aladin60
VIB
Boycott! Symbole du refus de lautre, de ses actions, de ses pensées, le mot fait peur... surtout lorsquil est dirigé contre des universités. Depuis la guerre du Liban cet été, tant sur le plan économique quacadémique, cette arme a été pointée contre Israël. Les pétitions et les appels au boycott des universités se comptent par dizaines sur le net, honorées parfois par la signature de noms célèbres, comme celui de Ken Loach, dernier cinéaste à avoir reçu la palme dor à Cannes.
Dans la pratique, il est peu probable quun boycott universitaire soit officiellement mis en place.. Mais il existe un boycott qui ne dit pas son nom, un boycott silencieux qui, au lieu de viser les institutions, rejette les individus. De nombreux professeurs et chercheurs refusent dores et déjà de travailler avec leurs homologues israéliens. La France fait en fin de compte figure dexception. Le boycott silencieux sexerce surtout depuis lAngleterre, lIrlande, le Canada, les Etats-Unis ou encore lItalie.
Indignation
6 janvier 2003. Plus de 3000 personnes manifestent leur indignation devant le parvis de Jussieu. Le conseil dadministration de luniversité Pierre et Marie Curie (Paris VI) vient dadopter une motion demandant le non-renouvellement des accords de coopération avec les universités israéliennes. Les principaux syndicats étudiants, dont lUNEF et lUEJF, rejoignent, outre le CRIF, des personnalités du monde intellectuel français, de Bernard-Henri Lévy, ou Alain Finkielkraut à Dominique Strauss-Kahn, Alexandre Adler ou encore Jack Lang. De nombreux professeurs et chercheurs de Paris VI expriment leur colère. Parmi eux, Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique, énonce « sa honte pour ces collègues qui osent jeter lanathème sur dautres collègues à cause de leur nationalité », ... « et qui font semblant dignorer que les universités israéliennes sont des lieux de débat démocratique, où des voix fortes et nombreuses nhésitent pas à sélever pour sopposer à la politique de leur gouvernement ». Aujourdhui, Claude Cohen-Tannoudji pense que laffaire est réglée, mais il craint que « la tête de lhydre ne repousse ».
Il semble en réalité quaprès le tollé suscité par cette première tentative avortée, il y ait peu de chance quune université française relance le débat aujourdhui. Par ailleurs, sil ne faut pas minimiser la portée symbolique de lévénement, la motion signée à Paris VI ne reflète pas un mouvement dune grande amplitude. En effet, la proposition est signée dans des circonstances particulières : nous sommes le 16 décembre et cest bientôt Noël. La moitié des participants au Conseil dAdministration est partie préparer les fêtes de fin dannée et seules 22 personnes donnent leur assentiment sur les 60 membres constitutifs du conseil. Quant au président de luniversité, Gilles Béréziat, il affirme deux semaines plus tard dans le journal Libération que « le vu du conseil dadministration a été mal interprété ». Pour lui, il sagit avant tout dune « critique de la politique actuellement menée par le gouvernement israélien et en aucun cas dune prise de position contre les universités ou les universitaires israéliens ». Personne ne parle plus alors de boycott universitaire, mais plutôt dune « renégociation des accords élargis aux universités palestiniennes ». La question est remise à lordre du jour et la nouvelle motion qui « affirme son opposition à tout moratoire ou boycott dans les relations entre universités ou universitaires » est votée, presque à lunanimité.
Les signataires de la première pétition se sont-ils dégonflés face aux pressions des opposants au boycott ? Cest une question que lon peut se poser, mais il semble surtout que le concept de boycott soit plutôt mal aimé des Français. Aucun exemple mettant directement en cause un universitaire français nest à déplorer.
Appel à des sanctions
Certaines associations, qui soutenaient laction de Paris VI en 2002, névoquent dailleurs plus aujourdhui ni boycott, ni moratoire. Bernard Ravenel, Président de lassociation France-Palestine Solidarité appelle aujourdhui à des sanctions contre Israël, mais reconnaît que les forces oeuvrant pour la paix sont largement représentées dans ces lieux déchanges culturels que sont les universités israéliennes,
En réagissant vite et fort face à une menace finalement peu dangereuse, les intellectuels, les universitaires et les syndicats ont agi en quelque sorte comme un vaccin. Ainsi, tant que lon se souviendra de lépisode de Paris VI, un boycott officiel des universités israéliennes naura pas lieu en France.
