L’Histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953, paru en 2013. Cette colonisation, qui a suivi celle des Britanniques, s’est faite dans des conditions d’une très grande violence, pour lesquelles le terme de « barbarie », aussi outrancier qu’il puisse paraître, se révèle parfois totalement approprié.
Le livre nous fait bien comprendre que le fameux slogan, l’argument employé jusqu’à l’usure par les responsables sionistes selon lequel la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » fut une tromperie monstrueuse. Parce que ceux-là même qui y avaient recours, en croyant justifier ainsi leurs exactions, savaient mieux que personne que cette phrase était un mythe. Deux mensonges dans une même phrase, comme l’affirmait Mahmoud Darwich.
Cette expulsion, par le fer et le feu, des Palestiniens de leur terre fut une opération d’occupation qui ressemble fort à ce que fut la colonisation du territoire nord-américain et au sort qui fut alors réservé aux tribus indiennes. Pour l’expulsion des villes et villages, la méthode employée, écrit Sandrine Mansour, « est presque toujours la même : après avoir cerné le village, les Israéliens passent à l’attaque, souvent de nuit ; lorsqu’ils ont investi les lieux, ils expulsent les femmes et les enfants sur une route et regroupent les hommes au centre du village, avant de les exécuter et de les enterrer dans une fosse commune ou bien de les expulser à leur tour. » (p. 148) Et dans un second temps, pour précipiter l’évacuation des autres villages, en semant la terreur parmi la population, intervient ce que l’on a appelé la campagne « de murmures » :
« Des Juifs déguisés en Arabes et maîtrisant parfaitement la langue propagent dans les villages palestiniens la rumeur que les forces israéliennes sont en route pour perpétrer des massacres et brûler les habitations. »
Le massacre qui a eu lieu dans le village de Deir Yassine (village situé à quelques kilomètres de Jérusalem), dans la nuit du 8 au 9 avril 1948, se révèle à cet égard vraiment symbolique. C’est ainsi à un véritable nettoyage ethnique que se sont livrées les forces israéliennes. La formule est employée par Ilan Pappé, historien qui figure au nombre de ceux que l’on a appelés « les nouveaux historiens » israéliens ; il a titré ainsi l’un de ses ouvrages sur la question, paru en 2006 : The etnic cleansing of Palestine, [Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, 2008].
Tous ces gens qui furent ainsi chassés, par centaines de milliers, de leur terre en quelques mois, et durent se réfugier au Liban, en Transjordanie (actuelle Jordanie) ou ailleurs, étaient convaincus qu’ils auraient la possibilité de revenir assez vite dans leurs foyers et de retrouver leur patrie. Mais il fut rapidement connu que dans l’esprit des sionistes, ce retour n’était pas le moins du moins envisagé.
On peut lire ainsi dans un courrier du consul de France à Caïffa, Pierre Landy, adressé à son ministre de tutelle le 10 octobre 1948 :
« Le retour des réfugiés est de moins en moins probable. […] La vérité, en effet, est que, sans songer à laisser rentrer les fuyards, les juifs préfèrent en créer de nouveaux ; […] Les juifs qui n’ont pas vidé l’abcès au cours d’une conquête souvent sans gloire, procèdent maintenant à un plus soigneux nettoyage. De plus en plus, l’emprise juive sur la Palestine revêt les allures d’une colonisation par la force. » (p. 165)
BIBLIOGRAPHIE :
• Sandrine Mansour-Mérien,
L’Histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953, Éditions Privat, 2013.
