Le Chevalier de Fréminville
Pour décrire l'horreur, il fallait un témoin : ce sera essentiellement le Chevalier de Fréminville, officier de marine présent à Saint-Domingue. Les extraits choisis décrivent les horreurs perpétrés par le général Rochambeau, successeur du général Leclerc. Les noyades en série de noirs remplirent évidemment de dégoût le jeune officier. Selon Ribbe, cette situation est bien entendu le fait des ordres « implicites » de Bonaparte. Sauf que.. Frémiville avait donné sa propre version des faits : « D'un côté comme de l'autre, pas de quartier ! Rochambeau rivalisa de barbarie, avec les généraux noirs. Ces derniers faisaient scier, entre deux planches les Blancs qui tombaient entre leurs mains. Ils leur arrachaient les yeux avec un tire-bourre, et les brûlèrent tout vifs. Les Blancs, eux autres, noyaient impitoyablement les noirs » . Bien entendu, ce passage a été « oublié » dans l'ouvrage qui nous occupe. Cette atroce escalade nourrie par des militaires sanguinaires, Rochambeau côté français et Dessalines côté haïtien, ne pouvait en effet convenir à la thèse centrale de l'ouvrage de Ribbe. De toute façon, pour lui, les exactions commises par les insurgés ne l'ont été qu'en « état de légitime défense » (page 194)… Mais là, pas de citation à ce propos.
Les chambres à gaz
Pour que le « crime » soit horrible, il fallait que son « génocide » ressemble à celui perpétré par les nazis. Aussi, quoi de mieux que les chambres à gaz ? Ribbe affirme que ce fut un mode courant d'exécution des rebelles mais aussi des civils noirs tombant aux mains des français. Il se base pour cela sur les affirmations de trois historiens du XIXe siècle (dont deux Haïtiens), Thomas Madiou, Antoine Métral et Juste Chancelatte et sur celle de Victor Schoelcher, ardent adversaire de Napoléon III, dans sa biographie de Toussaint Louverture. Si les mémoires du temps évoquent bien des mises à mort cruelles, ce mode d'exécution n'y figure pas. Certes l'absence de preuves n'est pas une preuve de l'absence des « chambres à gaz ». Cette « guerre de couleurs » comme l'appela Fréminville n'épargna aucune horreur à l'un ou l'autre camp. Mais par contre, que cette possibilité de crime ait inspiré le régime nazi, c'est impossible. Les livres de Thomas Madiou et d'Antoine Métral n'ont été publiés qu'à Haïti (respectivement en 1848 et 1825) et jamais traduits en d'autres langues. Quant au livre de Victor Schoelcher qui a aboli avec sa loi l'esclavage en France, il est peu vraisemblable qu'il ait figuré dans les bibliothèques des dirigeants nazis… De toute façon, Hitler en cette matière n'avait pas à chercher bien loin, la Première Guerre mondiale qu'il avait connue n'avait pas été avare avec ce mode d'extermination.