Syrie : la stratégie du président bachar

Le président syrien a été réélu dans un scrutin irréel. On votait dans les beaux quartiers de Damas comme si de rien n’était, en tenue du dimanche, pendant qu’à quelques kilomètres de là des pans entiers de villes dévastées n’abritent plus que le malheur et le souvenir d’une vie perdue. À quoi bon ?
Ils ont voté. Le doigt teinté de bleu indélébile pour éviter les fraudes. Comme si voter deux fois avait une quelconque importance dans un pays où hier encore les avions de chasse survolaient des quartiers réduits en cendres. Surtout ne pas tricher, quand 160 000 personnes sont déjà mortes dans ce conflit sans fin. Certains ont pris l’avion et ont atterri à Damas pour venir mettre leur bulletin dans l’urne en faveur de Bachar el-Assad. Deux autres candidats se présentent pour faire bonne figure, mais le plébiscite est garanti. Les autres, les opposants, votent déjà contre lui. Mais différemment. Avec les armes, ou en fuyant les combats pour se réfugier au Liban, en Jordanie, en Turquie. Ils ne participent pas à ce vote absurde.

Des groupes armés que personne ne contrôle

Alors pourquoi cette élection ? D’abord parce qu’une partie des Syriens sont bel et bien derrière lui. Combien ? Impossible à dire. 30% de la population peut-être. Alaouites, chrétiens, druzes ou autres. Plutôt lui qu’un autre pouvoir issu de ces groupes armés que personne ne semble vraiment contrôler. Ceux qui ne voient pas à Alep et à Homs des révolutionnaires mais de dangereux djihadistes votent Bacahr sans état d’âme.

Mais l’intérêt est surtout politique pour Bachar. Avec ce scrutin, il enterre les accords de Genève 2. Lakhdar Brahimi, le diplomate algérien, artisan de cette réunion de l’impossible où Damas avait envoyé une délégation, a fini par jeter l’éponge de guerre lasse. Restait le texte et son idée. L’idée d’un gouvernement transitoire qui après un cessez le feu réunirait toutes les tendances politiques syriennes pour définir la nouvelle Syrie. Un gouvernement ayant, selon la formule des diplomates, "full executive power". Les pleins pouvoirs exécutifs pour le gouvernement, relayant ainsi Bachar el-Assad à l’inauguration des chrysanthèmes avant son exil ou son jugement par une cour internationale.

Quelqu'en soit le prix, Bachar se dit qu'il gagnera

Grâce à cette élection, Bachar se redonne une légitimité pour 7 ans. Contestable évidemment, mais qui sera suffisante pour les pays qui soutiennent la Russie ou l’Iran. Suffisante aussi pour les autres qui à la fin ne voudront pas prendre position et se rangeront à la légitimité internationale du chef d’un État. Chef d’un État en ruine, affaibli, critiqué, mais qui sera toujours là. "Infréquentable" diront certains, peut-être. Mais "ce ne sera ni le premier ni le dernier" répondront les cyniques ou les tenants de la realpolitik.

Un maître mot guide Bachar el-Assad : l’usure. Sur le terrain de la guerre où chaque quartier est disputé puis repris. L’usure diplomatique où l’on détricote ce que l’on a à grand-peine tissé. Bachar el-Assad se dit qu’à la fin et quelqu’en soit le prix, il gagnera. Pas sûr que l’avenir lui donne tort.

https://fr.news.yahoo.com/blogs/ravanello/la-strategie-du-president-bachar-100454766.html
 

mam80

la rose et le réséda
Modérateur
Empêtré depuis trois ans dans une guerre civile interminable et en quête de légitimité, le régime syrien, dictature héréditaire depuis 1970, organisait le 3 juin des élections présidentielles.

Le pouvoir en Syrie est tenu par la communauté alaouite (secte issue de l’islam chiite) très minoritaire,
mais plus encore par un clan familial dont est issu Bachar el-Assad, le parti unique Baas (nationaliste et socialiste arabe) servant de colonne vertébrale à ce régime totalitaire.

Après s’être présenté au monde occidental comme l’unique rempart contre une future Syrie islamiste, il tente actuellement de démontrer sa légitimité démocratique.

Or, l’élection se déroulait uniquement dans les régions tenues par le régime et loin des zones de combats, soit environ le tiers du territoire.

Les rebelles appelaient tous au boycott du scrutin, et pour cause :
la loi électorale, concoctée pour l’occasion, excluait de facto toute candidature dissidente.
Mais pour faire bonne figure, deux candidats totalement inconnus ont été autorisés afin de servir de faire-valoir à M. Assad.

La campagne présidentielle a été menée façon « dictature arabe » :
culte de la personnalité ;
affiches de Bachar sur lesquelles on le voit tantôt en uniforme de colonel qu’il n’a pourtant jamais été, tantôt en tenue décontractée avec des lunettes de soleil ou les sourcils froncés en tenue camouflée des commandos bardée de décorations… ;
chants à la gloire du « chef » en continu sur les ondes radio et les chaînes de télévision.

Quant aux deux idiots utiles d’en face :
deux à trois affiches noyées sous celles du « sauveur de la Syrie » et c’est tout.

Ce scrutin est une avancée pour sortir de la crise, nous assure-t-on au ministère des Affaires étrangères :
ne s’agit-il pas de la première élection en Syrie depuis un demi-siècle ?
Bachar et son père Hafez avaient en effet été désignés par le parti.

Bien évidemment, le résultat du scrutin sera sans surprise, Bachar el-Assad sera élu avec une majorité confortable (95 à 99 % des voix), si bien qu’on se demande d’où sortent ses rebelles ?

Et c’est là qu’on nous expliquera qu’il s’agit d’une poignée de terroristes.
Si le mot « poignée » est exagéré, celui de « terroriste » n’est pas infondé…
Malheureusement, le régime des Assad ne l’est pas moins :
il a même réussi à donner toute sa noblesse à cet adjectif — infondé — en affinant ses méthodes au fil des années. Localement, par des arrestations arbitraires et la torture techniquement très poussée, et à l’international, en assassinant des personnalités gênantes (notre ambassadeur et nos soldats au Liban, entre autres), massacrant des populations, soutenant tous les groupes terroristes en Occident, islamistes, d’ailleurs (tant qu’ils ne sont pas chez lui, il n’est pas contre).

Les Syriens, comme tous les peuples musulmans, ont ainsi le choix entre un régime de type islamiste ou un régime de type nationaliste-mafieux.

Car, doit-on le rappeler, les élections dans les pays musulmans (arabes ou pas) ne sont pas une garantie de liberté. Soit les élections ne sont qu’une plaisanterie de mauvais goût servant à légitimer un dictateur en place, soit elles sont libres et, dans ce cas, elles installent systématiquement des régimes islamistes qui se dépêchent de réduire les libertés et d’éradiquer toute opposition.
Bref, pas de quoi être optimiste…

bd volt

mam
 
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