Le reste de la matinée, avant l’heure du déjeuner où il était contraint à nouveau de transporter les « jeunes », beaucoup moins de monde empruntait le bus. Mais il y avait quand même quelques habitués, ses fidèles passagers qui comme s’ils aillaient à l’usine, pointé leur carte navigo tous les jours de la semaine à la même heure. Le genre qui vous disait « Mais vous êtes en retard de 4 minutes aujourd’hui, qu’est-ce qui s’est passé ? »
Parmi eux, il avait une jeune mère de famille, sans doute au foyer, vu que Kamel la voyait monté tous les jours dans le bus à l’arrêt Les Tulipes à 10h09, elle descendait 6 arrêt plus tard à l’arrêt Les Saules qui était situé juste en face d’un grand parc mondialement connu, dans lequel, elle allait surement se promener avec ces deux enfants, tous deux encore trop jeune pour aller à l’école.
Le plus jeune des enfants était une petite fille, Kamel le savait grâce aux bodys roses et aux robes de saisons portés par le bébé que Kamel pouvait entrevoir lorsque la mère le sortait de son landau. Elle devait être âgée de tout au plus 4 mois, mais Kamel n’en était pas certain, il n’était pas très doué pour deviner les âges en général et encore moins celui des enfants aussi jeunes.
L’autre enfant, un petit garçon qui se tenait toujours sur la poussette, discipliné, poli et affichait un calme permanent qui lui donnait un coté mature et adulte malgré son très jeune âge. Ce comportement très remarqué valait régulièrement des compliments de la part des autres usagers du bus à la mère de cet enfant qui devait être âgé de deux ans.
Il avait un beau visage rond, des traits fins et des cheveux noirs très foncés qui mettait en valeur ses yeux verts clairs, ce qui valait à la mère en plus des compliments sur le comportement de son enfant, bien d’autres, plus nombreux encore, portant quant à eux sur son physique.
Il ne ressemblait pas du tout à la mère, une blonde frêle avec un carré court aux yeux marrons noisette, un visage ovale et des pommettes saillantes encore plus marqué du fait de sa maigreur. Elle était mignonne malgré les cernes qui lui couvrait le visage et qui devaient sans doute lui donner plusieurs années de plus. Mais sa maigreur avait quelque chose d’effrayant, elle était si fine que lorsque celle-ci donnait la main à son jeune fils, il ressemblait que c’est lui qui la guidait et non l’inverse.
Kamel savait pertinemment que c’était une femme battue, en dehors de son attitude craintive, toujours en retrait, du fait qu’elle semblait être toujours sur le qui-vive comme un militaire se préparant à une attaque ennemie, il avait constaté qu’elle sursautait au moindre bruit, ses yeux révélaient dans ses moments une impression de total panique. Il se rappela notamment la fois où le pneu d’une voiture creva à quelque mètre d’eux, ce qui eu pour effet d'engendrer une détonation importante, il vit que la mère de famille s’était abaissée et se couvrait la tête de ses deux bras.
Et puis de toute façon, en dehors de son comportement, il avait bien remarqué les marques et les traces de coup sur son corps et son visage, même si elle les cachait avec ses vêtements, ses chemises à manches longues et ses jupes qui lui cachaient entièrement les jambes qu’elle abordait tout au long de l’été.
Elle ne se maquillait jamais, alors il le remarquait quand elle mettait du fonds de teint, et il n’était pas dupe des raisons de cette coquetterie nouvelle. Il savait tout autant qu’elle n’avait pas de raison de porter de grosses lunettes de soleil noires lui couvrant la moitié du visage dans un bus.
Mais malgré les stratagèmes de la jeune mère de famille, il avait tout de même remarqué les marques sur les zones visible de son corps, son époux dans sa folie ne réfléchissait sans doute pas à l’endroit où frapper pour que cela reste le plus discret possible, à l’inverse de sa femme il n’avait pas l’air de chercher à camoufler ce qui se passait dans le secret de leur maison, à moins qu’il ne comptât sur sa femme pour couvrir tout cela.
C’est ainsi que Kamel vit par le passé des hématomes sur son cou, des marques sur sa joue, son bras dans le plâtre, un bandeau couvrant sa main gauche, des pansements sur son front. Il avait aussi remarqué le bout de ses doigts couvert de bleus et de traces, comme si on les avait écrasés de tout son poids. Il avait même remarqué une fois, les traces de mégot de cigarette sur le dos de sa main.
Visiblement l’époux n’y allait pas de main morte.