kamomille
VIB
portrait Un autre regard. Depuis quatre ans, Libération et lAssociation pour laide aux jeunes auteurs (Apaj) organisent un concours de reportages sur le thème du voyage réservé aux moins de 30 ans, parrainé par Erik Orsenna. Le thème de lannée était «Portraits de villes», une approche personnelle et originale dune cité, dun quartier ou de ses habitants
Par CLAIR RIVIÈRE
Sur son bureau, mon collègue Hicham a collé un sticker «Casa bla klaxon». En VF, ça donne «Casa sans klaxon», et cest le rêve de tous les Casablancais. Lavantage de ces grands boulevards, où il y a trois voies peintes au sol, et quatre en réalité, cest que ça fait fuir les touristes. Ça développe chez le piéton un don pour le zigzag, et une confiance inaltérable en la vie, quand il se retrouve bloqué au milieu de la chaussée, à la merci des chauffards des taxis.
Atiq Rahimi, lécrivain afghan, est venu tourner un film à Casa. Quand je lai interviewé, il ma dit que ça lui rappelait lAfghanistan. Cest sans doute vrai pour ce qui est des voitures. Ça lest moins pour ce qui est des femmes : à Casablanca, il y a peu de burqas et, même, quelques minijupes.
Au Maroc, Casablanca, cest la ville de la modernité. Cest là que se trouvent la Bourse, les banques, les journaux. Les fonctionnaires, on les laisse à Rabat Casablanca, cest là que se trouve le flouze. Et donc la misère. Tout lexode rural est venu échouer ici, peupler les quartiers populaires et les bidonvilles. 5, 6, 7 millions : combien y a-t-il de Casaouis ? Personne ne sait vraiment. Ce qui est sûr, cest que question football, ils se divisent en deux camps : les rajaouis et les wydadis. Le raja joue en vert, le wydad en rouge. Il paraît que, pour éviter tout caillassage, les designers du futur tramway ont pris soin de choisir une couleur neutre.
Les matchs Barça-Real, qui remplissent les cafés, sont la principale activité culturelle de la ville. A Casa, on parle beaucoup de foot. On en parle en arabe (dialectal), en berbère et en français. Et à part à lécole publique, au tribunal et dans les journaux, on écrit surtout en français. Comme ce nest pas la langue maternelle des gens, ça génère des perles linguistiques. Dans le journal où je travaille, un collègue est tombé sur ce panneau énigmatique : «Riparation duchapemons radiatoure elecetriciti out-mobil». Il a mis un moment à comprendre quil se trouvait devant latelier dun mécanicien, spécialisé dans les pots déchappement Au restaurant, jai déjà eu le choix entre une salade américaine, une salade mexicaine et une salade «russienne». Elle était bonne, quand même.
La spécialité culinaire de Casa, ce sont les escargots. A tous les coins du centre-ville, des vendeurs ambulants trimballent leur marmite de coquilles montée sur une charrette - un carroussa, en VO. Avec les cireurs de chaussures, les vendeurs de cigarettes au détail, les fripiers et quelques autres, ils forment la communauté des ferracha. Ils sinstallent à peu près où ils veulent. Pour cause de risque révolutionnaire, la police a été sommée de leur ficher la paix. Ça énerve les bourgeois, parce que ça bloque un peu les rues, des fois.
Par CLAIR RIVIÈRE
Sur son bureau, mon collègue Hicham a collé un sticker «Casa bla klaxon». En VF, ça donne «Casa sans klaxon», et cest le rêve de tous les Casablancais. Lavantage de ces grands boulevards, où il y a trois voies peintes au sol, et quatre en réalité, cest que ça fait fuir les touristes. Ça développe chez le piéton un don pour le zigzag, et une confiance inaltérable en la vie, quand il se retrouve bloqué au milieu de la chaussée, à la merci des chauffards des taxis.
Atiq Rahimi, lécrivain afghan, est venu tourner un film à Casa. Quand je lai interviewé, il ma dit que ça lui rappelait lAfghanistan. Cest sans doute vrai pour ce qui est des voitures. Ça lest moins pour ce qui est des femmes : à Casablanca, il y a peu de burqas et, même, quelques minijupes.
Au Maroc, Casablanca, cest la ville de la modernité. Cest là que se trouvent la Bourse, les banques, les journaux. Les fonctionnaires, on les laisse à Rabat Casablanca, cest là que se trouve le flouze. Et donc la misère. Tout lexode rural est venu échouer ici, peupler les quartiers populaires et les bidonvilles. 5, 6, 7 millions : combien y a-t-il de Casaouis ? Personne ne sait vraiment. Ce qui est sûr, cest que question football, ils se divisent en deux camps : les rajaouis et les wydadis. Le raja joue en vert, le wydad en rouge. Il paraît que, pour éviter tout caillassage, les designers du futur tramway ont pris soin de choisir une couleur neutre.
Les matchs Barça-Real, qui remplissent les cafés, sont la principale activité culturelle de la ville. A Casa, on parle beaucoup de foot. On en parle en arabe (dialectal), en berbère et en français. Et à part à lécole publique, au tribunal et dans les journaux, on écrit surtout en français. Comme ce nest pas la langue maternelle des gens, ça génère des perles linguistiques. Dans le journal où je travaille, un collègue est tombé sur ce panneau énigmatique : «Riparation duchapemons radiatoure elecetriciti out-mobil». Il a mis un moment à comprendre quil se trouvait devant latelier dun mécanicien, spécialisé dans les pots déchappement Au restaurant, jai déjà eu le choix entre une salade américaine, une salade mexicaine et une salade «russienne». Elle était bonne, quand même.
La spécialité culinaire de Casa, ce sont les escargots. A tous les coins du centre-ville, des vendeurs ambulants trimballent leur marmite de coquilles montée sur une charrette - un carroussa, en VO. Avec les cireurs de chaussures, les vendeurs de cigarettes au détail, les fripiers et quelques autres, ils forment la communauté des ferracha. Ils sinstallent à peu près où ils veulent. Pour cause de risque révolutionnaire, la police a été sommée de leur ficher la paix. Ça énerve les bourgeois, parce que ça bloque un peu les rues, des fois.