Viols, tortures : le calvaire des femmes en centrafrique

Alors que le chaos se poursuit dans la capitale Bangui, et en province, les femmes centrafricaines, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, payent un lourd tribut et sont les cibles des pires exactions, dont le viol utilisé comme arme de guerre par toutes les factions en place. Brigitte Balipou, magistrate à la Cour de cassation de Bangui et membre du bureau exécutif du réseau Femmes Africa Solidarité, lance un cri d’alarme.

ELLE. A quelle échelle le viol est-il utilisé contre les femmes en Centrafrique ?

Brigitte Balipou. A grande échelle, c’est indéniable. Les femmes qui ont réussi à se réfugier dans les églises ou les mosquées dans la capitale, celles qui sont prises en charge par les ONG, apportent des témoignages circonstanciés. Comme l’a fait Hélène, une jeune grand-mère Centrafricaine qui, avec courage, a raconté son calvaire devant le parterre d’épouses de chefs d’Etat africains réunies il y a quelques jours par Valérie Trierweiler, en marge du sommet France Afrique, pour appeler à une tolérance zéro pour les crimes sexuels commis dans les conflits. Mais les témoignages que nous recueillons dans la capitale ne sont malheureusement que la partie visible de ces exactions commises contre les femmes partout dans le pays : beaucoup sont en province, tentent de rejoindre à pied la capitale pour s’y réfugier avec leurs enfants, dans des conditions de danger extrême. Elles ont été victimes de viols ou risque de l’être pendant leur fuite éperdue. Toutes sont des cibles en puissance …

ELLE. Qui sont les auteurs de ces viols massifs ?

Brigitte Balipou. Toutes les factions qui s’opposent actuellement en Centrafrique utilisent le viol comme arme de terreur. Ce sont les informations qui ressortent de tous les récits de terreur que nous recueillons. Les corps des femmes sont devenus des champs de bataille. Les combattants, d’un côté comme de l’autre, veulent assouvir ainsi leur soif de vengeance. Les femmes - y compris des petites filles, des adolescentes, des grands-mères – sont violées souvent par plusieurs hommes devant leurs enfants, leurs parents. Les agresseurs veulent faire taire les femmes, issues des communautés chrétienne ou musulmane, parce que celles-ci appellent à la paix et à la réconciliation. Parce que les voix des femmes en Centrafrique, comme dans tant de conflits, vont à l’encontre de celles des miliciens de tout bord qui veulent continuer le cycle de violence et refusent la réconciliation entre les divers camps. En violant les femmes on veut les réduire au silence, les enfermer dans la peur, les empêcher de militer pour le retour de la paix civile.

ELLE. Que réclamez-vous ?

Brigitte Balipou. Femmes Africa Solidarité fait un travail constant de plaidoyer auprès des dirigeants internationaux, et sur le terrain, d’aide aux victimes. Nous avons besoin de la solidarité des femmes du monde entier, de leur mobilisation pour que cesse la tragédie que vivent les Centrafricaines mais aussi toute la population civile de ce pays. Nous réclamons qu’il n’y ait aucune impunité envers les auteurs de ces viols, et des meurtres qui, souvent, s’ensuivent. La justice en Centrafrique ne pourra à elle seule mener cette action. Nous avons besoin, d’une justice transitionnelle, comme ce fut le cas au Rwanda avec les tribunaux Gacaca chargés d’écouter la parole des victimes du génocide ou comme en Afrique du Sud via la Commission de la vérité et de la réconciliation. La paix civile passera, aussi, par la lutte contre l’impunité des auteurs de viols et la reconnaissance des victimes de crimes sexuels. En attendant, le message le plus urgent des femmes centrafricaines, de toute confession, est celui-là : que cessent la violence et la terreur. Nous souffrons trop.

http://www.elle.fr/Societe/News/Viols-tortures-le-calvaire-des-femmes-en-Centrafrique-2641749
 
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