Comment je suis devenu une cible pour les "terroristes juifs" d’Israël

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Casablanca d'antan
VIB
lundi 6 octobre 2008 - 06h:45

Zeev Sternhell
Donald Macintyre

Un militant pacifiste victime d’un attentat à la bombe raconte à Donald Macintyre pourquoi il faut craindre l’extrémisme de droite.

Zeev Sternhell pèse soigneusement ses mots quand, sans hésiter, il qualifie l’attentat à la bombe qui a explosé devant sa porte la semaine dernière, « d’acte de terrorisme juif ».

En tant que survivant de l’Holocauste, orphelin à l’âge de 7 ans, et vétéran des guerres d’Israël, le Professeur Sternhell, aujourd’hui âgé de 73 ans, qui a eu la chance de n’être que blessé à la jambe par des éclats de la bombe, est « horrifié » non par ce qui est arrivé à lui-même mais par ce qui aurait pu frapper son épouse, sa fille et ses petits-enfants lors d’une de leurs soirées, ou leurs voisins. « C’est un acte de terrorisme car ses auteurs ne pouvaient pas savoir qui ils allaient frapper. »

Etant donné que, comme il le dit d’un air narquois, il ne se connaît aucun ennemi dans le « milieu fermé du crime », la police n’aura pas de mal à trouver la raison de cette tentative d’assassinat. En tant que militant ancien du mouvement la Paix maintenant, et farouche opposant à l’occupation depuis la fin des années 70, le professeur de l’université hébraïque, lauréat du prix Israël, dont l’autorité est mondialement reconnue sur les racines du fascisme, est devenu apparemment la cible la plus recherchée des attaques à l’intérieur d’Israël par les juifs extrémistes de droite, depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995.

Mais si l’attaque visait à réduire au silence l’un des intellectuels les plus réputés du pays, cela a raté. Pour commencer, il n’exclut pas qu’il y ait un lien avec les fortes manifestations d’un renforcement des violences des colons contre les Palestiniens de Cisjordanie. Ces dernières semaines, des colons extrémises se sont déchaînés, ont bloqué les routes, brûlé des vergers palestiniens et dans un cas, des colons armés ont attaqué un village.

Déplorant que l’armée et la police soient, « ou réticents, ou incapables, ou probablement les deux » pour faire appliquer la loi quand il s’agit d’attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie où les colons bénéficient d’une sorte d’ « autonomie », il indique que pour les extrémistes, les « gens comme moi qui pensent que ces extrémistes sont le véritable danger pour le sionisme, l’avenir de l’Etat d’Israël, doivent être neutralisés et punis... Aussi, je pense qu’il y a un lien entre la brutalité et la violence qui représentent la réalité de la vie quotidienne en Cisjordanie, avec cette attaque. »

Sur les 250 000 colons de Cisjordanie, il estime qu’il n’y en a que 40 ou 50 000 dont la démarche est idéologique et sur ceux-ci, seulement « quelques milliers qui sont prêts à recourir à la force ». Sternhell met en évidence la nouvelle génération des « jeunes des hauts de collines » qui, dans le schéma bien connu des « mouvements révolutionnaires », considèrent leurs dirigeants vieillissant comme des « traîtres » quand ils désirent discuter avec le gouvernement jusqu’à la possibilité d’une évacuation volontaire de certains avant-postes.

Ces activistes sont « profondément convaincus que l’avenir du peuple juif dépend d’eux », dès lors ils considèrent la violence comme légitime et croient : « Dieu est avec nous, et Dieu veillera à ce que nous arrivions à faire partir les Palestiniens. » C’est plus ou moins leur philosophie.

