a-t-il un lien avec les tensions au Sahara occidental ?
Pour Emmanuel Dupuy, "
il ne faut pas faire de lien entre la mort d’Addah Al-Bendir", chef de la gendarmerie du Polisario, qui aurait été éliminé le 7 avril lors d'une attaque, et l'acquisition des drones turcs. D'ailleurs, plusieurs hypothèses s'affrontent. L'utilisation, inédite, d'un drone pour frapper ce responsable du Front Polisario, n'est pas avérée, même si c'est la version qu'avancent les indépendantistes sahraouis, selon nos confrères de l'AFP. D'autres parlent également d'un possible recours à un drone de surveillance, précédent une frappe.
Si l'usage d'un drone "
est difficile à démontrer", l'ampleur de l'opération menée est "
une première depuis le cessez-le-feu" signé en 1991 sous l'égide des Nations unies, estime le politologue marocain Mohamed Chiker, spécialiste des Forces armées marocaines (FAR), joint par nos confrères de l'AFP.
À l'inverse, Emmanuel Dupuy estime qu'"
il n’y a pas de recrudescence des tensions au Sahara occidental". "
Il y a surtout une tentative de médiatisation de frictions", ajoute-t-il. Pour lui, cela explique la stratégie marocaine qui consiste "
à très peu, voire à ne pas communiquer sur les différentes opérations qui peuvent se dérouler sur zone, afin de ne pas rentrer dans une escalade dans la guerre des mots".
Le Maroc s'équipe, à l'instar d’autres pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest qui se sont dotés de drones : "
Il n’y avait pas de drones en 2016, mais en 2021, quasiment tous les pays en disposent dans la région", précise Emmanuel Dupuy. Pour le spécialiste, ces acquisitions laissent entrevoir une "
dronisation plus importante, encore, des pays africains, qui font, pour une grande partie d’entre eux, face à des groupes terroristes", mais aussi, de nouvelles formes de stratégies de guerre.
Objectif : contenir la menace terroriste sahélienne ?
Pour Emmanuel Dupuy, cet achat de drones par le Maroc s’explique davantage par le renforcement de coopération avec la France, dans le but de contenir la menace djihadiste qui pourrait venir du Sahel, où la situation se détériore, que par une volonté de se débarrasser du Front Polisario : "
L’Algérie, par exemple, grâce à la réforme de sa Constitution, en novembre 2020, peut désormais intervenir en dehors du territoire national, dans le cadre de mandats internationaux. Le Maroc doit également être prêt à le faire", ajoute Emmanuel Dupuy.
En matière de drones, les Turcs sont les meilleurs Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe
Par ailleurs, selon ce spécialiste, si des drones, probablement israéliens, ont pu être utilisés par le royaume, "
cela s’inscrit pleinement dans la normalisation des relations entre le Maroc et Israël", annoncée le 10 décembre dernier, par Donald Trump, alors président des États-Unis.
Des informations reprises par la presse marocaine ont fait état fin 2020 de la livraison de trois drones Harfang mais aussi de la commande de drones israéliens Bluebird et américains MQ-9B SkyGuardian --apparemment non livrés à ce jour.
"
Officiellement, le Maroc ne dispose pas de drones armés",
mais il "possède une panoplie de drones non armés à la pointe de la technologie", a assuré l'expert militaire marocain, Abdelhamid Harifi, à l'AFP.
Via ces acquisitions de drones, le Maroc répondrait également à un besoin, lié à son partenariat stratégique privilégié avec l’OTAN : "
Les Marocains répondent à une obligation opérationnelle, dans le cadre d’une plus forte coopération avec l’OTAN", selon Emmanuel Dupuy. Il ajoute : "
Cette dronisation n’est pas liée à un conflit mais à un état d’esprit, à une philosophie, qui consiste à mener des opérations de contre-insurrection ou de lutte contre les groupes armés, en exposant le moins possible les hommes".
Pour le spécialiste, les drones offrent l’avantage de permettre une sous-traitance des opérations et d’impliquer au minimum la vie des troupes armées.