Interview de Mustapha Selma ould sidi Mouloud par un journal mauritanien

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion bedji
  • Date de début Date de début
son cas laisse à la fois le HCR mais aussi les membres de sa tribu en Mauritanie indifférents, pour ces derniers aucun contact avec lui. donc on en conclut que de la part de la Mauritanie il y a une neutralité positive pour le Polisario, voilà la réalité qu'on essaie de ne pas ébruiter.


Police du Polisario. «Je suis en réalité un homme libre qui n’a rien à se reprocher et qui a été contraint de quitter son pays et de s’éloigner de sa famille ».

Moustapha Selma Ould Sidi Maouloud, cet ancien Inspecteur général de la Police du Polisario, est depuis plus de six mois à Nouakchott.

Il observe depuis le 1er juin 2011 un sit-in ouvert devant les locaux du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) qui avait accepté de le prendre en charge suite à un accord avec les responsables du Front Polisario qui l’avait arrêté avant de décider de l’expulser.

Il avait soutenu la proposition marocaine d’autonomie du Sahara, ce qui lui vaudra les foudres du Polisario et de l’Algérie. Ayant choisi comme pays d’asile l’Espagne, la Mauritanie ou le Maroc, il refuse la solution proposée par le HCR de l’envoyer en Finlande. Nous l’avons rencontré dans son petit réduit de l’Ilôt K, près du Bureau du HCR.

L’Authentique : comment vous êtes-vous retrouvé en Mauritanie ?

Moustapha Selma : j’étais détenu par le Front Polisario avant qu’il ne décide de me libérer. Dans un communiqué datant du 6 octobre 2010 publié à ce propos, le Front annonçait textuellement que «le nommé Moustapha Selma Ould Sidi Maouloud a été libéré ». En réalité, il ne s’agissait pas d’une libération mais d’une expulsion hors du territoire sahraoui car je n’ai été informé de cette décision que le 14 octobre de la même année. Malheureusement, le HCR a été utilisé pour formaliser cette expulsion.

C’est une unité de l’armée Polisario qui me remettra au HCR à la frontière mauritanienne où m’attendait la représentante du Bureau de Nouakchott accompagné de quelques officiels mauritaniens, en l’occurrence des délégués du Ministère de l’Intérieur, de la Sûreté et des services de l’Immigration. On m’avait promis qu’une fois en Mauritanie, mon dossier sera rapidement traité et que ce n’était qu’une question de jours.

Ensuite on m’a demandé d’indiquer les pays de mon choix où je désirerais passer mon exil et j’ai répondu qu’en réalité je préfèrerai rester dans ma patrie, à côté de ma famille et de mes enfants et d’y vivre comme un citoyen ordinaire d’autant plus que je n’avais rien à me reprocher, aucune poursuite judiciaire n’étant lancée contre moi.

Au cas contraire, je leur ai dit que mon choix porterai sur un pays proche des miens, en première option l’Espagne, à défaut la Mauritanie ou le Maroc. L’Algérie faisait partie aussi de mes choix, mais ce pays ne le voulait pas. J’avais posé comme condition que le pays d’accueil ne devait pas me réduire au silence ou entraver mes mouvements car je suis un homme qui défend une cause et qui compte le faire partager. Ainsi ni l’Espagne, ni la Mauritanie ou le Maroc ne devait m’imposer des choix donnés.
 
SUITE


Je suis donc venu en Mauritanie le 30 novembre 2010 et un accord dans ce sens a été paraphé entre moi et le HCR. Ce qui n’était qu’une question de jours pour régler mon affaire est devenu des mois…Je suis aujourd’hui presque au 7ème mois de présence en Mauritanie et rien n’est encore fait. Aussi, ai-je décidé depuis le 1er juin dernier d’observer un sit-in indéterminé ici, devant les locaux du HCR à Nouakchott en attendant qu’une solution satisfaisante me soit trouvée. Après six mois, l’organisation m’a adressé une correspondance pour me faire savoir qu’elle m’a trouvé une terre d’asile, en Finlande.

J’ai répondu que cela n’entrait pas dans mes choix ni dans l’engagement pris par le HCR. Ma principale question reste d’ailleurs de savoir pourquoi le HCR a accepté que je sois renvoyé de mon pays. N’étant pas demandeur d’asile, je tiens tout de même à ce que mon choix soit respecté ou qu’on me ramène au Sahara.

Comme le HCR a accepté de servir les visées du Polisario de me faire expulser, c’est au HCR de me trouver une solution satisfaisante. On en est là encore devant ce blocage, le HCR tenant à ce que je parte en Finlande et moi de refuser cette option.

L’Authentique : quel est réellement votre problème ?

