Mahmoud ezzat, un "homme de fer" à la tête des frères musulmans

Les Frères musulmans ont un nouveau visage. Quelques heures après l'arrestation, dans la nuit de lundi à mardi, de leur guide suprême, Mohamed Badie, un nouveau chef a été nommé : Mahmoud Ezzat. Une annonce faite sur le site Internet de la confrérie : "Il assumera les fonctions de guide suprême sur une base temporaire."
L'homme n'est pas un inconnu. Il était le numéro deux de la confrérie jusqu'à l'arrestation de Mohamed Badie, inculpé pour "incitation au meurtre" de manifestants anti-Morsi. Depuis la destitution de l'ancien président, le 3 juillet, un bras de fer sanglant s'est engagé entre l'armée et les Frères musulmans, causant la mort de 928 civils.
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"LE RENARD"
A 69 ans, Mahmoud Ezzat a derrière lui un long parcours au sein de l'organisation. En 1962, alors qu'il commence ses études de médecine, il devient membre de la confrérie et bras droit de Sayyid Qotb, maître à penser de l'islam radical exécuté en 1966, dont Al-Qaida se réclame. Emprisonné en 1965 sous Nasser, Mahmoud Ezzat passe dix ans dans les geôles égyptiennes. Lorsqu'il est libéré, en 1974, le pays est dirigé par Anouar Al-Sadate (1970-1981). Il part poursuivre ses études de médecine en Grande-Bretagne, et revient en Egypte, doctorat en poche, enseigner cette discipline.
"L'organisation des Frères musulmans étant très hiérarchique, ce spécialiste de la santé publique monte peu à peu les échelons, explique Mathieu Guidère, spécialiste du monde arabe et du terrorisme. En 1981, il est élu au Bureau de la guidance, l'organe exécutif de la confrérie. A partir de ce moment, il devient un personnage très important."
Mais, en 1995, le régime de Hosni Moubarak renvoie en prison celui que ses Frères surnomment "le renard", en raison de sa ruse et de sa capacité à manœuvrer en fin tacticien. Mahmoud Ezzat en sortira en 2000, avant d'y séjourner à nouveau quelques mois en 2008.
UNE RADICALISATION PROVOQUÉE PAR L'ARMÉE
Ses idées rompent avec celles, plus conciliantes et modérées, de Mohamed Badie, membre du centre-droit, élu en 2010 à la tête de la confrérie. Il est le tenant d'une ligne beaucoup plus dure, et il est surnommé cette fois "l'homme de fer", en référence à sa manière abrupte de diriger l'organisation au côté de Mohamed Badie.
Mahmoud Ezzat est considéré à l'intérieur de la confrérie comme le faucon de l'aile qotbiste, gardienne de la pensée radicale de Sayyid Qotb. Un courant qui prône la lutte armée, le terrorisme et refuse toute participation à la vie politique. Depuis la destitution de Mohamed Morsi, c'est Mahmoud Ezzat qui avait eu l'idée d'occuper les deux places du Caire, dont les évacuations se sont soldées par un bain de sang.
Mathieu Guidère souligne le rôle de l'armée dans cette radicalisation :
"pouvoir oblige la confrérie à se radicaliser. Elle n'a pas d'autres choix : il ne reste plus que des membres de l'aile qotbiste. Il s'agit d'une stratégie militaire, en les poussant vers la lutte armée, l'armée pourra ensuite justifier son action antiterroriste​
 
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