C'est avec l'islam que le Sahara devient, à partir du VIIe siècle, un espace important d'échanges et de circulation. La religion crée le premier pont entre les deux rives du désert. Entretien avec François-Xavier Fauvelle-Aymar.
A partir de quel moment peut-on parler d'islamisation du Sahara ?
François-Xavier Fauvelle-Aymar : Plutôt que d'islamisation, mieux vaudrait parler de pénétration de groupes islamisés dans le Sahara. Au début de notre ère, vivent encore dans cet espace, de façon diffuse, des agriculteurs issus des vieilles populations néolithiques : des populations noires appartenant à des familles linguistiques d'Afrique subsaharienne, et peut-être d'autres populations apparentées aux Berbères* d'Afrique du Nord. A l'époque romaine, une petite activité commerciale, sans parler des raids et des razzias*, existe entre les plaines de l'Afrique du nord et les palmeraies de la partie septentrionale du Sahara (cf. Maurice Sartre, p. 24). Mais on ne trouve trace ni d'une population importante ni d'un commerce d'envergure, « transsaharien » au sens propre (d'une rive à l'autre du désert) avant le VIIIe siècle de notre ère. La meilleure preuve en est fournie par les conquérants arabes eux-mêmes.
Vers 660, l'un d'eux tente un raid à partir de l'Égypte et va d'oasis* en oasis en posant chaque fois la même question : « Y a-t-il encore quelqu'un au-delà de vous autres ? » et on lui répond « Oui, par là », « Oui, de ce côté » jusqu'au moment où, parvenu dans l'oasis du Kawar, au nord du Niger actuel, où vit une vieille population qui sera razziée, la réponse devient négative. Le Sud demeure un immense inconnu au bout duquel on imagine des ténèbres infinies. Les sources écrites nous donnent des indices de l'étonnement qui accompagne la découverte de ce nouveau monde. Ainsi Al Yakubi s'émerveillant : « Il paraît qu'il y a des villages de l'autre côté du désert... »
En même temps que l'on entre en contact avec l'Afrique noire, c'est le Sahara comme espace conceptuel qui se dessine. Pour les habitants de l'Afrique du Nord, les zones arides qui fermaient leurs plaines au sud n'étaient qu'une bordure hostile, un obstacle à l'extension de l'économie agricole. Le Sahara n'existe pas en tant qu'espace homogène. Avec la mise en place de relations régulières au travers du désert, et de populations qui en vivent, le Sahara commence à être perçu comme un espace un, continu, délimité, avec une certaine profondeur. La notion se construit, s'invente à mesure qu'on le traverse.
Mais cela prend du temps. Même au XVe siècle, le nom de Sahara apparaît rarement. Antonio Malfante, un Génois qui habite alors dans le Touat, en Algérie actuelle, ne dit pas Sahara mais « la terre de Gazola », du nom d'un groupe berbère.
A partir de quel moment peut-on parler d'islamisation du Sahara ?
François-Xavier Fauvelle-Aymar : Plutôt que d'islamisation, mieux vaudrait parler de pénétration de groupes islamisés dans le Sahara. Au début de notre ère, vivent encore dans cet espace, de façon diffuse, des agriculteurs issus des vieilles populations néolithiques : des populations noires appartenant à des familles linguistiques d'Afrique subsaharienne, et peut-être d'autres populations apparentées aux Berbères* d'Afrique du Nord. A l'époque romaine, une petite activité commerciale, sans parler des raids et des razzias*, existe entre les plaines de l'Afrique du nord et les palmeraies de la partie septentrionale du Sahara (cf. Maurice Sartre, p. 24). Mais on ne trouve trace ni d'une population importante ni d'un commerce d'envergure, « transsaharien » au sens propre (d'une rive à l'autre du désert) avant le VIIIe siècle de notre ère. La meilleure preuve en est fournie par les conquérants arabes eux-mêmes.
Vers 660, l'un d'eux tente un raid à partir de l'Égypte et va d'oasis* en oasis en posant chaque fois la même question : « Y a-t-il encore quelqu'un au-delà de vous autres ? » et on lui répond « Oui, par là », « Oui, de ce côté » jusqu'au moment où, parvenu dans l'oasis du Kawar, au nord du Niger actuel, où vit une vieille population qui sera razziée, la réponse devient négative. Le Sud demeure un immense inconnu au bout duquel on imagine des ténèbres infinies. Les sources écrites nous donnent des indices de l'étonnement qui accompagne la découverte de ce nouveau monde. Ainsi Al Yakubi s'émerveillant : « Il paraît qu'il y a des villages de l'autre côté du désert... »
En même temps que l'on entre en contact avec l'Afrique noire, c'est le Sahara comme espace conceptuel qui se dessine. Pour les habitants de l'Afrique du Nord, les zones arides qui fermaient leurs plaines au sud n'étaient qu'une bordure hostile, un obstacle à l'extension de l'économie agricole. Le Sahara n'existe pas en tant qu'espace homogène. Avec la mise en place de relations régulières au travers du désert, et de populations qui en vivent, le Sahara commence à être perçu comme un espace un, continu, délimité, avec une certaine profondeur. La notion se construit, s'invente à mesure qu'on le traverse.
Mais cela prend du temps. Même au XVe siècle, le nom de Sahara apparaît rarement. Antonio Malfante, un Génois qui habite alors dans le Touat, en Algérie actuelle, ne dit pas Sahara mais « la terre de Gazola », du nom d'un groupe berbère.