résumé de l'étude du NIST, parue dans La Recherche :
La conception des immeubles :
Même si leur forme extérieure (des parallélépipède de 415 m de haut sur 64 m de large) était assez banale, leur architecture était d'une grande originalité : faisant l'économie de la traditionnelle forêt de colonnes utilisée pour soutenir de grands immeubles, elle offrait un gain de place pour l'espace de travail. Elle reposait sur un tube d'acier (la façade) formé de 236 colonnes périphérique entourant le coeur de la structure formé d'une quarantaine de colonnes d'acier entourant les ascenseurs et les escaliers. La façade et le coeur étaient reliés par un plancher constitué d'une charpente métallique recouverte de béton. Enfin une armature métallique coiffait l'ensemble et connectait le coeur des tours à leur façade.
Le NIST a établit que la qualité des aciers était irréprochable et que les charges pour lesquelles les tours avaient été conçu entraient dans les normes de l'époque.
Concernant les risques de collision d'avions, les concepteurs semblent avoir été sensibilisés par un précédent. En 1945, un bimoteur de taille moyenne (B-25) perdu dans le brouillard avait heurté l'Empire State Building. Le bâtiment avait résisté à l'impact et à l'incendie qui avait suivi. Un document de l'autorité portuaire indique que l'impact d'un Boing 707 avait été envisagé : une « telle collision entrainerait uniquement des dommages localisés qui ne pourraient conduire à l'effondrement ». Au vu des différences lors de l'impact, aucune comparaison n'est néanmoins possible entre celui du B-25 et les attentats de 2001 : en particulier, un avion en fin de parcours, comme c'était le cas pour le B-25, transporte peu de kérozène, ce qui change son poids et sa capacité à pénétrer les structures.
La modélisation :
Pour comprendre le causes de ce drame les experts du NIST ont entrepris de reconstituer par ordinateur la séquence des événement, depuis l'impact jusqu'à l'effondrement des tours. Afin de modéliser l'impact huit étages des tours ont été virtuellement reconstituées. Le renforcement de certaines colonnes du WTC2, prévu pour supporter un coffre-fort énorme au 97e étage, a même été reproduit. Une série de simulation ont été réalisées afin de comprendre comment lespièces métallique de l'avion, ainsi que celles des deux tours se sont fragmentées. Au final la modélisation de l'impact a pris en compte plus de deux millions de données, et deux semaines de temps de calcul ont été nécessaires pour déterminer, tous les millionièmess de seconde, comment les événements se sont succédé.
Effets du choc initial :
Si autant de soin a été porté à la fidélité du modèle, c'était notamment pour comprendre comment les ailes en aluminium avaient pu cisailler aussi facilement les colonnes d'acier. Les simulations ont montré que les ailes auraient été incapables de pénétrer dans ces colonnes sans la masse importante de kérosène qu'elle contenaient. En considérant le poids de l'avion, l'angle et la vitesse des impacts, le nombre de colonnes périphériques détruites a également été déterminé : une vingtaine environ, pour chacune des deux tours. En outre, les simulation ont permis d'obtenir des informations sur les dégâts occasionnés à l'intérieur des tours : dès l'impact plusieurs colonnes du coeur ont été sérieusement endommagées, et une partie des planchers détruite.
Mais les bâtiments n'ont pas flanché : les colonnes se sont étirées et ont été déchirées comme du caramel mou, absorbant une bonne part de l'énergie cinétique des avions. Il y eut néanmoins d'autres dégât qui, cumulés à ceux que nous venons d'évoquer, entraineront l'effondrement du WTC. Premièrement, l'impact provoqua la dispersion du kérosène et le départ d'incendies sur de larges zones. En brisant un grand nombre de vitre sur la façade, l'impact a eut pour effet d'accroitre l'apport d'air pour ces incendies. Mais surtout les débris projetés à grande vitesse (ailes, réacteurs, etc.) ont gravement endommagé le revêtement ignifugés des colonnes (du gypse, cad du plâtre), les laissant vulnérables à la chaleur dégagée par les incendies. La dégradation des plafonds participa à la propagation de cette chaleur, et si l'on ajoute à cela la destruction des extincteurs automatiques (sprinkler), on s'aperçoit que rien ne pouvait entraver le développement des incendies.
Le carburant principal des incendies :
L'embrasement du kérosène ne dura que quelques minutes, et les fournitures de bureau ont constitué la majorité du combustible. Pour comprendre l'effet des incendies sur les structure, un espace de travail a été construit en modèle réduit avant d'être imbibé de la bonne quantité de kérosène. Des capteurs de poids ont mesuré la quantité de matière consummée, et les température ainsi que le volume de gaz participant à la combustion ont été déterminés. Ces expériences ont permis d'estimer la chaleur dégagée dans la zone détruite par l'avion. Un bureau effondré et recouvert de débris du plafond produit de la sorte deux fois moins de chaleur qu'un bureau normal.
Les causes immédiates de l'effondrement :
Grâce à ces données, notamment, l'incendie a été modélisé à son tour. Là, une différence majeur apparaît entre les deux immeubles. Dans le WTC1, la propagation des feux est limité par l'apport d'air, et les incendies se déplacent du côté nord (près de l'impact). Dans le WTC2, où l'orientation de l'avion lors de l'impact a provoqué l'accumulation de nombreux débris combustibles dans le coin nord-est, les incendies sont plus concentrés et plus intenses.
