Sexe, drogue et sorcellerie : dans le monde arabe, voilà ce qui définit le plus beau pays du monde. Décryptage, entre clichés grossiers et vérité qui blesse.
Durant ramadan, les Marocains aiment rire d’eux-mêmes, devant leur petit écran. Lorsque la moquerie vient d’ailleurs, le second degré n’est plus à l’ordre du jour. Preuve en est avec le mini-scandale provoqué par un épisode de la série animée koweïtienne Bouktada et Abou Nabil, diffusée sur la chaîne privée El Watan. On y suit les péripéties des héros, partant à la découverte du Maroc. Ils y trouvent femmes à la cuisse légère, sorcellerie et corruption. Une image dévastatrice qui fait réagir les Marocains du Web au quart de tour : pétitions, mails au ministère de la Communication, groupes sur Facebook et autres blogs dénoncent l’épisode et les clichés qu’il colporte, exigeant excuses officielles et même expulsion de l’ambassadeur du Koweït au Maroc. Mardi 24 août, une dépêche de la MAP annonce les excuses officielles du ministère des Affaires étrangères koweïtien. Ce qui aurait pu être un simple fait divers a failli se transformer en crise diplomatique. Parmi les commentaires des internautes, il n’y a pas que des Marocains outrés. En réponse à la vidéo, cette jeune femme écrit : “Pas besoin de s’énerver, […] c’est simplement ça notre Maroc”. Car il n’y a pas de fumée sans feu. Ni de prostituées sans clients. Dans les pays arabes, l’image négative du Maroc – et surtout, il faut le dire, celle de ses femmes – n’est ni pure diffamation ni vérité absolue. Lecture des clichés les plus répandus et de leurs origines.
Meriem a 27 ans. Consultante dans le secteur des télécoms à Dubaï, elle a souvent dû affronter des regards inquisiteurs et entendus sur son origine. “Ah, vous êtes Marocaine ? Vous savez ce que l’on dit sur vos femmes, elles sont belles mais très légères”. Ce genre de remarque reste ce qu’on lui a dit de plus poli depuis qu’elle vit aux Emirats arabes unis. Beaucoup de Khalijis ne s’encombrent pas d’autant de bonnes manières, et leur sentence est terrible : pour certains, les Marocaines sont toutes des prostituées. “Ce cliché est une caricature qui grossit les traits d’une réalité. Même s’il a déteint injustement sur toute une société, il n’est pas usurpé”, nous explique le psychologue et sexologue Aboubakr Harakat.
C’est dans les années 1980 que la mauvaise réputation des Marocaines s’est établie. Les Moyen-orientaux, qui avaient pour coutume de faire la bringue au Liban et en Egypte, se sont détournés de ces régions secouées par la guerre civile libanaise et celle d’octobre 1973 pour se rabattre sur le Maroc, au climat politique stable, mais en pleine crise économique et à la veille du Plan d’ajustement structurel. Dans ce contexte austère, les pétrodollars ont constitué un appel d’air pour le royaume qui a donc gracieusement ouvert ses frontières aux Saoudiens les plus libidineux. “Le tapis rouge a été déroulé pour ces Moyen-orientaux qui payaient nos fonctionnaires. Des pères se sont transformés en maquereaux et certaines femmes ont offert leur ‘savoir-faire’. C’est ainsi que de nombreuses familles pauvres se sont enrichies avec ‘Flouss Sa3oud’”, témoigne Harakat.
La tendance s’est poursuivie et accélérée durant les années 1990, où est apparue la “Omra Business”. Des centaines de Marocaines se sont rendues dans le Golfe pour offrir leur corps contre de la marchandise luxueuse qu’elles importaient au Maroc, ou pour exercer de petits métiers (coiffeuse, couturière) le jour et se prostituer la nuit. Ce journaliste marocain se souvient. En 2005, dans le cadre d’un article à propos de l’objectif “10 millions de touristes”, il consulte les chiffres et les provenances des touristes au Maroc. “Sur Casablanca, 50% d’entre eux venaient du Moyen-Orient et étaient classés dans la case tourisme d’affaires”. Il décide alors d’interpeller le ministère du Tourisme. A l’époque, un responsable de la cellule communication lui répond, en riant : “Nous savons très bien que ce ne sont pas des affaires qu’ils viennent conclure. Mais on ne peut pas les classer dans le tourisme sexuel, cette rubrique n’existant pas dans la nomenclature internationale”.
Lorsque l’on consulte la presse moyen-orientale, que ce soit le Gulf daily news (Bahrein) ou le Khaleej Times (Emirats arabes unis), les articles renvoyant au Maroc sont pour la plupart liés à la prostitution. Florilège : 16 femmes accusées de prostitution dont 7 Marocaines, un homme force sa femme marocaine à se prostituer, une star séropositive d’origine marocaine contamine ses partenaires, etc. Une réalité donc, qui nous force à admettre notre part de responsabilité. “On a connu près de vingt ans de prostitution tolérée par les autorités marocaines, et organisée avec la complicité des chauffeurs de taxi, des maîtres d’hôtel, etc. Il n’en faut pas moins pour qu’un cliché s’installe”, conclut Harakat.