LAngleterre constitue comme la France un cas à part, mais pour des raisons contraires. Ici, le mot boycott ne suscite pas démotions aussi vives, peut-être parce que le pays na jamais subi les lois raciales dun Pétain ou dun Mussolini. Des tentatives pour instaurer un boycott officiel ont lieu chaque année. Elles sont initiées par les deux principaux syndicats universitaires : lAUT (association des professeurs britanniques) et la NAFTHE (association des enseignants détudes supérieures). LIrlande nest pas en reste : en septembre dernier, dans une lettre publiée par lIrish Times, 61 universitaires irlandais issus de diverses disciplines ont appelé à un moratoire sur le soutien de lUE aux institutions universitaires israéliennes.
En juillet dernier, lAUT et la NAFTHE se sont regroupés en un seul syndicat, lUCU, qui pourrait bien, avec ses 120 000 membres, avoir assez de pouvoir pour établir un boycott dès le mois de mai prochain. Un vote aura alors lieu et nul ne peut encore en prédire le résultat. Cest en tout cas ce que pense Ofir Frankel, responsable de lIAB (Comité consultatif international pour la liberté universitaire). Cette organisation basée à Bar Ilan a été créée en mai 2005 pour contrer un boycott lancé par lAUT. Quoi quil en soit, le résultat de la motion en mai prochain sera très serré.
Boycott silencieux
Mais selon lIAB, un boycott silencieux a déjà lieu de la part des universitaires britanniques et il est loin dêtre négligeable : « Ce ne sont pas les exemples qui manquent et la liste augmente tous les jours », lance Ofir Frankel. Les professeurs israéliens sont de moins en moins invités à se rendre à des conférences ou à écrire dans des revues anglaises. A linverse, beaucoup duniversitaires refusent de se rendre à des conférences ou décrire pour des publications israéliennes. Mais ce sont les étudiants israéliens, dont certains ne trouvent pas de professeurs pour superviser leur thèse, qui pâtissent le plus de cette situation.. Selon Mitch Simmons, responsable de campagne de lUnion des étudiants juifs dAngleterre, la situation devient de plus en plus inconfortable pour les étudiants israéliens et a déjà contraint certains à abandonner ». [/B]Cest un manque de soutien explicite et il commence à toucher les juifs de toutes les nationalités. Tracy, étudiante à Londres, explique que « beaucoup de ses amis juifs projettent de partir vivre en Israël ». Depuis la guerre du Liban, « défendre la politique dIsraël est un risque que plus aucun étudiant ne veut prendre. » Une position radicale reflet de ce malaise passager. La France était passée par ce chemin, mais aujourdhui, les choses ont changé. Et un projet de renforcement des échanges entre les universités françaises et israéliennes est en cours.
Jérôme Laniau
Agoravox.01/03/07
Dans la pratique, il est peu probable quun boycott universitaire soit officiellement mis en place.. Mais il existe un boycott qui ne dit pas son nom, un boycott silencieux qui, au lieu de viser les institutions, rejette les individus. De nombreux professeurs et chercheurs refusent dores et déjà de travailler avec leurs homologues israéliens. La France fait en fin de compte figure dexception. Le boycott silencieux sexerce surtout depuis lAngleterre, lIrlande, le Canada, les Etats-Unis ou encore lItalie.
Indignation
6 janvier 2003. Plus de 3000 personnes manifestent leur indignation devant le parvis de Jussieu. Le conseil dadministration de luniversité Pierre et Marie Curie (Paris VI) vient dadopter une motion demandant le non-renouvellement des accords de coopération avec les universités israéliennes. Les principaux syndicats étudiants, dont lUNEF et lUEJF, rejoignent, outre le CRIF, des personnalités du monde intellectuel français, de Bernard-Henri Lévy, ou Alain Finkielkraut à Dominique Strauss-Kahn, Alexandre Adler ou encore Jack Lang. De nombreux professeurs et chercheurs de Paris VI expriment leur colère. Parmi eux, Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique, énonce « sa honte pour ces collègues qui osent jeter lanathème sur dautres collègues à cause de leur nationalité », ... « et qui font semblant dignorer que les universités israéliennes sont des lieux de débat démocratique, où des voix fortes et nombreuses nhésitent pas à sélever pour sopposer à la politique de leur gouvernement ». Aujourdhui, Claude Cohen-Tannoudji pense que laffaire est réglée, mais il craint que « la tête de lhydre ne repousse ».
