Népal: des millions d'apatrides abandonnés car soupconné d'être proche des Indiens

Suraj Chaudhari est apatride dans son propre pays. Cet homme est né il y a 22 ans dans la province du Madhesh, au sud du Népal. Sa mère est Népalaise, mais l’administration refuse de lui accorder la citoyenneté, car son père est indien. Suraj n’a donc pas de papiers, et donc aucun droit.

« Je ne peux pas hériter du commerce ou des terres de mes parents, je ne peux pas avoir de carte SIM ou de compte en banque à mon nom et je ne peux pas occuper un travail légalement », explique Suraj. « La seule chose que je peux faire, c’est être ouvrier illégal pour 40 euros par mois. Je ne peux donc pas avoir une vie indépendante. C’est déprimant, et j’ai parfois envie de me suicider », souffle-t-il.

Discrimination de l'administration​

Comme Suraj, entre 5 et 7 millions d’habitants n’ont pas de certificat de citoyenneté au Népal, soit plus d’une personne sur 4. La première raison est la mentalité patriarcale de la loi népalaise, qui favorise la transmission de la nationalité par le père. À cela s’ajoute la discrimination de l’administration envers ces résidents des plaines du Madhesh, qui sont soupçonnés d’être Indiens, car ils leur ressemblent.

Arjun Kumar Sah, un apatride de 32 ans qui vit dans cette province, en a souffert. « Quand je suis allé réclamer ma citoyenneté, le fonctionnaire m’a renvoyé en disant : “vous les Indiens, vous essayez d’envahir notre pays pour nous remplacer”. Et le même jour, une autre personne avec le même dossier, mais qui vient de l’ethnie des montagnes, a obtenu la nationalité.

Une réforme épineuse​

Le gouvernement dément ces discriminations, mais officieusement, un haut fonctionnaire nous admet qu’elles sont courantes. Une loi, adoptée en juillet par le Parlement, devait clarifier la situation et donc régler une partie de ces problèmes, mais la présidente vient de refuser de la signer.

Bhim Rawal, député du Parti maoïste léniniste, explique pourquoi cette réforme est épineuse pour ce pays frontalier de l’Inde et de la Chine. « Si une Népalaise épouse un étranger, elle prend généralement la nationalité de son mari, et ses enfants l’auront aussi. Mais ils ne pourront pas être Népalais en plus. Le Népal est entouré des deux pays les plus peuplés du monde, nous devons donc faire attention à cette question démographique. »

Il faudra maintenant des mois, voire des années, avant que les nouveaux députés adoptent une loi sur le sujet. Et en attendant, le problème grandit - car chaque enfant d’apatride devient, lui aussi, apatride.

 
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