Qui sont les femmes attirées par des tueurs?

Landru, Anders Breivik et Charles Manson​

De Landru (800 demandes en mariage, 4.000 lettres d'amour reçues avant son exécution) à Anders Breivik (800 lettres par mois), les tueurs en série ont toujours fasciné.

La palme revient à Charles Manson, qui a reçu plusieurs dizaines de milliers de lettres et mails. À 83 ans, celui a été condamné entre autres pour le meurtre de l'actrice Sharon Tate, s'était fiancé en prison avec une jeune femme d'une vingtaine d'années.

Même la pédocriminalité comme celle de Nordahl Lelandais ne freine pas cette fascination. Ainsi, Marc Dutroux recevait de nombreuses lettres de femmes, parfois même d'adolescentes. Certaines ont été dévoilées par l'administration pénitentiaire. «Je suis une jeune fille de 15 ans. Vous m'avez toujours fascinée», pouvait-on lire. «Vous êtes une personne connue. Quand je vois vos belles photos, je ne peux que croire que vous êtes honnête. Voulez-vous correspondre avec moi? Si tu veux, je peux envoyer ma photo.»

Un phénomène féminin​

Célébrité et frisson de la transgression sont au centre d'une mécanique du désir déroutante et majoritairement féminine. «Les femmes sont, de façon générale, beaucoup plus attirées par les hommes criminels que les hommes ne le sont par les femmes», écrit Michel Bénézech, psychiatre et criminologue.

Quelques exceptions notables existent cependant, comme le cas de Florent Gonçalvès. Ce directeur de prison sans histoire, marié, père de deux enfants, était tombé amoureux d'Emma, l'appât du «gang des barbares» qui avait kidnappé et tué Ilan Halimi en 2006. Emma bénéficiait de traitements de faveur, à tel point qu'on l'appelait «la directrice». Gonçalvès n'était d'ailleurs pas le seul: d'autres agents pénitentiaires entretenaient aussi des relations avec la jeune femme. Le directeur a été condamné à un an d'emprisonnement.

Mais le phénomène reste majoritairement féminin. «Il y a chez les femmes des facteurs psychologiques qui les rendent plus vulnérables à l'attraction morbide des voyous, des gangsters, des criminels violents en général: instinct maternel, sensibilité à la souffrance, à la détresse, désir de protection, de sauvetage, de pardon, de rédemption du pécheur», développe Michel Bénézech.

«Killer groupies» et «syndrome de l'infirmière»​

Même si chaque parcours est singulier, j'ai exposé les deux grands types de femmes amoureuses des criminels dans le livre Psychologie de la connerie en amour.

Il y a d'abord celles que l'on surnomme les «killer groupies». Ce sont plutôt des jeunes femmes en quête de frissons et de transgression, fascinées par la célébrité et l'odeur de soufre qui se dégage du meurtrier. Elles vont chercher à entrer en contact avec les tueurs, sorte d'incarnations maléfiques du mâle alpha. Ce sont par exemple les jeunes femmes qui se pressaient aux procès de deux des plus grands serial killers américains: Ted Bundy et Richard Ramirez.

Il y a aussi certaines femmes qui présentent ce que l'on pourrait appeler le «syndrome de l'infirmière». Celles-ci sont prises de compassion et pensent pouvoir remettre le criminel dans le droit chemin. «Derrière le prédateur, elles voient l'humain qui a besoin d'aide», écrit Isabelle Horlans, autrice d'un livre très documenté sur le sujet, L'Amour (fou) pour un criminel.
 

Correspondant de prisonnier​

Dans son livre Women Who Love Men Who Kill, paru en 1991, l'Américaine Sheila Isenberg recensait une trentaine de portraits de ces femmes amoureuses de criminels. Enseignante, infirmière, doctorante ou encore journaliste comme l'épouse de Richard Ramirez, elles étaient plutôt d'un bon statut socioprofessionnel.

L'autrice leur avait trouvé deux points communs: une solide foi en un dieu miséricordieux et des traumatismes d'enfance, de type agressions sexuelles et/ou violences. De même, dans son enquête, Isabelle Horlans n'a pas trouvé de groupie issues de classes défavorisées. S'agirait-il de grand frisson cherché par des «bourgeoises à l'existence morose»?

«Je voudrais écrire à des prisonniers», m'explique Sarah, 29 ans, interne en médecine. «Je me suis déjà renseignée sur internet. Cela m'intrigue et m'excite à la fois.» Mais le frisson de la transgression ne va pas jusqu'au risque d'une concrétisation physique. «Je ne voudrais pas forcément les rencontrer», nuance-t-elle.

«J'étais un outil pour lui apporter ce dont il avait besoin matériellement, affectivement et sexuellement.»
Élisabeth, ex-compagne de Nordahl Lelandais
Plusieurs sites proposent ainsi de devenir correspondant de prisonniers américains, selon leur argumentaire, pour aider leur réinsertion. D'autres sont des sites de rencontres avec des prisonniers. On y voit les fiches des individus avec âge, photo, biographie, détail du crime et date de sortie de prison.

Car toutes les correspondances ne finissent heureusement pas comme celle que Monique Olivier eut avec Michel Fourniret. Alors qu'il était en prison pour viol et agression sexuelle, elle répondit à une annonce et entama avec lui une correspondance qui se concrétisa à sa sortie par un pacte sanglant, jouant les rabatteuses pour «l'ogre des Ardennes». En décembre 2023, Monique Olivier a été condamnée à perpétuité pour complicité dans trois des crimes de Michel Fourniret.

Des vies fracassées​

«J'ai perdu trois ans de ma vie avec lui», témoigne Élisabeth, qui avait commencé à écrire Nordahl Lelandais en 2019 avant d'en tomber amoureuse. «Il m'a utilisée en me trompant sur les sentiments qu'il avait envers moi. J'étais un outil pour lui apporter ce dont il avait besoin matériellement, affectivement et sexuellement.» Elle ira jusqu'à se faire tatouer le prénom du prisonnier et rédigera un testament à son avantage.

Ainsi, cette fascination peut se révéler dangereuse et fracasser des vies. Elle peut pousser certaines femmes à outrepasser la loi, en apportant drogue ou téléphone aux prisonniers, comme l'a fait Élisabeth. Voire même devenir complices de tentatives d'évasion ou encore de crimes, comme Monique Olivier.
 
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