Il semble en réalité quaprès le tollé suscité par cette première tentative avortée, il y ait peu de chance quune université française relance le débat aujourdhui. Par ailleurs, sil ne faut pas minimiser la portée symbolique de lévénement, la motion signée à Paris VI ne reflète pas un mouvement dune grande amplitude. En effet, la proposition est signée dans des circonstances particulières : nous sommes le 16 décembre et cest bientôt Noël. La moitié des participants au Conseil dAdministration est partie préparer les fêtes de fin dannée et seules 22 personnes donnent leur assentiment sur les 60 membres constitutifs du conseil. Quant au président de luniversité, Gilles Béréziat, il affirme deux semaines plus tard dans le journal Libération que « le vu du conseil dadministration a été mal interprété ». Pour lui, il sagit avant tout dune « critique de la politique actuellement menée par le gouvernement israélien et en aucun cas dune prise de position contre les universités ou les universitaires israéliens ». Personne ne parle plus alors de boycott universitaire, mais plutôt dune « renégociation des accords élargis aux universités palestiniennes ». La question est remise à lordre du jour et la nouvelle motion qui « affirme son opposition à tout moratoire ou boycott dans les relations entre universités ou universitaires » est votée, presque à lunanimité.
Les signataires de la première pétition se sont-ils dégonflés face aux pressions des opposants au boycott ? Cest une question que lon peut se poser, mais il semble surtout que le concept de boycott soit plutôt mal aimé des Français. Aucun exemple mettant directement en cause un universitaire français nest à déplorer.
Appel à des sanctions
Certaines associations, qui soutenaient laction de Paris VI en 2002, névoquent dailleurs plus aujourdhui ni boycott, ni moratoire. Bernard Ravenel, Président de lassociation France-Palestine Solidarité appelle aujourdhui à des sanctions contre Israël, mais reconnaît que les forces oeuvrant pour la paix sont largement représentées dans ces lieux déchanges culturels que sont les universités israéliennes,
En réagissant vite et fort face à une menace finalement peu dangereuse, les intellectuels, les universitaires et les syndicats ont agi en quelque sorte comme un vaccin. Ainsi, tant que lon se souviendra de lépisode de Paris VI, un boycott officiel des universités israéliennes naura pas lieu en France.
LAngleterre constitue comme la France un cas à part, mais pour des raisons contraires. Ici, le mot boycott ne suscite pas démotions aussi vives, peut-être parce que le pays na jamais subi les lois raciales dun Pétain ou dun Mussolini. Des tentatives pour instaurer un boycott officiel ont lieu chaque année. Elles sont initiées par les deux principaux syndicats universitaires : lAUT (association des professeurs britanniques) et la NAFTHE (association des enseignants détudes supérieures). LIrlande nest pas en reste : en septembre dernier, dans une lettre publiée par lIrish Times, 61 universitaires irlandais issus de diverses disciplines ont appelé à un moratoire sur le soutien de lUE aux institutions universitaires israéliennes.
En juillet dernier, lAUT et la NAFTHE se sont regroupés en un seul syndicat, lUCU, qui pourrait bien, avec ses 120 000 membres, avoir assez de pouvoir pour établir un boycott dès le mois de mai prochain. Un vote aura alors lieu et nul ne peut encore en prédire le résultat. Cest en tout cas ce que pense Ofir Frankel, responsable de lIAB (Comité consultatif international pour la liberté universitaire). Cette organisation basée à Bar Ilan a été créée en mai 2005 pour contrer un boycott lancé par lAUT. Quoi quil en soit, le résultat de la motion en mai prochain sera très serré.
Boycott silencieux
Mais selon lIAB, un boycott silencieux a déjà lieu de la part des universitaires britanniques et il est loin dêtre négligeable : « Ce ne sont pas les exemples qui manquent et la liste augmente tous les jours », lance Ofir Frankel. Les professeurs israéliens sont de moins en moins invités à se rendre à des conférences ou à écrire dans des revues anglaises. A linverse, beaucoup duniversitaires refusent de se rendre à des conférences ou décrire pour des publications israéliennes. Mais ce sont les étudiants israéliens, dont certains ne trouvent pas de professeurs pour superviser leur thèse, qui pâtissent le plus de cette situation.. Selon Mitch Simmons, responsable de campagne de lUnion des étudiants juifs dAngleterre, la situation devient de plus en plus inconfortable pour les étudiants israéliens et a déjà contraint certains à abandonner ». [/B]Cest un manque de soutien explicite et il commence à toucher les juifs de toutes les nationalités. Tracy, étudiante à Londres, explique que « beaucoup de ses amis juifs projettent de partir vivre en Israël ». Depuis la guerre du Liban, « défendre la politique dIsraël est un risque que plus aucun étudiant ne veut prendre. » Une position radicale reflet de ce malaise passager. La France était passée par ce chemin, mais aujourdhui, les choses ont changé. Et un projet de renforcement des échanges entre les universités françaises et israéliennes est en cours.
Jérôme Laniau
Agoravox.01/03/07