Procès du Hirak: Quelque centaines de personnes manifestent à Rabat pour dénoncer les peines prononcées, la mobilisation a rejoint la rue.
Par Salma Khouja
HIRAK - La mobilisation sur le web tente de se faire entendre dans la rue. Hier soir, plusieurs centaines de personnes ont répondu présent à l’appel lancé sur les réseaux sociaux par des comités de soutien aux détenus du Hirak, pour manifester devant le parlement, à Rabat.
Dans la foule, militants des droits de l’homme, sympathisants ou anonymes ont marché pacifiquement sur le boulevard Mohammed V, scandant des messages appelant à la libération des détenus du Hirak, condamnés mardi soir à des peines allant de 20 ans de prison ferme à un an de prison avec sursis.
La décision de justice contestée
Certains protestataires ont marché en tenant des portraits de Nasser Zefzafi ou d’autres accusés, tandis que d’autres ont préféré arborer le drapeau amazigh. Parmi les manifestants, de nombreux jeunes, comme Yasmine, 18 ans étudiante. Cette dernière, qui affirme avoir suivi d’abord “de loin” le mouvement du Hirak, ne s’attendait pas à ce que les peines soient aussi lourdes: “20 ans c’est beaucoup”, dit la jeune femme au HuffPost Maroc, “leur seul tort est d’avoir demandé du changement dans ce pays, nous devons sortir pour protester contre cette décision”.
Si une peine moins lourde aurait sans doute moins mobilisé les foules, pense Yasmine, la jeune femme considère que les détenus doivent tout simplement être remis en liberté: “que ce soit un an, deux ans, trois ans, ou 20 ans, ce sont des peines qui n’ont pas lieu d’être. Leur seul tort est d’avoir manifesté pour réclamer du changement dans ce pays”. Un discours partagé par de nombreux manifestants qui réclament d’une seule voix la libération des détenus.
Pour le sociologue Mehdi Alioua, également présent lors de la manifestation, au-delà de la sentence, le procès de ces détenus est contestable: “c’est une justice fantoche, il n’y a aucune preuve”, déclare-t-il au HuffPost Maroc. “On condamne des gens sur la base d’aveux obtenus de manière assez trouble, le rapport du CNDH à ce sujet est assez clair”, ajoute-t-il, se disant déboussolé par ce qu’il qualifie de “retour en arrière”. “La justice a été extrêmement lourde et archaïque”, poursuit-il. “Cela m’aurait choqué même si les peines étaient moins sévères mais en tant que sociologue, je pense que cela aurait eu moins d’impact sur les réseaux sociaux. Cela aurait été un signal à mi-chemin, pas convainquant pour la démocratie mais suffisant pour continuer à travailler ensemble, et là, c’est une sorte de rupture”.
Appel au parlement
Si le sociologue espère que la mobilisation perdure, il en appelle également au pouvoir législatif: “il faut que les élus prennent leurs responsabilités, que le parlement agisse”.
Une vision partagée par des manifestants qui réclament désormais l’intervention du parlement, citant une pétition qui a déjà récolté près de 5000 signatures, et réclamant au parlement de “promulguer une loi d’amnistie générale pour les détenus du Hirak”.
Le sit-in aura finalement duré moins de deux heures à l’issue desquelles un dernier groupe s’est réuni en face du parlement, avant de se disperser dans le calme. Hier soir également, une manifestation a aussi rassemblé à Casablanca de nombreuses personnes solidaires de la cause des détenus du Hirak.
D’autres manifestations de soutien aux détenus condamnés sont prévues au Maroc comme à l’étranger, comme aujourd’hui à Francfort à 11h et à Marrakech à 19h30, à Paris, le 30 juin à 16h, et à Madrid, le 30 juin à 18h.