Du "judéo-bolchévisme" à "l'islamo-gauchisme" : une même tentative de faire diversion.
Par Shlomo Sand
"L'islamo-gauchisme", voilà l'ennemi. C'est le message envoyé régulièrement Manuel Valls dans ses différentes prises de parole publiques. Un concept assez flou dans lequel le Premier ministre englobe à la fois Clémentine Autain et Tariq Ramadan. Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv, Shlomo Sand s'interroge sur l'utilisation de cette rhétorique.
Dans les années 1930, en France comme dans d’autres pays d’Europe, les communistes et diverses personnalités de la gauche radicale étaient fréquemment qualifiés de "judéo-bolcheviks". Ainsi, par exemple, mon père qui, avant la Seconde Guerre mondiale, était un communiste polonais, était considéré par les autorités et la presse du pays comme faisant partie de la "Zydokomuna".
Étant donné que plusieurs dirigeants de la Révolution d’Octobre, tout comme nombre de communistes et de défenseurs de l’URSS, dans toute l’Europe, étaient d’origine juive, l’association langagière entre judaïsme et menées subversives était très populaire parmi les judéophobes.
Une symbiose propagandiste très efficace
D'Adolf Hitler à Carl Schmitt et Martin Heidegger, de Charles Maurras à Louis-Ferdinand Céline et Pierre Drieu-La Rochelle, l’identification rhétorique entre juifs et bolcheviks a toujours été empreinte de tonalités effrayantes puisées dans une vieille tradition religieuse, mêlée à des menaces pleinement modernes et laïques.
Cette symbiose propagandiste s’avéra très efficace, et elle conduisit, entre autres, à ce que plus de 5 millions de Juifs croyants, et leurs descendants, ainsi que 2 millions de soldats soviétiques furent exterminés, en même temps, dans les camps de la mort nazis. Hitler avait ainsi espéré enrayer le "danger" d’une conquête judéo-bolchévique de l’Europe.
Si, à la fin du XXe siècle, la judéophobie n’a pas totalement disparu, elle a, cependant, très notablement régressé dans les centres de communication des capitales européennes. Les élites intellectuelles et politiques ont voulu oublier et ont aspiré à se fondre dans leur civilisation blanche, à l’aide d’une nouvelle politique des identités. À toutes fins morales utiles, cette civilisation a même troqué son appellation de "chrétienne" en "judéo-chrétienne".
http://leplus.nouvelobs.com/contrib...me-une-meme-tentative-de-faire-diversion.html
Par Shlomo Sand
"L'islamo-gauchisme", voilà l'ennemi. C'est le message envoyé régulièrement Manuel Valls dans ses différentes prises de parole publiques. Un concept assez flou dans lequel le Premier ministre englobe à la fois Clémentine Autain et Tariq Ramadan. Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv, Shlomo Sand s'interroge sur l'utilisation de cette rhétorique.
Dans les années 1930, en France comme dans d’autres pays d’Europe, les communistes et diverses personnalités de la gauche radicale étaient fréquemment qualifiés de "judéo-bolcheviks". Ainsi, par exemple, mon père qui, avant la Seconde Guerre mondiale, était un communiste polonais, était considéré par les autorités et la presse du pays comme faisant partie de la "Zydokomuna".
Étant donné que plusieurs dirigeants de la Révolution d’Octobre, tout comme nombre de communistes et de défenseurs de l’URSS, dans toute l’Europe, étaient d’origine juive, l’association langagière entre judaïsme et menées subversives était très populaire parmi les judéophobes.
Une symbiose propagandiste très efficace
D'Adolf Hitler à Carl Schmitt et Martin Heidegger, de Charles Maurras à Louis-Ferdinand Céline et Pierre Drieu-La Rochelle, l’identification rhétorique entre juifs et bolcheviks a toujours été empreinte de tonalités effrayantes puisées dans une vieille tradition religieuse, mêlée à des menaces pleinement modernes et laïques.
Cette symbiose propagandiste s’avéra très efficace, et elle conduisit, entre autres, à ce que plus de 5 millions de Juifs croyants, et leurs descendants, ainsi que 2 millions de soldats soviétiques furent exterminés, en même temps, dans les camps de la mort nazis. Hitler avait ainsi espéré enrayer le "danger" d’une conquête judéo-bolchévique de l’Europe.
Si, à la fin du XXe siècle, la judéophobie n’a pas totalement disparu, elle a, cependant, très notablement régressé dans les centres de communication des capitales européennes. Les élites intellectuelles et politiques ont voulu oublier et ont aspiré à se fondre dans leur civilisation blanche, à l’aide d’une nouvelle politique des identités. À toutes fins morales utiles, cette civilisation a même troqué son appellation de "chrétienne" en "judéo-chrétienne".
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