J’AI AIMÉ L’ADRÉNALINE, LA RIGUEUR, LA DISCIPLINE : TOUT CE QUE JE N’ÉTAIS PAS ! LA CUISINE M’A CANALISÉ
Lors de la première année généraliste, il rencontre la cuisine. La découverte est amère. Il rate une pâte à choux, se fait « pourrir la vie » par le professeur. Il écarte un temps l’idée de devenir restaurateur, mais termine malgré tout l’année major de promotion. Envoyé en France pour un stage avant la spécialisation, il est employé au restaurant Perard au Touquet-Paris-Plage. « Je suis très bon au bar et en service. Un jour, mon directeur me dit : « Ça sera calme cette semaine, fais ton stage obligatoire en cuisine, comme ça on n’en parle plus et tu reviens la semaine prochaine en salle. » « Je suis rentré en cuisine et plus jamais ressorti. » Lui qui confie être extrêmement maladroit, se cogne à chaque coin de table, glisse, fait valdinguer ce qu’il a sous la main, est saisi par la précision, le détail de la cuisine. « J’ai aimé l’adrénaline, la rigueur, la discipline : tout ce que je n’étais pas ! J’étais un jeune déconneur. Je faisais des bêtises… La cuisine m’a canalisé. À la fin de cette semaine, j’ai dit : je reste là. »
Après avoir bataillé avec l’école pour changer de spécialité et menacé de tout arrêter, il termine sa deuxième année avec le titre de champion du Maroc au concours des écoles hôtelières avec un plat très technique à réaliser, un faux-filet à ficeler avec des carottes et des pommes tournées.
Marché de Rabat, le point de départ
Mais à bien y réfléchir, son histoire avec la cuisine n’a pas tout à fait commencé là, rectifie-t-il. C’est de sa mère que lui vient ce goût. « Je me souviens, petit, j’adorais me rendre avec elle sur le marché de l’ancienne ville de Rabat. Elle y passait deux ou trois heures, mes frères et mes sœurs détestaient ça. Je la regardais choisir ses sardines, ses tomates, sa menthe. Aujourd’hui, je fais les mêmes gestes, je sens la pomme de terre exactement comme elle. Par contre, je détestais cuisiner. Je restais avec elle en cuisine et goûtais à tout ! Elle finissait par me virer », sourit-il.
AMATEUR D’ASSOCIATIONS IMPROBABLES, FAIÇAL CUISINE À L’INSTINCT, À L’ÉMOTION : IL SENT, GOÛTE ET MÉLANGE
Bien plus tard, c’est elle qui lui fera préparer sa première recette. La fameuse pâte à choux qu’il a ratée à l’école. Elle lui fait refaire à la maison, avec un four sans ventilation, seulement chauffé par le bas. Ce n’était pas approprié, mais c’est un succès. Son premier.
Ses parents recevaient beaucoup. Sa mère avait exclu l’idée d’employer une personne, préférant cuisiner seule et s’y consacrait entièrement. Elle a toujours préparé une cuisine du monde, fait découvrir à ses enfants des lasagnes ou des rôtis, en plus des spécialités marocaines, comme le fait Faiçal aujourd’hui.
Ses parents ont eu beaucoup de mal à croire que leur jeune fils puisse être chef, alors même qu’il travaillait déjà dans de grands restaurants en France. « Chef, je n’aime pas ce mot, intervient-il. Je ne suis pas chef, c’est une question de hiérarchie, c’est un titre. Moi, je suis cuisinier. »
Bouchées doubles
Un jour, il reçoit une gifle : « Toi, tu as un bon potentiel, mais tu vas le gâcher avec tes conneries ! », lui balance un chef. Il est arrivé avec quatre heures de retard pour un événement qu’on lui a confié. « Je ne prenais pas les choses au sérieux. Je suis allé vite, on me disait que j’avais du talent, j’avais la grosse tête. » Depuis, il travaille « à 400 à l’heure » et cumule les projets. Il a ouvert l’Azalaï Urban Souk à Marrakech, un restaurant de 50 couverts dans le quartier de Gueliz, qui offre une cuisine marocaine et une cuisine du monde – notamment un couscous fumé –, avec des prix aux alentours de 150 dirhams (14 euros). Il fait aussi du conseil et organise de nombreux dîners privés.