l’Analyse d’un fin connaisseur de la région, Lemine Ould Salem
Lemine Ould Mohamed Salem est un journaliste mauritanien , très connu dans la région et en France. Son métier l'a conduit à approcher de près les régions du Sahel, du Nord-Ouest africain et de l'Afrique en général; il s'est rendu de nombreuses fois au Sahel, sur le terrain, et ce d'autant plus qu'il habite une partie du temps à Bamako ou Dakar.
Ce diplômé en droit public et sciences politiques a publié des reportages inédits et révélé des informations secrètes. Ses ouvrages «
Le Ben Laden du Sahara, sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar » (Éditions de La Martinière, 2014) et «
L’histoire secrète du Jihad, d’Al Qaida à l’Etat islamique » (Flammarion, 2018) ont été des événements et l’ont étiqueté meilleur spécialiste de la question terroriste dans la région du Sahel, étiquette qu’il récuse avec une modestie non feinte.
Il a répondu à nos questions concernant l’agression armée contre des chauffeurs routiers marocains au Mali survenue samedi 11 septembre et qui a fait deux morts et un blessé. Le protocole opératoire de cette opération suscite en effet des interrogations.
Médias24: Lorsque vous avez appris les événements du Mali survenus samedi, à quoi avez-vous pensé ? Quelles ont été vos premières réactions et interrogations ?
Lemine Ould Mohamed Salem: Immédiatement, j’ai pensé à une attaque crapuleuse car je connais cette région, je l’ai traversée plusieurs fois et j’y étais presque le même jour l’année passée, sur cette même route.
On est plus habitué à des attaques criminelles, coupeurs de routes notamment, que d’attaques jihadistes. Jusque-là, la région était plutôt épargnée par le jihadisme. Mon premier réflexe m’a mené vers des attaques criminelles comme il y en a toujours eu dans cette région.
Le fait qu’ils n’aient rien pris, semble-t-il, dans les camions, me pousse à me poser la question de savoir s’il ne s’agit pas éventuellement, je dis bien éventuellement, de l’initiative isolée d’un petit chef local, qui pourrait être affilié à un groupe jihadiste.
Dans cette région, depuis 3 ou 4 ans, on entend parler de temps en temps, de petits groupes de prédicateurs ayant quasiment le même discours que les salafistes jihadistes du nord du Mali.
L’une des hypothèses: le groupe de Adnane Abou Oualid Sahrawi, natif de Laâyoune, ex-membre du polisario, qui a fait allégeance à Daech
Il y a aussi un scénario extrême, le JNIM (Jamaât nosrat al islam wel mouslimine) de Iyad Ag Ghali qui est affilié à Al Qaida. Le mode opératoire est très différent de celui auquel Al Qaida et le JNIM nous ont habitués. Ils n’ont pas l’habitude de s’attaquer à des civils.
Ils s’attaquent aux représentants des forces de l’ordre, parfois à des étrangers pour les utiliser comme monnaie d’échange. Le JNIM, affilié à Al Qaida, dont les éléments sillonnent parfois cette région, ne s’attaquent pas à des civils, sauf erreur commise par un groupe isolé.