville où ont été sacrés les rois de la France, fille ainée de l'Eglise...
L'effet de meute a fonctionné à plein avec une convergence puissante entre des réseaux défendant traditionnellement les libertés publiques et ceux pratiquant la désinformation au service d'une idéologie d'extrême-droite. Cela doit nous faire réfléchir sur l'instantanéité des réseaux sociaux qui sont désormais largement utilisés pour diffuser toutes sortes d'informations, mais aussi des rumeurs ou de la désinformation.
Le piège qui se referme sur la France dans cette période de tension identitaires et internationales, c'est de transformer chaque fait divers en phénomène sociétal. Opposons-nous donc à cette indignation sélective qui altère des combats universels et nécessaires, le féminisme, la défense des libertés fondamentales, pour mieux s'attaquer à une religion.
Il faut aussi organiser la réplique à celles et ceux qui sont prêts à utiliser des faits banals, le moindre fait divers, pour le transformer en machine de guerre contre l'unité nationale, pour stigmatiser nos concitoyens en raison de leur religion ou de leur mode de vie. Cette affaire est dans la ligne droite des pains au chocolat de Jean-François Copé, des propos de Nadine Morano sur le voile, de Nicolas Sarkozy sur les cantines, ou de bien d'autres responsables de droite et d'extrême droite qui se servent de l'Islam comme un fond de commerce.
La Gauche doit résister face à cette offensive politique, sans aucun angélisme. Si le fait religieux suscite autant de tensions, c'est parce que l'on n'a pas apporté les solutions de fond pour permettre à tout le monde de s'épanouir sous le toit de la République mais aussi parce que face à de telles dérives islamophobes, la Gauche est souvent trop timorée. La tâche est immense mais il nous faut nous y atteler sans tarder, au risque de voir ce genre d'intox se multiplier.
http://www.huffingtonpost.fr/yann-galut/agression-reims-bikini_b_7879956.html
Une journée banale fin juillet. Il fait chaud. Le temps parfait pour bronzer en mini short et haut de maillot de bain. Dans un parc public. A Reims. Passent d'autres jeunes filles. Une altercation, des insultes, des coups. La banalité du quotidien. Jusqu'à ce que...
Tout part d'un article trop vite - et mal - rédigé par un quotidien local. On y parle de "relents de police religieuse", ce qui suffit à faire réagir le maire LR local, Arnaud Robinet : pas de ça sur notre "territoire". Le Figaro relaie : "Une jeune fille tabassée pour avoir bronzé en maillot de bain...". Le fait-divers commence à gonfler : SOS racisme retweete le maire de Reims, partage l'article de L'Union qui devient viral, prend position : "Nous refusons une morale de l'oppression qui réduit nos libertés". Un appel à manifester est lancé. On sonne le tocsin, la liberté est en danger. Le piège se referme.
L'indignation sur les réseaux sociaux est réelle. Le hashtag lancé par SOS racisme est dans les trendtopics. Et le fait divers local devient une actualité nationale avec le relai de quelques médias (les articles en ligne étant illustrés avec des photos de jeunes femmes en bikini pour générer des clics). Des responsables politiques, majoritairement de droite et d'extrême-droite, mais de gauche aussi, s'en mêlent.
Cette banalité transformée, amplifiée, déformée, devient une preuve irréfutable de l'invasion des intégristes musulmans voulant remettre en cause "notre mode de vie", alors même que la question religieuse se révèlera absente de l'affaire initiale. L'extrême-droite, coutumière du détournement de faits divers, est en première ligne avec Florian Philippot qui suggère à celles qui auraient "lynché une jeune fille vivant à la française" de se rendre auprès du roi d'Arabie Saoudite : pas de ça chez nous. Pour Stéphane Ravier, maire d'arrondissement FN de Marseille, la "charia en bas d'chez soi, c'est maintenant !".
Mais l'indignation politicienne ne se cantonne pas au FN. Pour Eric Ciotti : "on veut nous imposer un mode de vie qui n'est pas le nôtre", pour Lydia Guirous, porte-parole de LR, il s'agit d'une "illustration de plus de la radicalisation religieuse". L'emballement médiatique atteint des sommets : même des sites journalistiques reconnus sont contaminés. Pire, au niveau de l'Etat, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dont on découvre l'existence fustige le manque de réactions des "habituels défenseurs de la liberté vestimentaire", validant la thèse d'une agression délibérée.
Tous semblent prendre pour acquis la thèse d'un choc des civilisations, validant les discours de l'extrême-droite pour qui une "islamisation de la société" menacerait le mode de vie des Français. En disant défendre une "culture de liberté", on en dénonce en miroir une autre culture présentée comme radicale, dangereuse, pernicieuse. L'étrangeté serait arrivée jusqu'aux portes de Reims ! Tout un symbole : dans la ville où ont été sacrés les rois de la France, fille ainée de l'Eglise...
L'effet de meute a fonctionné à plein avec une convergence puissante entre des réseaux défendant traditionnellement les libertés publiques et ceux pratiquant la désinformation au service d'une idéologie d'extrême-droite. Cela doit nous faire réfléchir sur l'instantanéité des réseaux sociaux qui sont désormais largement utilisés pour diffuser toutes sortes d'informations, mais aussi des rumeurs ou de la désinformation.
Le piège qui se referme sur la France dans cette période de tension identitaires et internationales, c'est de transformer chaque fait divers en phénomène sociétal. Opposons-nous donc à cette indignation sélective qui altère des combats universels et nécessaires, le féminisme, la défense des libertés fondamentales, pour mieux s'attaquer à une religion.
Il faut aussi organiser la réplique à celles et ceux qui sont prêts à utiliser des faits banals, le moindre fait divers, pour le transformer en machine de guerre contre l'unité nationale, pour stigmatiser nos concitoyens en raison de leur religion ou de leur mode de vie. Cette affaire est dans la ligne droite des pains au chocolat de Jean-François Copé, des propos de Nadine Morano sur le voile, de Nicolas Sarkozy sur les cantines, ou de bien d'autres responsables de droite et d'extrême droite qui se servent de l'Islam comme un fond de commerce.
La Gauche doit résister face à cette offensive politique, sans aucun angélisme. Si le fait religieux suscite autant de tensions, c'est parce que l'on n'a pas apporté les solutions de fond pour permettre à tout le monde de s'épanouir sous le toit de la République mais aussi parce que face à de telles dérives islamophobes, la Gauche est souvent trop timorée. La tâche est immense mais il nous faut nous y atteler sans tarder, au risque de voir ce genre d'intox se multiplier.
http://www.huffingtonpost.fr/yann-galut/agression-reims-bikini_b_7879956.html