Bonjour
Spinoza offre un argument intéressant (dans les Pensées métaphysiques) pour soutenir que Dieu ne peut pas créer les choses avec une durée infinie (comme si le monde durait depuis toute éternité).
Mais l'argument peut aussi s'interpréter comme une impossibilité logique que Dieu agisse nécessairement, et non librement.
Voici le texte :
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2° Leur second argument est que Dieu, quand il agit librement, n’a pas une puissance moindre que quand il agit par nécessité. Or si Dieu agissait par nécessité, comme il a une vertu infinie, il aurait dû créer le monde de toute éternité. Mais il est très facile d’y répondre, si l’on en considère le fondement. Ces bonnes gens supposent en effet qu’ils peuvent avoir plusieurs idées différentes d’un être d’une vertu infinie, car ils peuvent concevoir Dieu comme ayant une vertu infinie et quand il agit par nécessité de nature, et quand il agit librement. Mais nous nions que Dieu eût une vertu infinie s’il agissait par nécessité de nature ; et il nous est permis de le nier ; bien plus cela doit nous être nécessairement accordé par eux après que nous avons démontré qu’un être souverainement parfait agit librement et qu’on n’en peut concevoir qu’un seul. Que s’ils objectent qu’on peut supposer cependant, bien que cela soit impossible, qu’un Dieu agissant par nécessité ait une vertu infinie, nous répondrons qu’il n’est pas plus permis de supposer cela qu’un cercle carré, à l’effet de conclure que toutes les lignes menées du centre à la circonférence ne sont pas égales. Et, pour ne pas répéter des choses dites depuis longtemps, cela est assez certain par ce qui précède. Car nous venons de démontrer qu’il n’y a aucune durée dont on ne puisse concevoir le double, ou telle qu’on n’en puisse concevoir de plus grande et de plus petite ; et par suite une durée plus grande ou plus petite qu’une durée donnée peut toujours être créée par Dieu qui agit librement d’une vertu infinie. Mais si Dieu agissait par une nécessité de nature, cela ne suivrait en aucune façon ; seule en effet la durée qui résulterait de sa nature pourrait être produite et non une infinité d’autres plus grandes que celle qui serait donnée. Nous argumentons donc ainsi brièvement : Si Dieu créait la durée la plus grande, de façon que lui-même n’en pût créer une plus grande, il diminuerait nécessairement sa puissance. Or cette conséquence est fausse car sa puissance ne diffère pas de son essence. Donc, etc. En outre, si Dieu agissait par nécessité de nature, il devrait créer une durée telle que lui-même n’en pût créer de plus grande ; mais un Dieu créant une telle durée n’a pas une vertu infinie ; car nous pouvons toujours concevoir une durée plus grande qu’une durée donnée. Donc si Dieu agissait par nécessité de nature il n’aurait pas une vertu infinie.
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Spinoza offre un argument intéressant (dans les Pensées métaphysiques) pour soutenir que Dieu ne peut pas créer les choses avec une durée infinie (comme si le monde durait depuis toute éternité).
Mais l'argument peut aussi s'interpréter comme une impossibilité logique que Dieu agisse nécessairement, et non librement.
Voici le texte :
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2° Leur second argument est que Dieu, quand il agit librement, n’a pas une puissance moindre que quand il agit par nécessité. Or si Dieu agissait par nécessité, comme il a une vertu infinie, il aurait dû créer le monde de toute éternité. Mais il est très facile d’y répondre, si l’on en considère le fondement. Ces bonnes gens supposent en effet qu’ils peuvent avoir plusieurs idées différentes d’un être d’une vertu infinie, car ils peuvent concevoir Dieu comme ayant une vertu infinie et quand il agit par nécessité de nature, et quand il agit librement. Mais nous nions que Dieu eût une vertu infinie s’il agissait par nécessité de nature ; et il nous est permis de le nier ; bien plus cela doit nous être nécessairement accordé par eux après que nous avons démontré qu’un être souverainement parfait agit librement et qu’on n’en peut concevoir qu’un seul. Que s’ils objectent qu’on peut supposer cependant, bien que cela soit impossible, qu’un Dieu agissant par nécessité ait une vertu infinie, nous répondrons qu’il n’est pas plus permis de supposer cela qu’un cercle carré, à l’effet de conclure que toutes les lignes menées du centre à la circonférence ne sont pas égales. Et, pour ne pas répéter des choses dites depuis longtemps, cela est assez certain par ce qui précède. Car nous venons de démontrer qu’il n’y a aucune durée dont on ne puisse concevoir le double, ou telle qu’on n’en puisse concevoir de plus grande et de plus petite ; et par suite une durée plus grande ou plus petite qu’une durée donnée peut toujours être créée par Dieu qui agit librement d’une vertu infinie. Mais si Dieu agissait par une nécessité de nature, cela ne suivrait en aucune façon ; seule en effet la durée qui résulterait de sa nature pourrait être produite et non une infinité d’autres plus grandes que celle qui serait donnée. Nous argumentons donc ainsi brièvement : Si Dieu créait la durée la plus grande, de façon que lui-même n’en pût créer une plus grande, il diminuerait nécessairement sa puissance. Or cette conséquence est fausse car sa puissance ne diffère pas de son essence. Donc, etc. En outre, si Dieu agissait par nécessité de nature, il devrait créer une durée telle que lui-même n’en pût créer de plus grande ; mais un Dieu créant une telle durée n’a pas une vertu infinie ; car nous pouvons toujours concevoir une durée plus grande qu’une durée donnée. Donc si Dieu agissait par nécessité de nature il n’aurait pas une vertu infinie.
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