Décidément, l'être humain ne cesse donc pas de porter des voiles : sur son corps nu, ses pulsions, son ennui, son moi spontané, son manque-à-être, sur le mal-entendu, sur sa foncière et inaliénable solitude ou encore sur son être-pour-la-mort.
En guise de conclusion.
Aujourd'hui, on ne cesse pas de nous donner à croire que l'ensemble des lois, bien loin d'être contraignant, suivrait plutôt nos "penchants naturels".
La répression serait donc derrière nous.
D'où la stigmatisation, discrimination et le rejet des femmes voilées qui vivraient ou plutôt "choisiraient" de vivre, selon certains, "dans les fers d'une pratique barbare et moyenâgeuse".
Or, l'universalisation des voiles trahit qu'il y a de "la répression", donc des "voiles", dans l'air même que les humains respirent !
Le philosophe A. Badiou écrit ainsi : "On dit un peu partout que le voile est l'intolérable symbole du contrôle de la sexualité féminine.
Parce que vous imaginez qu'elle n'est pas contrôlée, de nos jours, dans nos sociétés, la sexualité féminine ? [...].
Jamais on n'a pris soin de la sexualité féminine avec autant de minutie, autant de conseils savants, autant de discriminations assénés entre son bon et son mauvais usage.
La jouissance est devenue une obligation sinistre.
L'exposition universelle des morceaux supposés excitants, un devoir plus rigide que l'impératif catégorique de Kant.
Au demeurant, entre le "Jouissez, femmes !" de nos gazettes et l'impératif "Ne jouissez pas !" de nos arrières-grands-mères, [le psychanalyste] Lacan a de longue date établi l'isomorphie.
Le contrôle commercial est plus constant, plus sûr, plus massif que n'a jamais pu l'être le contrôle patriarcal.
La circulation prostitutionnelle généralisée est plus rapide et plus fiable que les difficultueux enfermements familiaux, dont la mise à mal, entre la comédie grecque et Molière, a fait rire pendant des siècles." (2)
D'où nos deux questions : Pourquoi tant de haine et de férocité à l'endroit des femmes qui, tout comme nous, portent un voile qui n'est, somme toute, pas sans évoquer la condition humaine de porteur de voiles ?
Et pourquoi certains braquent-ils donc leur projecteur sur ce port de voile là (le nôtre) et non pas sur d'autres ports de voiles, plus visibles, plus ostentatoires et plus attentatoires à nos libertés et/ou à la féminité : Publicité, Marché, Argent, Télévision, Politique, Racisme, Pornographie... ?
Par Leila, Warda, Khadija, Sirine, Maysa, Fatna, Soumia, Hafssa, Badria et Fayza, Travailleuses sociales
(1) Ce présent texte est fruit d'un travail collectif réunissant une petite dizaine de femmes dites "voilées" travaillant toutes dans le secteur social à Bruxelles. Pour des raisons "professionnelles", elles ont toutes préférées garder l'anonymat.
(2) Alain BADIOU,
Circonstances 2, Lignes, Éditions Léo Scheer, 2004, p. 117.
https://www.levif.be/actualite/belg...-opinion-1079969.html?cookie_check=1557047567