Continental ferme ses usines en France, mais fait tourner à fond son site roumain...

Source : LE MONDE |

Confortablement installé dans son bureau flambant neuf, le patron de l’usine de pneumatiques Continental de Timisoara, ville située à l’ouest de la Roumanie, montre un pneu posé à côté de lui. “On vient de faire les tests, il tient la route à 300 kilomètres à l’heure, affirme fièrement Thierry Wipff. C’est le nouveau modèle qu’on va produire en Roumanie.” Alors que Continental s’apprête à fermer ses usines de Clairoix (Oise) en France, et d’Hanovre en Allemagne, le fabriquant de pneumatiques met les bouchées doubles pour développer son site de Timisoara.
La “success story” de Timisoara commence en septembre 2000, lorsque Continental s’implante dans cette ville, symbole de la révolution anticommuniste de 1989. Il y a vingt ans, les émeutes de Timisoara gagnaient la Roumanie tout entière, provoquant la chute de la dictature communiste de Nicolae Ceausescu.

Dans les années 1990, la Roumanie connaît une transition désordonnée vers l’économie de marché, mais Timisoara parvient à préserver son identité de ville rebelle toujours à l’avant-garde de la société roumaine. Au désenchantement qui suivit une révolution confuse, elle répliqua en misant sur le business. Pendant que Bucarest, la capitale roumaine, s’enlisait dans la transition, Timisoara profitait de son atout multi-ethnique pour attirer les investissements étrangers. Sa forte minorité allemande facilita les choses.

“Pendant la période communiste, Timisoara était la championne des exportations, explique Nicolae Taranu, professeur à la faculté de sciences économiques. Les produits roumains qu’on trouvait sur les marchés européens portaient le label de Timisoara, qui avait acquis une certaine réputation. Les industriels européens étaient au courant du potentiel économique de notre ville, surtout les Allemands, grâce aux liens tissés avec la minorité allemande. Lorsqu’ils sont venus à Timisoara, les portes leur étaient ouvertes.”

Continental a frappé fort dans la ville roumaine préférée des Allemands. L’usine de pneumatiques que le groupe allemand a construite à Timisoara tourne à plein régime. La production est passée de 1,2 million de pneus la première année à 12 millions d’unités en 2008. Et le rythme devrait s’accélérer cette année. Au total, 71 millions de pneus vendus aux quatre coins du monde sont sortis de Continental Timisoara.

Dans le hall aseptisé de l’entreprise, qui tranche avec la route poussiéreuse de la banlieue, des jeunes font la queue pour se faire embaucher. Certains ont lu des annonces dans les journaux locaux, d’autres ont vu la pancarte installée à l’entrée de l’entreprise qui indique en grosses lettres : “On embauche.”

Pour M. Wipff, cette usine “est stratégique pour le groupe Continental. Nous avons investi près de 250 millions d’euros et il faut continuer à nous développer. Le jour où la crise s’arrêtera, il faudra que nous ayons la capacité de redémarrer immédiatement”.
 
Les ouvriers de Timisoara n’en demandent pas plus. La crise économique touche certains secteurs industriels en Roumanie et la perspective du chômage inquiète. Mais ce n’est pas le cas chez Continental Timisoara.

“La crise ne nous préoccupe pas, s’exclame l’ouvrier Ionel Sava. La quantité de travail qui nous attend nous met à l’abri.” Malgré des salaires d’environ 400 euros par mois, soit le salaire moyen en Roumanie, les 1 300 salariés de Continental Timisoara ont l’avantage de ne pas être menacés par le chômage.

Quant à M. Wipff, il ne regrette pas du tout d’avoir quitté l’usine de Clairoix en 2007 - où il avait initié le passage à quarante heures de travail hebdomadaire - pour prendre la tête de celle de Timisoara : “Depuis 2007, la Roumanie est un pays de l’Union européenne à part entière. Pour moi, il n’y a pas d’Europe de l’Ouest, d’Europe de l’Est, d’Europe du Sud, d’Europe du Nord. Il y a une Europe, une et unique. Je n’ai pas le sentiment de travailler en Europe de l’Est, je travaille tout simplement en Europe.”
Mirel Bran
 
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