par Sanaa Elaji
Le matin, j’écoute les informations sur une radio privée marocaine. Le présentateur du journal torture et triture la langue arabe, sans que cela ne semble déranger personne.
Nous avons pris l’habitude, diriez-vous… certains même en font un moyen de se distinguer : «
En revanche, quand quelqu’un malmène le français, en commettant ses erreurs de vocabulaire, de syntaxe ou de grammaire, il s’attire les quolibets de son auditoire, comme si les compétences scientifiques, professionnelles et intellectuelles étaient consubstantielles au français. Vous ne vous exprimez pas bien dans la langue de Montesquieu, malgré de hautes compétences professionnelles et une large culture personnelle ? Ils seront alors plusieurs à vous ranger dans une catégorie donnée, négative, selon des stéréotypes convenus, et négatifs aussi, même si rien dans votre métier ou dans votre vie ne vous oblige à connaître parfaitement la langue française. A l’inverse, vous causez bien en français, malgré des talents approximatifs et une culture poussive ? Et bien, dans ce cas, ce monde-là vous regardera d’une autre manière. Et l’estime grandira pour vous si vous précisez que vous ne maîtrisez pas vraiment l’arabe.
Mais, en général, nous ne moquons pas un Italien ou un Britannique qui lacère le français et le prononce avec un accent épouvantable. Non, au contraire, on l’admire, exactement comme on raille ce Marocain qui le parle aussi mal, puisque lui aussi, le français n’est pas sa langue maternelle.
Il y a quelque chose qui ne va pas, donc…
Le propos ici n’est pas de s’attaquer à la langue française. Personnellement, j’aime cette langue, et je le maîtrise tant à l’écrit qu’à l’oral. L’apprentissage des langues étrangères est un signe d’ouverture sur d’autres cultures et d’intérêt pour la connaissance. Mais il n’en demeure pas moins que je suis quelque peu dérangée par ces stéréotypes nés de l’usage des deux langues arabe et française au Maroc et dans certains pays environnants. L’arabe serait donc, selon cette théorie, réservé au fondamentalistes, aux sous-développés, aux ignorants et aux conservateurs, et le français, ah le français, lui, il serait l’apanage des gens modernes, de ceux qui ont réussi, de la crème et de l’élite.
Or, la langue n’est pas tant une valeur intellectuelle en soi qu’un vecteur d’idées humanistes et de valeurs humaines. La connaissance d’une langue, ou son ignorance, ne doit pas être l’étalon de mesure de la qualité d’une personne, de ses idées et de sa place au sein de sa société.
Le français n’est pas plus la langue des modernistes que l’arabe n’est celle des sous-développés. Mais on notera que l’ignorance de quelque chose, langue ou autre, induit en général son rejet, dans une posture de défense qui remplacerait l’autocritique.
http://www.panorapost.com/non-larabe-nest-pas-la-langue-des-sous-developpes-par-sanaa-elaji/
Le matin, j’écoute les informations sur une radio privée marocaine. Le présentateur du journal torture et triture la langue arabe, sans que cela ne semble déranger personne.
Nous avons pris l’habitude, diriez-vous… certains même en font un moyen de se distinguer : «
En revanche, quand quelqu’un malmène le français, en commettant ses erreurs de vocabulaire, de syntaxe ou de grammaire, il s’attire les quolibets de son auditoire, comme si les compétences scientifiques, professionnelles et intellectuelles étaient consubstantielles au français. Vous ne vous exprimez pas bien dans la langue de Montesquieu, malgré de hautes compétences professionnelles et une large culture personnelle ? Ils seront alors plusieurs à vous ranger dans une catégorie donnée, négative, selon des stéréotypes convenus, et négatifs aussi, même si rien dans votre métier ou dans votre vie ne vous oblige à connaître parfaitement la langue française. A l’inverse, vous causez bien en français, malgré des talents approximatifs et une culture poussive ? Et bien, dans ce cas, ce monde-là vous regardera d’une autre manière. Et l’estime grandira pour vous si vous précisez que vous ne maîtrisez pas vraiment l’arabe.
Mais, en général, nous ne moquons pas un Italien ou un Britannique qui lacère le français et le prononce avec un accent épouvantable. Non, au contraire, on l’admire, exactement comme on raille ce Marocain qui le parle aussi mal, puisque lui aussi, le français n’est pas sa langue maternelle.
Il y a quelque chose qui ne va pas, donc…
Le propos ici n’est pas de s’attaquer à la langue française. Personnellement, j’aime cette langue, et je le maîtrise tant à l’écrit qu’à l’oral. L’apprentissage des langues étrangères est un signe d’ouverture sur d’autres cultures et d’intérêt pour la connaissance. Mais il n’en demeure pas moins que je suis quelque peu dérangée par ces stéréotypes nés de l’usage des deux langues arabe et française au Maroc et dans certains pays environnants. L’arabe serait donc, selon cette théorie, réservé au fondamentalistes, aux sous-développés, aux ignorants et aux conservateurs, et le français, ah le français, lui, il serait l’apanage des gens modernes, de ceux qui ont réussi, de la crème et de l’élite.
Or, la langue n’est pas tant une valeur intellectuelle en soi qu’un vecteur d’idées humanistes et de valeurs humaines. La connaissance d’une langue, ou son ignorance, ne doit pas être l’étalon de mesure de la qualité d’une personne, de ses idées et de sa place au sein de sa société.
Le français n’est pas plus la langue des modernistes que l’arabe n’est celle des sous-développés. Mais on notera que l’ignorance de quelque chose, langue ou autre, induit en général son rejet, dans une posture de défense qui remplacerait l’autocritique.
http://www.panorapost.com/non-larabe-nest-pas-la-langue-des-sous-developpes-par-sanaa-elaji/