Il restait à coupler la modélisation de l'incendie avec l'analyse structurale du bâtiment. Pour cela, des colonnes d'acier du WTC ont été soumises à des températures de plus en plus élevées. Ces tests ont été réalisés sur des colonnes entourées de revêtement ignifugés et sur d'autres, qui n'en possédaient pas. Des calculs plus complexes, tenant compte de la géométrie et de l'endommagement des structures, ont ensuite été effectués. Ils montrent que la chaleur diffuse à travers les trous dans l'isolation, et s'étend ensuite largement. Quarante-cinq minutes après le départ de l'incendie, une colonne bien isolée atteint les 300°C. Dans le même temps, la température d'une partie des planchers et des colonnes endommagées du coeur avoisine déjà les 500°C. La structure microscopique des aciers change avec la température. À 500°C, les colonnes du coeur du WTC commencent à se raccourcir dans un processus appelé "fluage", qui entraîne leur fléchissement. Les planchers s'affaissent. Toutefois et contrairement à ce qu'avait conclu l'ASCE(*), les connexions avec les colonnes périphériques tenaient encore, et les planchers ne sont pas tombés les uns sur les autres. Pour preuve : le fléchissement observé des colonnes périphériques vers l'intérieur du bâtiment, sous l'effet de l'affaissement des planchers.
Les évènements se sont ensuite déroulés de la façon suivante. Par les connexions de l'armature du toit, l'affaiblissement des colonnes du coeur a entrainé la redistribution des charges vers les colonnes périphériques. Cela a eut pour conséquence d'accroitre le fléchissement des façades, provoquant une grande instabilité. À un moment donné (56 minutes pour le WTC2 et 102 minutes pour le WTC 1), ces colonnes sont devenues incapables de supporter la charge de la partie supérieure. Et, à mesure que cette dernière a basculé, ni le coeur, ni la façade ne soutenaient plus aucune charge. L'énergie libérée par le mouvement de la partie supérieure était alors telle que même la partie inférieure, intacte, n'a pu résister.
Différence WTC1 / WTC2
Mais pourquoi le WTC 2 c'est il effondré deux fois plus vite que le WTC 1 ? Parce que les dommages infligés dans le WTC 2 aux colonnes du coeur étaient plus importants en raison de la trajectoire de l'avion. Elle était plus excentrée par rapport au milieu de la façade, ce qui a entraîné des incendies plus localisés et plus intenses. Conséquence : les colonnes ont perdu plus rapidement leur capacité à supporter les charges.
(*) dans le rapport publié par l'Agence fédérale de gestion des situations d'urgence (FEMA) et la Société américaine des ingénieurs en génie civil (ASCE)
Tiré de l'article La chute des Twin Towers, de Frederic Mompiou, La Recherche n°396, avril 2006, p.54-57
Frédéric Mompiou est chercheur invité à l'Institut américain des normes et de la technologie (NIST) à Gaithersburg
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La phénoménologie de l'effondrement proprement dit n'est pas étudié car physiquement triviale. Un calcul réalisé par un des chercheurs de la FEMA en fonction de :
* la masse de la partie supérieure ~ 50 kt
* la hauteur de chute
* le coefficient d'élasticité de la partie inférieure encore intacte
avait déjà établit que dès lors que la partie supérieure (la partie surplombant le plan d'impact) tombait d'une hauteur aussi petite que 50 cm (la hauteur d'un étage étant de 3,10 m environ), la force exercée sur la partie encore intacte en contrebas revenait à donner à la partie supérieure un poids apparent excédant 30 fois son poids statique, largement suffisant pour dépasser toute résistance et entrainant la ruine de la partie inférieure.
Dès lors que des étages de la partie inférieure accompagnent la masse des débris dans la chute, celle ci augmente. Et comme il s'agit d'une chute, la vitesse augmente en gros linéairement. L'énergie cinétique des débris en mouvement qui est le produit de la masse par le carré de la vitesse ne peut donc qu'augmenter et l'effondrement une fois entamé se poursuit inéluctablement jusqu'à entrainer la ruine de l'immeuble jusque dans ses fondations.
Un petit calcul élémentaire pour illustrer cela.
Soit E l'énergie cinétique de la masse des débris au temps t, compté à partir du début de l'effondrement.
Soit rho la masse linéique de l'immeuble, cad la masse de l'immeuble par unité de hauteur.
La hauteur totale est X = 410 m.
La masse totale est M = 500 kt.
On a rho = M/X = 1210 tonnes/mètre.
Soit x la hauteur effondrée au temps t.
x = x0 + 0.5 gt²
avec :
x0 la hauteur au dessus du plan d'impact
g l'accélération de l'effondrement, légèrement inférieure à l'accélération de la pesanteur g0=9.81 m/s².
Soit m la masse effondrée en mouvement au temps t
m = m0 + rho.x
avec m0 = rho.x0 la masse de la partie supérieure
m = m0 + 0.5 rho.gt²
Soit v la vitesse de la masse en mouvement au temps t
v = gt
L'énergie cinétique E recherchée est :
E = mv²/2
E = 0.5 m0.g²t² + 0.25 rho.g².t³
L'énergie cinétique de la masse effondrée, son pouvoir de destruction des parties encore intactes, augmente donc selon une fonction cubique du temps.