FPP75
VIB
Sélever contre la diabolisation dIsraël ne doit pas vous empêcher de voir ce qui a fait de Gaza une région de réfugiés désespérés et vous faire nier les effets tragiques du blocus, écrit Gidéon Lévy dans HaAretz.
Cher Bernard-Henri Lévy,
Nous ne nous connaissons malheureusement pas. Nous nous sommes brièvement croisés dans les décombres fumants de Gori pendant la guerre de Géorgie. Vous y avez fait un passage éclair et, comme dhabitude, vous avez attiré lattention, là comme dans dautres zones de conflit où vous vous êtes rendu.
Jadmire profondément les intellectuels de votre stature, qui se font fort de visiter les champs de bataille et de faire entendre leur voix. Votre tentative de protéger Israël, dont témoignait votre article publié le 8 juin dans HaAretz (Il est temps de cesser de diaboliser Israël), a fait plaisir à beaucoup dIsraéliens, qui avaient grand besoin que quelquun dise un peu de bien de leur pays, chose rare par les temps qui courent.
Je ne gâcherai pas leur plaisir. Mais, au nom de votre appel à mettre un terme à la désinformation, je souhaiterais attirer votre attention sur des informations qui ont peut-être échappé à votre mémoire. On pourrait se risquer à penser que, dans votre jeune temps, vous auriez été lun des membres de la flottille. A cette époque, un blocus de plus de quatre ans imposé à 1,5 million dindividus aurait éveillé en vous un impératif moral vous poussant à vous joindre à la contestation. Mais, aujourdhui, pour vous comme pour la plupart des Israéliens, il ny a pas de blocus de Gaza. En parler relève pour vous de la désinformation.
Au fait, puisque vous étiez sur place, pourquoi nen avez-vous pas profité pour faire un saut à Gaza, à linstar de votre ami Mario Vargas Llosa, pour voir de vos propres yeux sil y avait ou non un blocus ? Les médecins de lhôpital Shifa [à Gaza], par exemple, vous auraient parlé de leurs patients qui décèdent à cause du non-blocus. Certes, personne ne meurt de faim. Pourtant, lassociation Gisha pour la liberté de mouvement a publié cette semaine un rapport expliquant quIsraël autorise limportation de 97 produits à Gaza, contre 4 000 avant le siège. Vous nappelez pas cela un blocus ?
Un grand supermarché israélien propose 10 000 à 15 000 articles ; à Paris, il y en a sûrement plus encore. Pourtant, Gaza na droit quà 97 produits. Sil est quelquun dont on aurait attendu davantage de compréhension à légard des besoins gastronomiques, cest bien le bon vivant raffiné que vous êtes. Vous dites, comme si vous vous faisiez le porte-parole de Tsahal, quIsraël laisse entrer 100 à 125 camions par jour à Gaza. Une centaine de camions pour 1,5 million de gens : ne sagit-il pas là dun siège impitoyable, comme lécrivait [Laurent Joffrin dans] le journal Libération, contre lequel vous vous élevez ?
8O % des habitants de Gaza vivent de laide humanitaire ; 90 % des usines de Gaza sont fermées ou tournent au ralenti. Vraiment, Bernard-Henri Lévy, ne sommes-nous pas là face à un blocus ? Ne devrait-on pas sattendre que, plus que tout autre, un grand intellectuel comme vous sache que les gens, y compris les Gazaouis, ont besoin dautre chose que de pain et deau ? Mais oublions les statistiques car, après tout, les philosophes ne sencombrent pas de chiffres. Vous écrivez quIsraël a été accusé jusquà la nausée dêtre responsable de ce blocus tiens, voilà que maintenant vous parlez de blocus ? , imposé autant par Israël que par lEgypte. Cest exact. La participation de lEgypte est en effet scandaleuse et inexplicable, mais on ne peut juger selon les mêmes critères lEgypte et Israël. Loccupation de Gaza nest pas terminée, elle a simplement été levée, pour arranger loccupant, mais Israël nen reste pas moins responsable.
La monnaie officielle de Gaza est le shekel, les registres détat civil sont établis par Israël, qui surveille également toutes les entrées dans la bande de Gaza. Des décennies doccupation ont rendu Gaza dépendante dIsraël, et Israël ne saurait sen défaire par un simple désengagement.
Mais cessons de parler du blocus, que vous le niiez ou que vous le justifiiez. Comment pouvez-vous ignorer le contexte ? Depuis quarante-trois ans, des millions dindividus dont certains auraient pu espérer devenir Bernard-Henri Lévy, au lieu de perdre leur vie à se battre pour survivre connaissent une situation doccupation et de désespoir. Quelles chances un jeune Palestinien a-t-il de faire quelque chose de sa vie ? Regardez les photos des Gazaouis qui se pressent au poste-frontière de Rafah et observez lexpression imprimée sur leur visage.