Pour le Professeur Sternhell, la réponse se trouve dans une première évacuation « d’au moins 95% de la Cisjordanie » et, pour les autorités, à préparer des colons à revenir sur les frontières de 1967 et à l’intérieur d’Israël. Mais là, il y a un paradoxe. Car il estime aussi que la violence pourrait provenir « d’un sentiment d’urgence » à l’extrême droite, car « elle est arrivée à la conclusion que l’élite politique israélienne était maintenant plus proche de ce que je pense que de leurs idées. »

Cette conclusion s’est trouvée appuyée par le Premier ministre sortant Ehud Olmert qui, cette semaine, a finalement reconnu quelque chose que le Professeur Sternhell soutient depuis 30 ans : que presque toute la Cisjordanie doit être rendue si on veut la paix. Tout en pensant qu’idéologiquement, la gauche pourrait alors avoir gagné une « bataille » mais pas la « guerre -, il est profondément conscient qu’avec la croissance incessante des colonies pendant plus de 40 ans, déplacer concrètement le « domicile » des colons va être « un travail coriace » et il se demande si l’establishment israélien possède « l’énergie morale et la direction capable » de les faire revenir.

« L’élite politique israélienne est très faible... le fait est que les gens au pouvoir ne sont pas prêts à se confronter avec les colons... je ne suis pas très optimiste. Je ne vois pas qui pourrait être capable dans les années à venir d’aborder sérieusement cette question. »

C’est pourquoi il pense que le seul espoir réside dans « une intervention forte de la communauté internationale - des USA et de l’Union européenne. » Il ajoute : « Je pense que les Britanniques, les Français et les Allemands, devraient commencer à réfléchir sérieusement à se bouger les fesses et essayer de faire quelque chose de plus que ne l’a fait Tony Blair. »

Le Professeur Sternhell voudrait profiter au maximum du mandat d’envoyé spécial au Moyen-Orient de Tony Blair, disant qu’il est « en charge de négociations ». Mais il est très sérieux quand il considère : « Je suis personnellement arrivé à la conclusion que nous ne pouvons pas le faire de notre propre chef, à cause de la faiblesse de la démocratie israélienne, la faiblesse de l’Autorité palestinienne. »

Estimant que la démarche d’Oslo « étape par étape », fut « une erreur totale », il insiste : « Toutes les questions doivent être traitées en même temps et toutes les parties ayant des intérêts au Moyen-Orient doivent participer, je ne vois pas comment les choses pourraient bouger autrement. »

Interrogé sur son sentiment en tant que juif, avec sa biographie israélienne classique, après avoir eu son domicile attaqué par des juifs, le Professeur Sternhell répond d’un air songeur : « Tout le monde est capable de tout. D’être juif ou de ne pas être juif ne vous immunise pas contre les maux qui peuvent exister dans l’histoire et en politique. »

Tout comme il est « très, très mécontent » de voir les réfugiés soudanais arrivés en Israël via l’Egypte ne pas être traités autrement que « l’étaient les juifs en Europe il y 70 ans », il se sent aussi mortifié de voir « des juifs occuper la Cisjordanie » - ou de voir comment des soldats israéliens traitent les Palestiniens - non parce que les soldats le veulent mais parce qu’il y a une situation « épouvantable ».

Et il dit : « Ce que je veux faire, c’est changer la situation. »

L’opinion de Zeev Sternhell : verdict d’un universitaire israélien :

Sur Tony Blair, l’envoyé au Moyen-Orient qui représente les Etats-Unis, l’Union européenne, les Nations unies et la Russie - ce que l’on appelle le Quartet :

« Tony Blair est en train de se transformer lui-même de Premier ministre brillant pendant 10 ans en un personnage ridicule, un clown. Il est maintenant en charge des négociations, et qu’est-ce qu’il fait exactement. Où est-il ? » :D

Sur Ehud Olmert, Premier ministre sortant d’Israël et récemment converti à l’idée de rendre « presque toute » la Cisjordanie :

« Il a juste 30 ans de retard. C’est incroyable. C’est ce que nous [nous la gauche] disons depuis 30 ans. » :D

Sur Ehud Barak, ministre de la Défense israélien :

« C’est drôle - bon, d’accord, pas drôle mais tragique - de voir un homme comme Ehud Barak, un véritable héros de guerre, quelqu’un qui n’a peur de rien, qui ne sait pas ce que c’est d’avoir peur, et [pourtant] politiquement, une confrontation avec les colons va au-delà de ce qu’il peut faire. C’est très triste. » :(
 
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