Moustapha Selma : je n’ai aucun problème. Cela fait presque 32 ans que je vis au Sahara, j’ai grandi avec le Polisario et je ne connais d’autre patrie que le Sahara. C’est là où se trouvent toute ma famille et mes enfants. Il y a une entité dénommée République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) que la Mauritanie reconnaît, qui siège à l’Union Africaine, dont je détiens les pièces d’état-civil, une entité située sur le territoire algérien.

Je m’étais rendu à Asmara, de l’autre côté, au Maroc pour rendre visite à mon père et à mes frères. A mon retour, on m’a interdit de fouler le sol de la RASD sous peine d’être emprisonné. Pour moi rien ne pouvait m’empêcher de retourner chez moi. Et voilà…Quand je suis entré on m’a arrêté, torturé puis expulsé.
 
SUITE

L’Authentique : Pourquoi au fait vous a-t-on réservé un tel traitement ?

Moustapha Selma : à cause d’une conférence de presse que j’avais animée durant mon séjour à Asmara, dans la maison de mon père. J’avais convoqué mes frères Sahraouis à opérer un choix pour régler définitivement le problème du Sahara Occidental. J’estime que la question de l’indépendance de ce territoire est presque impossible à l’heure actuelle et j’ai jugé opportun d’étudier avec lucidité la proposition marocaine de l’autonomie. C’est une proposition qui pour moi devait être avancée sur la table des négociations et j’ai demandé aux Sahraouis de s’inscrire dans cette logique.

Il ne s’agit pas en réalité d’une solution définitive mais d’une solution médiane qui pourrait mettre fin au conflit dans cette région et rapprocher les morceaux éparpillés de la nation sahraouie. Evidemment, cette solution ne doit pas selon moi se faire au détriment des intérêts des différents acteurs concernés, à savoir les Sahraouis, mais aussi l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc. C’est pour avoir pris cette position qu’on m’a créé des problèmes.

L’Authentique : qui te poursuit réellement, le Front Polisario ou l’Algérie ?

Moustapha Selma : ce sont les autorités sahraouies qui m’avaient arrêté et cela est attesté par un communiqué publié à cet effet dans lequel il était stipulé que «les autorités sahraouies ont arrêté le nommé Moustapha Selma Ould Sidi Maouloud » accusé de mille chefs d’inculpation. Après deux mois, un autre communiqué est tombé où il était écrit «les autorités sahraouies annoncent la libération du nommé Moustapha Selma… ».

Une personne libérée est une personne libre, vierge de toute poursuite, appelée à reprendre sa place dans la société et à jouir de tous ses droits, n’est-ce pas ? Il n’a pas été précisé que je bénéficié d’une liberté provisoire, ce qui aurait pu au moins réduire mon statut d’homme libre. Mais j’ai été libéré donc sans aucune poursuite…
 
SUITE

L’Authentique : depuis votre arrivée, avez-vous eu des contacts avec les autorités mauritaniennes, vous ont-ils approché, appelé ou entendu… ?

Moustapha Selma : à part les délégués du ministère de l’Intérieur, de la Sûreté et des services de l’Immigration qui m’avaient accueilli à la frontière lors de mon transfert au Bureau du HCR à Nouakchott, je n’ai pas eu d’autres contacts avec les autorités mauritaniennes. On m’avait juste fait comprendre que je me trouvais ici à titre provisoire, en attendant que mon dossier soit réglé par le HCR et qu’entre temps je ne devais faire ni de la politique ni de campagne médiatique, pour des raisons géopolitiques.

L’Authentique : actuellement, tu n’as aucun rapport avec les autorités sahraouies ?

Moustapha Selma : je n’ai aucun rapport avec les autorités sahraouies ni d’ailleurs avec une quelconque autre autorité. Mes seuls contacts restent avec le HCR. Ici, je suis étranger, juridiquement s’entend car en tant que Maure je ne suis pas étranger à la société maure. Je ne détiens pas la nationalité mauritanienne. La seule nationalité que je possède est la nationalité sahraouie, qui n’est d’ailleurs pas internationalement reconnue car il s’agit d’une entité encore en conflit pour sa reconnaissance. Je n’ai pas de passeport donc je ne peux même pas quitter la Mauritanie.

L’Authentique : pourquoi avoir choisi l’Espagne, la Mauritanie et le Maroc et pas d’autre pays ?

Moustapha Selma : le dossier du Sahara Occidental est aujourd’hui une vieille affaire. De par les hautes fonctions que j’ai occupé dans la hiérarchie publique au sein de la RASD et eu égard à ma position sociale, fils de chef d’une des plus grandes tribus des R’Gueïbatt, je me sens investi d’une mission et d’un rôle que je dois jouer pour le bien de ma société. Je fais partie intégrante de son combat et je dois être capable de défendre mes idées devant n’importe quel responsable sahraoui. Je n’accepterai pas d’être écarté de la réflexion ni du combat pour le devenir du Sahara. Aussi, je ne tiens pas à être éloigné de mon pays et de ma famille.
 
