Autriche: le père incestueux probablement atteint d'un complexe de toute-puissance, selon des experts
AP | 29.04.2008 | 14:27
Au lendemain des aveux de Joseph Fritzl, l'Autriche se demandait encore comment la "maison des horreurs", comme l'appelle la presse, a pu rester insoupçonnée pendant plus de deux décennies. Pour les experts, l'homme qui a reconnu avoir séquestré sa fille pendant 24 ans dans une cave souffrait probablement d'un complexe de toute-puissance et dominait totalement son entourage.
Cet électricien à la retraite de 73 ans a été présenté mardi à un juge qui lui a signifié son placement en détention provisoire.
Selon son avocat, Rudolf Mayer, le suspect recevait des soins psychiatriques. Il est "émotionnellement brisé", a-t-il expliqué à l'Associated Press, sans pouvoir toutefois "dire à ce stade" si le septuagénaire a exprimé des remords. Mais d'après le procureur Gerhard Sedlacek, Joseph Fritzl se montrait "totalement calme, totalement sans émotions" lors de sa comparution mardi.
La veille, il avait avoué avoir enfermé sa fille, aujourd'hui âgée de 42 ans, dans un sous-sol sans fenêtre, où elle aurait mis au monde sept enfants issus de viols répétés.
L'un des enfants serait mort peu après sa naissance faute de soins, selon sa mère, et aurait été brûlé dans l'incinérateur de l'immeuble. Trois autres enfants, présentés comme des enfants recueillis, vivaient avec leurs grands-parents, les trois derniers, aujourd'hui âgés de 19, 18 et 5 ans, étant restés avec leur mère dans la cave, "sans jamais voir le jour", selon la police.
D'après Leopold Etz, un responsable de la police régionale cité par l'agence autrichienne APA, Joseph Fritzl avait apparemment choisi les enfants qui vivraient avec son épouse et lui selon qu'ils étaient ou non des "pleurnichards". Il n'a pas voulu confirmer les informations de la presse autrichienne selon laquelle le suspect aurait pris plusieurs "vacances entre hommes" en Thaïlande avec des amis allemands dans les années 1990.
L'épouse de Joseph Fritzl, sa fille Elisabeth et cinq de ses enfants étaient traités l'abri d'une "zone protégée" de l'hôpital psychiatrique où ils ont été admis, selon le chef de l'établissement Berthold Kepplinger. Le sixième enfant, une adolescente de 19 ans, restait hospitalisée mardi dans un état critique, selon des sources hospitalières. Elle avait été découverte inconsciente et gravement malade le 19 avril dans l'immeuble et conduite à l'hôpital. Les enquêteurs ont ensuite reçu une information qui leur a permis de retrouver Joseph et Elisabeth Fritzl samedi près de l'établissement.
Par précaution, la police inspectait mardi d'autres propriétés du suspect afin de s'assurer qu'aucun autre captif n'y était retenu. Cette hypothèse était toutefois jugée "plus qu'improbable" par les enquêteurs, a précisé le chef de la brigade criminelle de Basse-Autriche, Franz Polzer. "Nous pensons qu'il était tellement occupé par ce crime qu'il n'aurait pas eu de temps pour autre chose", a-t-il expliqué à l'Associated Press.
La police scientifique emportait mardi des cartons d'objets de la cellule sans fenêtre que le suspect avait construit au-dessous de son appartement à Amstetten, petite ville ouvrière de 23.000 habitants, située à 120km à l'ouest de Vienne.
Les enquêteurs pensent que l'épouse de Joseph Fritzl, avec laquelle il avait eu sept autres enfants, ignorait que la fille qu'elle croyait enfuie pour une secte en 1984, se trouvait prisonnière juste sous ses pieds.
Pour le psychiatre autrichien Reinhard Haller, le suspect "doit avoir eu l'impression qu'il était supérieur aux autres". Sigrun Rossmanith, expert psychiatre auprès des tribunaux, pense qu'il "manifestement un dominant". "Si la cave était taboue pour sa femme et les (autres) enfants, et qu'on leur a répété et répété, alors ils n'ont pas oser aller vérifier quoi que ce soit", explique-t-il. "Si quelqu'un a le pouvoir et l'impose à quelqu'un d'autre, alors sa parole est comme la parole de Dieu."
Les autorités d'Amstetten avaient autorisé en 1978 la construction d'une extension avec sous-sol au domicile de Joseph Fritzl, d'après le porte-parole de la municipalité Hermann Gruber, interrogé par l'agence autrichienne APA. Une inspection avait eu lieu en 1983, l'année précédant la disparition d'Elisabeth, et rien n'avait paru suspect, a-t-il expliqué. Hans-Heinz Lenze, un haut responsable local, a précisé que des experts allaient tester l'insonorisation du sous-sol. AP