Opinion. Après la diffusion d’“Algérie, mon amour” : “Tant d’hystérie ne peut qu’interpeller”
La diffusion d’un documentaire sur le Hirak en France fait scandale en Algérie. Décrié tant par le régime, au point qu’il a rappelé son ambassadeur, que par les...
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Maintenant, il convient de poser la question essentielle : pourquoi un documentaire diffusé par une télévision française pour un public français (même si chacun sait que cela sera regardé au pays) provoque-t-il autant de passions en Algérie ? La réponse n’est pas simple. Mais il y a des pistes.
Premièrement, le narcissisme national pousse à penser que le documentaire est d’abord (et uniquement ?) destiné aux Algériens. Que c’est un message transmis par l’ancienne puissance coloniale, et que cela entre certainement dans un schéma stratégique qui n’a rien à voir avec la programmation ordinaire d’une chaîne de télévision.
Nationalisme ombrageux
Deuxièmement, comme cela vient de France, cela provoque nécessairement des réactions épidermiques. Lesquelles, hélas, mille fois hélas, sont bien moins importantes quand une télévision algérienne diffuse un “débat” où le Hirak est qualifié de complot ourdi en France (encore elle…). J’aurais ainsi aimé que naisse une bronca comparable en raison du fait que, de sa prison, Karim Tabbou [une des figures du Hirak, condamné en mars à un an de prison] n’a pas le droit d’appeler les siens. Voilà un vrai sujet d’indignation. Mais là, silence radio pour beaucoup d’“e-hirakistes” ou d’“hirak-clickistes”.
Troisièmement, il est temps de cesser de n’attendre de ce qui vient de France que des choses gentilles et positives. On a le nationalisme ombrageux, mais on est fier comme Artaban quand un compliment traverse la Méditerranée. Et si ce n’est pas le cas, c’est le drame. Un peu d’indifférence ne ferait pas de mal. Peut-être que si le Hirak l’emporte et que nos télévisions ne sont plus aux ordres, alors les polémiques algéro-algériennes prendront le pas, signalant ainsi l’avènement d’une sensibilité moindre.
Complot et hystérie
Le plus fatigant dans tout cela est cette obsession permanente du complot. Pour le régime, le Hirak est une machination de la main de l’étranger. Pour certains de ceux qui n’ont pas apprécié le documentaire de Kessous, ce film est un complot destiné à discréditer et à abattre (excusez du peu) le Hirak.
Comment expliquer à ces gens que, non, l’Algérie n’est pas au centre du monde. Qu’il existe des centaines de millions d’êtres humains qui ont une vague d’idée de ce qui se passe chez nous (la réciproque étant vraie aussi). Bref. Un documentaire n’est qu’un documentaire. Il y en aura d’autres. Il faudra qu’il y en ait d’autres. Mais, en attendant, tant d’hystérie ne peut qu’interpeller.