par
Naram Sarjoun
Les prédateurs ayant exténué le peuple syrien par la guerre et la pauvreté, pendant 14 ans, lui ont tendu un piège censé exaucer un beau rêve : «le rêve sunnite».
Le rêve chimérique de se débarrasser de l’Iran et de sa prétendue volonté de les convertir au chiisme, d’en finir avec la pauvreté imposée par un siège international hermétique, de s’ouvrir à nouveau sur le monde en profitant du pluralisme et de la démocratie.
Mais ceux qui savaient qu’il ne s’agissait que de chimères et voyaient les Syriens danser dans les rues, saluant l’occupation de leur pays comme une libération, n’en croyaient pas leurs yeux. Comme les Irakiens qui avaient dansé devant les chars américains prétendument libérateurs, les Syriens ont dansé [le 8 décembre dernier] devant les véhicules Douchka transportant des combattants d’Al-Qaïda et de Hay’at Tahrir al-Cham [HTC] entrés dans Damas sous protection aérienne américaine et israélienne, tandis que l’Armée arabe syrienne qui leur faisait face était bombardée.
Même les ennemis ont été quelque peu surpris avant de réaliser que les médias régionaux et internationaux méritaient leur admiration, pour avoir transformé l’esprit sunnite au point qu’une grande partie d’entre eux avaient fini par transformer en amis ceux qui ne voulaient que le mal pour leur pays.
Une transformation d’autant plus étrange que, jusqu’ici, l’ennemi craignait les Sunnites du Levant car, depuis les exécutions de nationalistes levantins ordonnées par l’Ottoman Jamal Pacha al-Saffah le 6 mai 1916, ils avaient mené toutes les batailles contre le colonialisme ottoman et occidental, participé à toutes les guerres en soutien de la Palestine, et constitué le principal bloc d’où sont sortis les principaux partis nationalistes et patriotiques arabes.
En effet, bien que le Parti social-nationaliste syrien [PSNS] ait été fondé par un chrétien [Antoun Saadé], la plupart de ses dirigeants et de ses membres étaient sunnites. De même en ce qui concerne le Parti socialiste de la résurrection arabe [le parti Baas] inspiré par la réflexion d’un alaouite et dirigé par un chrétien [Michel Aflak], mais dont la véritable force de frappe et de réaction était sunnite.
Dès lors, les puissances coloniales comprirent que leur ennemi le plus dangereux était l’alliance entre les Sunnites et les autres composantes religieuses et ethniques du Levant. En effet, les forces anti-obscurantistes étaient principalement dirigées par les composantes non Sunnites, tandis que le bloc sunnite fournissait les vastes rassemblements nationaux efficaces et l’économie qui les soutenait.
Ainsi, la «Grande révolution syrienne» contre le mandataire français [1925-1927] a été menée par un Druze du Sud syrien [le Sultan Pacha al-Atrache] tandis que les blocs économiques sunnites de Damas lui fournissaient l’argent et du matériel.
De même, lors de la première insurrection contre les forces françaises [la Révolte alaouite ;1919-1920] menée par le Cheikh Saleh al-Ali, les Français pensaient que les Alaouites ne pouvaient pas financer une révolution ni acheter des armes en raison de leur extrême pauvreté, avant de découvrir que Saleh al-Ali était financé par Ibrahim Hanano, un Kurde sunnite, et une partie de la bourgeoisie sunnite du nord de la Syrie.
Aujourd’hui, les planificateurs et les prédateurs qui ont traqué «la proie syrienne»
1 ont brisé la plus forte des alliances levantines : celle des forces non sunnites avec les forces sunnites par le jeu de la prétendue oppression de ces derniers. Si bien que la soi-disant révolution syrienne semble s’être quasiment transformée en révolution sunnite dont l’objectif est de redonner le pouvoir aux Sunnites par la récupération d’un symbole : celui de la présidence de la République. Et peu importe si le président alaouite priait à leur côté en la mosquée des Omeyyades, que ses enfants aient épousé des Sunnites, qu’il ait refusé la normalisation avec les ennemis de l’Islam en général et des Sunnites en particulier, ou qu’il ait soutenu et accueilli tous ceux qui travaillaient pour libérer les Palestiniens majoritairement sunnites.