SUITE…
L’Authentique : pourquoi le HCR tarde à régler votre problème ?

Moustapha Selma : le HCR m’a fait comprendre que son intervention dans mon dossier est strictement humanitaire et que de ce point de vue, il n’a pu me trouver que la Finlande comme pays d’exil. Encore une fois, le problème c’est que je ne suis pas demandeur d’asile pour accepter tout ce qu’on me propose. C’est le Polisario qui m’a arrêté avant de signer avec le HCR un deal.

C’est comme si j’étais un corps étranger que le HCR devait se charger de placer ailleurs. De ce point de vue, le HCR s’est politiquement impliqué dans ce dossier et assume une part de responsabilité dans mon expulsion hors de mon pays. Aujourd’hui le HCR est tenu de me trouver une solution qui me satisfait selon les termes de l’accord que j’ai signé avec lui. On m’a amené en Mauritanie sans aucune possibilité de sortir de ce pays.

L’Authentique : votre problème est donc purement politique et n’est nullement humanitaire comme le soutient le HCR ?

Moustapha Selma : moi je n’ai aucun problème, ni politique, ni humanitaire avec qui que ce soit. Le seul problème que j’ai, c’est d’avoir animé une conférence de presse durant laquelle j’ai avancé mon idée sur le règlement du conflit au Sahara Occidental et qui a été mal reçu par le Polisario et l’Algérie. Ma priorité aujourd’hui, ce n’est ni la politique ni les prisons. J’ai d’autres urgences. Je suis en réalité un homme libre qui n’a rien à se reprocher et qui a été contraint de quitter son pays et de s’éloigner de sa famille.

L’Authentique : quel appel tenez-vous à lancer maintenant à l’opinion publique nationale et internationale ?

Moustapha Selma : je n’ai pas de problème avec un individu ou une personne donnée. Mon problème ne peut pas être réglé par les tribunaux mauritaniens sinon j’aurai entamé les procédures. Mon problème, c’est avec un système qui a confisqué tous mes droits et je n’ai aucun moyen ici de trouver réparation à cette injustice. Mon appel s’adresse ainsi essentiellement aux organisations des droits de l’Homme et aux hommes de bonne volonté épris de justice, aux médias nationaux et internationaux pour que ma cause soit entendue.
 
SUITE
Je ne suis rien d’autre qu’un homme qui réclame ces droits. On vous enlève de votre pays, on vous remet à d’autres mains, dans un pays étranger, sans document de voyage et tu ne peux aller nulle part ou entreprendre quoi que ce soit. C’est ma situation actuelle.

L’Authentique : à quand remonte votre dernière entrevue avec les responsables du HCR ?

Moustapha Selma : notre dernière rencontre remonte au 1er juin courant, donc depuis seize jours. Le HCR n’a que la Finlande comme solution de rechange. J’ai décidé quant à moi d’entrer en sit-in ouvert jusqu’au règlement définitif de mon cas.

L’Authentique : de quoi vivez-vous maintenant ?

Moustapha Selma : j’ai des amis qui m’amènent ici mes repas (rires)

L’Authentique : tu comptes prolonger ton sit-in jusqu’à quand ?

Moustapha Selma : depuis six mois, le HCR m’a loué un appartement mais j’ai dit à ses responsables que je ne suis pas venu en Mauritanie pour m’y installer dans ces conditions, séparé de ma famille. Mais je suis venu parce que je suis sensé avoir un problème que le HCR doit résoudre. Après six mois de tergiversation et d’échanges de courriers, il m’est apparu que la solution qui m’est proposée, la Finlande ne peut me satisfaire.

Tout ce que je demande c’est qu’on me permettre de rejoindre ma famille, sur ma terre natale, au milieu des miens. Je ne refuse pas de me présenter à n’importe quelle juridiction devant laquelle les autorités sahraouies décideront de me traîner. S’il y a des choses qu’on me reproche qu’on me juge pour cela.

L’Authentique : pourquoi tu refuses d’aller en Finlande ?

Moustapha Selma : c’est un pays lointain, dans lequel ni moi ni ma famille ne pourront s’adapter. Tout le monde connaît le froid boréal et moi personnellement ainsi que les miens ne pourront jamais nous acclimater à de telles températures ni nous habituer au mode de vie dans ce pays. Ensuite, je serai loin pour mener le combat pour l’avenir de mon pays.

L’Authentique : avez-vous obtenu la solidarité des R’Gueïbatt de Mauritanie ?

Moustapha Selma : malheureusement, je n’ai encore reçu la visite d’aucun membre de ma tribu ici. Personne d’entre eux ne m’a rendu visite. Et je leur reproche au passage un tel manquement.

Propos recueillis par Omar El Moctar et Cheikh Aïdara
 
Retour
Haut