Aux professionnels de l’information
Mesdames, Messieurs,
Un mouvement social très fortement médiatisé a eu lieu à la SNCF en ce mois de juin 2014. Cette action de grève reconductible a subi une couverture journalistique par l’ensemble des organes de presse qui me conduise très modestement à vous faire cette adresse qui sera ouverte à la population cheminote.
Nous avons eu l’impression que cette grève surprenait tout le monde. Je me dois donc de rappeler un processus. Depuis novembre 2011, les syndicats de notre Fédération ont lancé, sur l’ensemble du territoire, des « Etats Généraux du Service Public SNCF ». Ces initiatives qui ont associé les usagers, les élus locaux, les directions territoriales de la SNCF et de RFF ont reçu un accueil intéressant des presses locales. Cet engagement militant a permis de faire émerger la nécessité d’une réforme de notre système ferroviaire public pour répondre aux besoins de la Nation sur les plans économique, social et environnemental.
Lorsque le gouvernement Ayrault fut mis en place au printemps 2012, les organisations syndicales ont interpelé unitairement le nouveau Ministre Délégué aux Transports. Ce dernier a profité de la célébration des 75 ans de la SNCF, en octobre 2012, pour faire un discours volontariste préfigurant la construction d’une réforme allant dans le sens de nos attentes. La CGT a donné une appréciation positive de ce discours, avec un bémol, les questions de la dette et du financement du réseau n’étaient pas abordées et il était très orienté transport de voyageurs alors que le report modal du transport de marchandises de la route vers des modes alternatifs et plus propres dans le cadre d’un service d’intérêt général aurait dû trouver une place importante au regard des enjeux.
Le gouvernement a ensuite engagé un travail d’élaboration d’un projet de loi sous la responsabilité d’un ancien Ministre, Jean-Louis Bianco. La CGT, comme les autres organisationssyndicales, s’est impliquée dans ce travail. La CGT a même bâti un projet complet, « la voie duservice public SNCF », intégrant quatre volets : la structuration, le traitement financier de laréforme, les questions sociales et le fret, tout en prenant garde d’être en conformité avec laréglementation française et européenne, ce qui lui donnait toute légitimité dans le débat.
Lorsque les grandes lignes du projet de loi gouvernemental furent connues, les quatre organisationssyndicales représentatives à la SNCF ont fait valoir la déception et le mécontentement descheminots par une action de grève le 13 juin 2013. En effet, nous étions très éloignés desannonces faites un an plus tôt. Cette action fut très suivie et déjà la Direction de la SNCF publiaitdes chiffres de grévistes erronés (34%) alors que plus d’un cheminot sur deux avait cessé letravail.
Le projet de loi fut présenté en conseil des Ministres en octobre 2013. La CFDT, sur des choix politiques qui lui appartiennent, a décidé de sortir de l’unité syndicale. Malgré cela, le 12 décembre 2013, les cheminots étaient une nouvelle fois en grève à l’appel des 3 autres organisations syndicales avec un niveau de participation égal à celui du 13 juin.
C’est à partir de là qu’une plateforme unitaire CGT, UNSA, SUD-Rail fut construite pour porter les exigences des cheminots. L’ensemble des parties prenantes avait connaissance de cette plateforme revendicative.
Le Gouvernement, soucieux de la montée du mécontentement, a reporté à plusieurs reprises l’inscription de ce projet de loi dans l’agenda parlementaire. Puis il a été décidé de l’inscrire dans le cadre d’une procédure d’urgence au mois de juin 2014.
Les organisations syndicales partageant les propositions alternatives ont donc décidé d’une manifestation nationale le 22 mai 2014, et cette mobilisation, qui n’a pas pénalisé les usagers, fut présentée au gouvernement et la Direction de l’entreprise comme un dernier avertissement avant durcissement de l’action faute d’être entendus.
Plus de 20 000 manifestants à Paris le 22 mai 2014, chiffre jamais contesté, même par la Préfecture, sur une population de 155 000 salariés. C’est énorme, et pourtant, ce fut le black-out médiatique. Pas un mot n’est paru dans la majeure partie des médias sur cette mobilisation qui était pourtant précédée d’une conférence de presse.
Pourquoi ? Vous êtes les seuls à connaître la réponse à cette question. Par contre, nul ne pouvait être surpris de la grève qui a suivi.
Puis est venu le temps de l’action où la CGT et SUD-Rail furent lâchées par l’UNSA, déposantseule un préavis pour la semaine suivante. Qui s’est interrogé sur cette stratégie ? Personne àpriori.
A l’issue des négociations avec le Secrétaire d’Etat aux Transports, la CGT, qui a tenu toute
sa place dans les débats, a livré de façon transparente les propositions faites à ses syndiqués
et aux cheminots dans l’action. Au regard de l’écart considérable entre les propositions gouvernementales et le contenu de la plateforme unitaire, il était évident que ce document n’étaitpas de nature à satisfaire les cheminots en grève. Néanmoins, très peu de journalistes ne se sontdemandés pourquoi l’UNSA, cosignataire de la plateforme, se satisfaisait de ce texte.
Pourquoi aucun journaliste n’a signalé que le pacte dit de « modernisation » signé entre le gouvernement, la CFDT et l’UNSA n’avait aucune valeur ? Pourtant, il ne s’agissait pas d’un accord d’entreprise. Mais il ne s’agissait pas non plus d’un accord de fin de conflit puisque les signataires n’étaient pas dans l’appel à la grève.
A partir de ce moment-là, ce fut une déferlante médiatique où les grands organismes de presse
se sont désintéressés du fond de cette action pour entrer dans une campagne de stigmatisationet de diffamation envers les cheminots en grève et les organisations syndicales les représentant.
Pourquoi ?