Identité zmagriya?

Salaam,

je suis un peu nostalgique en ce moment. Du coup, je fais ressurgir tous les bons souvenirs enfouis dans ma mémoire.
Or, je remarque que beaucoup sont liés à ma "zmagritude" et sont relativement différents de ceux de mes collègues, camarades franco-francais ou autres ("jolies colonies de vacances", "scoutisme", etc.).

Voici un exemple: un souvenir a ressurgi par hasard dernièrement... celui des inscriptions gravées au coûteau sur la porte des toilettes ou des douches des aires de repos espagnoles (celle sur lesquelles s'arrêtent les zmagris sur la route du bled), du genre: "Tawfiq, 9-5 en force", ou bien "Big up pour Bourg en Braisse" ou encore: "Mohamed-Amine, 8/07/2005".

Bref... je me suis d'abord dit: "les petits ****... ils ne savent vraiment pas ce qu'ils font"... Mais cela m'a amené à d'autres réflexions: j'ai pensé qu'une telle image ne se cacherait certainement pas au fond de l'inconscient d'un Francais moyen (ou d'un Marocain)... et que c'était un souvenir très spécifique. Une de ces images qui font mon (notre?) identité à nous les enfants d'immigrés.

J'ai ensuite repensé à mon père qui ouvrait toujours le "capot" (ca s'écrit comme ca?) de la voiture, à chaque arrêt et qui faisait le guêt (il ne s'éloignait jamais bcp de sa voiture), souvent en discutant avec les autres "darons" qui eux aussi se reposait en même temps que nous, pendant que ma mère sortait la nourriture du coffre... etc.

Voilà: ce types d'images, de sensations qui ressurgissent parfois sont sûrement très spécifiques, propre à notre vécu d'enfants d'immigrés.

Et vous? qu'est ce qui fait vôtre identité? quels sont vos plus beaux souvenirs? sont-ils liés à cette histoire commune?
Avez-vous l'impression de former une communauté spécifique?

(PS: sans nier bien-sûr qu'une grande partie de notre vécu est semblable à celui de nos concitoyens Francais de souche ou de nos cousins Marocains.)

TU DEvrais faire un roman de tout tes posts ... je suis serieuse...
 

Sahlia

Pass Pass Le Oinj
Hier, je ressortais un vieux sac Leclerc, avec à l'intérieur une vieille boite de chaussures défoncée dont le couvercle n'existe plus.

Cette boite regroupe toute les photos de notre enfance... et cette boite me fait le mm effet chaque fois que je me penche dessus.

De la nostalgie, mais aussi un peu de mal.. on se sent parfois loin de ce que l'on a été... incompris... on se demande quand on a grandi.

Ces photos ont un gout et une odeur,bien plus nettes et justes que tt ce qui se fait de numérique aujourd'hui.
J'ai parfois l'impression d'etre passée à coté de moi-même... et la seule façon de remédier à ça, c'est de revivre ces instants en les transmettant.


Juste te dire que te lire a le mme "gout" que cette boite de chaussures défoncée, mais riches de souvenirs.

MON MaroC.

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Je suis né dans une famille où on me disait pour m'inciter à être sage: si tu fais des bêtises, tu n'iras pas au Maroc cet été.
J'ai passé mon enfance en France où mon quotidien était aussi médiocre (dans les yeux d'un enfant; maintenant, je vois les choses autrement) que celui de mes camarades: réveils forcés de bonne-heure, école, devoirs et dodo. Peu de contacts sociaux, et quand ils existaient, ils étaient empreints de la brutalité propre aux Francais (j'ai vécu dans des pays où les rapports entre individus sont plus "doux").

Le Maroc était pour moi synonyme de vacances: la plage, l'exaltation de la route, du voyage ("on the road"), les autres enfants, mes cousins, les gâteries de mes oncles et tantes, etc. En plus de cela une amitié profonde avec un ami d'enfance.

Bref, le Maroc, ce n'était pas tant un lieu "géographique" qu'un "MOMENT DE L'ANNÉE"... Le seul moment où je me SENTAIS VIVRE. La France me permettais de vivre... et le Maroc de me sentir vivre...
Je le vivais aussi comme un lieu profondemment "carnavalesque", c'est-à-dire où les normes que je devais respecter en France étaient inversées, subverties.