Cher Bernard-Henri Lévy,
Nous ne nous connaissons malheureusement pas. Nous nous sommes brièvement croisés dans les décombres fumants de Gori pendant la guerre de Géorgie. Vous y avez fait un passage éclair et, comme dhabitude, vous avez attiré lattention, là comme dans dautres zones de conflit où vous vous êtes rendu.
Jadmire profondément les intellectuels de votre stature, qui se font fort de visiter les champs de bataille et de faire entendre leur voix. Votre tentative de protéger Israël, dont témoignait votre article publié le 8 juin dans HaAretz (Il est temps de cesser de diaboliser Israël), a fait plaisir à beaucoup dIsraéliens, qui avaient grand besoin que quelquun dise un peu de bien de leur pays, chose rare par les temps qui courent.
Je ne gâcherai pas leur plaisir. Mais, au nom de votre appel à mettre un terme à la désinformation, je souhaiterais attirer votre attention sur des informations qui ont peut-être échappé à votre mémoire. On pourrait se risquer à penser que, dans votre jeune temps, vous auriez été lun des membres de la flottille. A cette époque, un blocus de plus de quatre ans imposé à 1,5 million dindividus aurait éveillé en vous un impératif moral vous poussant à vous joindre à la contestation. Mais, aujourdhui, pour vous comme pour la plupart des Israéliens, il ny a pas de blocus de Gaza. En parler relève pour vous de la désinformation.
Au fait, puisque vous étiez sur place, pourquoi nen avez-vous pas profité pour faire un saut à Gaza, à linstar de votre ami Mario Vargas Llosa, pour voir de vos propres yeux sil y avait ou non un blocus ? Les médecins de lhôpital Shifa [à Gaza], par exemple, vous auraient parlé de leurs patients qui décèdent à cause du non-blocus. Certes, personne ne meurt de faim. Pourtant, lassociation Gisha pour la liberté de mouvement a publié cette semaine un rapport expliquant quIsraël autorise limportation de 97 produits à Gaza, contre 4 000 avant le siège. Vous nappelez pas cela un blocus ?
Un grand supermarché israélien propose 10 000 à 15 000 articles ; à Paris, il y en a sûrement plus encore. Pourtant, Gaza na droit quà 97 produits. Sil est quelquun dont on aurait attendu davantage de compréhension à légard des besoins gastronomiques, cest bien le bon vivant raffiné que vous êtes. Vous dites, comme si vous vous faisiez le porte-parole de Tsahal, quIsraël laisse entrer 100 à 125 camions par jour à Gaza. Une centaine de camions pour 1,5 million de gens : ne sagit-il pas là dun siège impitoyable, comme lécrivait [Laurent Joffrin dans] le journal Libération, contre lequel vous vous élevez ?
8O % des habitants de Gaza vivent de laide humanitaire ; 90 % des usines de Gaza sont fermées ou tournent au ralenti. Vraiment, Bernard-Henri Lévy, ne sommes-nous pas là face à un blocus ? Ne devrait-on pas sattendre que, plus que tout autre, un grand intellectuel comme vous sache que les gens, y compris les Gazaouis, ont besoin dautre chose que de pain et deau ? Mais oublions les statistiques car, après tout, les philosophes ne sencombrent pas de chiffres. Vous écrivez quIsraël a été accusé jusquà la nausée dêtre responsable de ce blocus tiens, voilà que maintenant vous parlez de blocus ? , imposé autant par Israël que par lEgypte. Cest exact. La participation de lEgypte est en effet scandaleuse et inexplicable, mais on ne peut juger selon les mêmes critères lEgypte et Israël. Loccupation de Gaza nest pas terminée, elle a simplement été levée, pour arranger loccupant, mais Israël nen reste pas moins responsable.
La monnaie officielle de Gaza est le shekel, les registres détat civil sont établis par Israël, qui surveille également toutes les entrées dans la bande de Gaza. Des décennies doccupation ont rendu Gaza dépendante dIsraël, et Israël ne saurait sen défaire par un simple désengagement.
Mais cessons de parler du blocus, que vous le niiez ou que vous le justifiiez. Comment pouvez-vous ignorer le contexte ? Depuis quarante-trois ans, des millions dindividus dont certains auraient pu espérer devenir Bernard-Henri Lévy, au lieu de perdre leur vie à se battre pour survivre connaissent une situation doccupation et de désespoir. Quelles chances un jeune Palestinien a-t-il de faire quelque chose de sa vie ? Regardez les photos des Gazaouis qui se pressent au poste-frontière de Rafah et observez lexpression imprimée sur leur visage.