Durant ramadan, les Marocains aiment rire d’eux-mêmes, devant leur petit écran. Lorsque la moquerie vient d’ailleurs, le second degré n’est plus à l’ordre du jour. Preuve en est avec le mini-scandale provoqué par un épisode de la série animée koweïtienne Bouktada et Abou Nabil, diffusée sur la chaîne privée El Watan. On y suit les péripéties des héros, partant à la découverte du Maroc. Ils y trouvent femmes à la cuisse légère, sorcellerie et corruption. Une image dévastatrice qui fait réagir les Marocains du Web au quart de tour : pétitions, mails au ministère de la Communication, groupes sur Facebook et autres blogs dénoncent l’épisode et les clichés qu’il colporte, exigeant excuses officielles et même expulsion de l’ambassadeur du Koweït au Maroc. Mardi 24 août, une dépêche de la MAP annonce les excuses officielles du ministère des Affaires étrangères koweïtien. Ce qui aurait pu être un simple fait divers a failli se transformer en crise diplomatique. Parmi les commentaires des internautes, il n’y a pas que des Marocains outrés. En réponse à la vidéo, cette jeune femme écrit : “Pas besoin de s’énerver, […] c’est simplement ça notre Maroc”. Car il n’y a pas de fumée sans feu. Ni de prostituées sans clients. Dans les pays arabes, l’image négative du Maroc – et surtout, il faut le dire, celle de ses femmes – n’est ni pure diffamation ni vérité absolue. Lecture des clichés les plus répandus et de leurs origines.
“Toutes des *****”, disent-ils
Meriem a 27 ans. Consultante dans le secteur des télécoms à Dubaï, elle a souvent dû affronter des regards inquisiteurs et entendus sur son origine. “Ah, vous êtes Marocaine ? Vous savez ce que l’on dit sur vos femmes, elles sont belles mais très légères”. Ce genre de remarque reste ce qu’on lui a dit de plus poli depuis qu’elle vit aux Emirats arabes unis. Beaucoup de Khalijis ne s’encombrent pas d’autant de bonnes manières, et leur sentence est terrible : pour certains, les Marocaines sont toutes des prostituées. “Ce cliché est une caricature qui grossit les traits d’une réalité. Même s’il a déteint injustement sur toute une société, il n’est pas usurpé”, nous explique le psychologue et sexologue Aboubakr Harakat.
C’est dans les années 1980 que la mauvaise réputation des Marocaines s’est établie. Les Moyen-orientaux, qui avaient pour coutume de faire la bringue au Liban et en Egypte, se sont détournés de ces régions secouées par la guerre civile libanaise et celle d’octobre 1973 pour se rabattre sur le Maroc, au climat politique stable, mais en pleine crise économique et à la veille du Plan d’ajustement structurel. Dans ce contexte austère, les pétrodollars ont constitué un appel d’air pour le royaume qui a donc gracieusement ouvert ses frontières aux Saoudiens les plus libidineux. “Le tapis rouge a été déroulé pour ces Moyen-orientaux qui payaient nos fonctionnaires. Des pères se sont transformés en maquereaux et certaines femmes ont offert leur ‘savoir-faire’. C’est ainsi que de nombreuses familles pauvres se sont enrichies avec ‘Flouss Sa3oud’”, témoigne Harakat.
La tendance s’est poursuivie et accélérée durant les années 1990, où est apparue la “Omra Business”. Des centaines de Marocaines se sont rendues dans le Golfe pour offrir leur corps contre de la marchandise luxueuse qu’elles importaient au Maroc, ou pour exercer de petits métiers (coiffeuse, couturière) le jour et se prostituer la nuit. Ce journaliste marocain se souvient. En 2005, dans le cadre d’un article à propos de l’objectif “10 millions de touristes”, il consulte les chiffres et les provenances des touristes au Maroc. “Sur Casablanca, 50% d’entre eux venaient du Moyen-Orient et étaient classés dans la case tourisme d’affaires”. Il décide alors d’interpeller le ministère du Tourisme. A l’époque, un responsable de la cellule communication lui répond, en riant : “Nous savons très bien que ce ne sont pas des affaires qu’ils viennent conclure. Mais on ne peut pas les classer dans le tourisme sexuel, cette rubrique n’existant pas dans la nomenclature internationale”.
Lorsque l’on consulte la presse moyen-orientale, que ce soit le Gulf daily news (Bahrein) ou le Khaleej Times (Emirats arabes unis), les articles renvoyant au Maroc sont pour la plupart liés à la prostitution. Florilège : 16 femmes accusées de prostitution dont 7 Marocaines, un homme force sa femme marocaine à se prostituer, une star séropositive d’origine marocaine contamine ses partenaires, etc. Une réalité donc, qui nous force à admettre notre part de responsabilité. “On a connu près de vingt ans de prostitution tolérée par les autorités marocaines, et organisée avec la complicité des chauffeurs de taxi, des maîtres d’hôtel, etc. Il n’en faut pas moins pour qu’un cliché s’installe”, conclut Harakat.