Au début de mon adolescence, j'ai aussi vu dans la frontière hispano-marocaine une "parenthèse", un bouclier contre le mépris de la société qui m'hébergeait (à travers les sarcasmes de mes camarades de collèges lorsque je leur disais que j'avais longtemps dormi par terre et que ma grand-mère se reposait sur une peau de mouton, etc.).

Oui, le Maroc était pour moi un lieu de défoulement; mais parce que l'on m'a inculqué des valeurs morales et parce qu'il me restait un peu de fierté (ce qui n'est plus le cas de bien des enfants de l'exil, qui ont totalement intégré le mépris qui est projeté sur eux) je ne me serais jamais permis, emporté par ce sentiment d'exaltation propre au pays de mes parents, de faire le moindre geste qui risquerait de "violer" ce pays, cette société... de violer mon "rêve", l' "utopie" que mon imagination, poussée par les circonstances avait construite.

Pour moi, l'année atteignait son "climax", non pas entre décembre et janvier comme pour mes camarades de classe qui recevaient alors des cadeaux et de l'argent, mais au mois d'Août.
Le mois où la réalité semblait plus réelle, les hommes plus humains, le soleil plus brûlant.
Juin-Juillet étaient remplis d'exitation tandis que septembre n'était que mélancolie.
Ah Septembre! je détestais ce mois! le mois où les souvenirs s'effacent petit-à-petit... Je dirais même que c'était le mois des ruines... le mois des vestiges, au sens pré-islamique: Al Atlal...

C'était le mois où je me rattachais à n'importe quoi pour faire ressurgir le pays où je me sentais vivre... c'était le mois du développement des photos, des séances "essayages" (gandoura), du rangement des cadeaux, etc.
Un mois brutal: le froid du ciel et des coeurs. L'impossibilité de "crâner" devant les copains (j'avais passé des vacances à la maison! pas à escalader des parois ou à descendre des ravins dans les Alpes, etc.).

Ce n'est que plus tard que j'ai mieux saisi le rapport qui unit s7ab l kharij et les Marocains. Ce n'est que plus tard que j'ai compris le "stress" de mon père, soucieux de paraître, devant les miens. Ce n'est que plus tard que j'ai compris ce que l'on voulait récolter de tous les câlins et les gâteries dont on m'avait couverts...
Beaucoup plus tard.
Mais trop tard pour détruire en moi l'amour, l' "idolâtrie" que je voue à tout ce que j'ai aimé et qui m'a aimé.
 
Hier, je ressortais un vieux sac Leclerc, avec à l'intérieur une vieille boite de chaussures défoncée dont le couvercle n'existe plus.



J'ai parfois l'impression d'etre passée à coté de moi-même... et la seule façon de remédier à ça, c'est de revivre ces instants en les transmettant.

Moi aussi, j'ai souvent cette impression...
 

Sahlia

Pass Pass Le Oinj
C'est important de transmettre ça.

Ce qui me fait le plus peur, ce serait de passer à côté de mes "enfants" si j'en ai un jour inchAllah, ne pas savoir transmettre ce qui ne se trouve pas ds les livres, ces images, ces odeurs.

...
Tant de choses qui restent à faire..
 
"Un silence imposé parce qu’en tant qu’ouvriers, en tant qu’exploités, en tant que main-d’œuvre déportée à des fins spécifiques, occupés au travail comme pourraient l’être des bêtes de somme, occupant les postes les plus dégradants dont les français ne voulaient pas, ils ont traversé des années dures, où l’on ne se nourrit que pour tenir bon sur le chantier, où l’on n’a de temps que pour l’entreprise ou très peu pour soi — en tout cas pas assez pour prendre le temps de dire. Un silence imposé aussi parce que leur parole a été socialement dévalorisée : que vaut la parole d’un terrassier, d’un o.s., d’un agent de la propreté publique ? Mais encore parce que leurs langues, leurs cultures, leurs traditions et leur religion ont été disqualifiées."
 
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