Eh oui, pas de réconciliation sans pénitence !
Je viens justement de lire un très bel extrait sur la nécessité de la souffrance, je le retranscris ici :
Le pardon en soi ne vainc pas le mal car, face au pardon, c'est le pécheur qui veut se racheter par la pénitence, qui, pour être pardonné a le besoin et la volonté de souffrir, qui, en acceptant la souffrance, veut mériter le pardon. Ce n'est pas l'oubli qui vainc le mal car, si fort soit-il, il ne parvient pas à empêcher que du fond de la mémoire ne surgisse à l'improviste, et dans le moment le plus inattendu, le souvenir et le repentir de fautes non expiées, comme le remords dont parle Dostoïevski et qui, des profondeurs, se met à ronger la conscience. Il n'y a qu'une force qui réussisse à avoir raison du péché et c'est la souffrance ; pour cette raison, elle est considérée comme le pivot de la condition humaine, l'axe de rotation du négatif au positif, la pulsation du réel, le rythme de l'histoire. Dans l'économie universelle la souffrance est si puissante que l'on ne sait si sa force consiste dans son efficacité rédemptrice ou dans son ouverture révélatoire, non seulement à laver un passé de faute, mais aussi à ouvrir un futur d'espoir, non seulement à expier et à racheter la faute, entreprise déjà extraordinaire, mais aussi à marquer l'inversion du mal au bien et donc à lever le secret du monde, où réside le prodige le plus décisif et le plus bouleversant.
Tout cela transcende le plan de l'éthique et pénètre au cœur de la religion. La douleur est le lieu de la solidarité de Dieu et de l'homme : il n'y a que dans la douleur que Dieu et l'homme réussissent à se rencontrer, à s'accorder et à collaborer ; ce n'est que de la souffrance, divine ou humaine, que peut jaillir le salut du monde, car l'amour qui s'instaure entre Dieu et l'homme ne peut être qu'amour de la croix de la part de Dieu et amour du martyre de la part de l'homme, autrement il n'échappe pas à l'alternative d'une langueur affectée ou d'une cruauté impétueuse. Ce n'est que si Dieu et l'homme ont partagé la douleur qu'ils pourront collaborer dans la grâce. Il est extrêmement tragique que ce soit seulement dans la souffrance que Dieu réussisse à secourir et à sauver l'homme et que l'homme réussisse à se racheter et à s'élever à Dieu ; mais ainsi la douleur se manifeste comme le nœud vivant entre divinité et humanité, comme une nouvelle
copula mundi, comme la signification de la vie et la clef de voûte universelle. Seule la souffrance contient et dévoile le secret de l'être. Ce principe est un des points d'appui de la pensée tragique : sans la souffrance, le visage du monde devient énigmatique et le cours de la vie apparaît absurde ; ou plutôt, sans la douleur le mal demeure inexpié et la joie inaccessible.