«Attaquer l'Iran? Un suicide pour Israel!»
Rédigé par Julien LACORIE le Samedi 20 Juin 2009
Malgré les envolées belliqueuses d'Ahmadinejad et même si Téhéran dispose déjà de missiles Shihab-3 dotés d'une tête chimique et capables d'atteindre le territoire israélien, l'éventualité des frappes contre l'Iran divise l'Etat hébreu. A commencer par F état-major, le gouvernement et les services de renseignement. Les durs, comme Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères, ou Moshé Yaalon, le ministre aux Affaires stratégiques, défendent la «doctrine Begin»: l'Etat hébreu ne peut en aucun cas permettre à un pays de la région de se doter de l'arme nucléaire. Persuadés que la communauté internationale se résignera tôt ou tard à un Iran doté de l'arme atomique, les partisans des frappes affirment que l'Etat hébreu doit seulement compter sur ses propres forces.
DE NOTRE CORRESPONDANT A JERUSALEM JULIEN LACORIE
Confusion au Mossad
Face à eux, les pragmatiques: Ehoud Barak, le ministre de la Défense, et Dan Meridor, le ministre chargé de superviser les services de renseignement. Ils estiment qu'un recours à la force sans le soutien clair des Américains constituerait «un suicide politique». En termes de stratégie militaire, une attaque serait, de toute façon, extrêmement risquée pour l'Etat hébreu. «Israël ne peut pas se permettre d'agir seul», résume Akiva Eldar, qui suit les questions de défense au quotidien Haaretz. «Pour attaquer l'Iran, l'aviation israélienne doit passer soit au-dessus de l'Irak et obtenir dans ce cas un feu vert des Américains qui sont déployés dans ce pays; soit par la Jordanie et la Turquie, ce qui provoquerait une rupture des relations diplomatiques avec ces deux pays.» On voit évidemment mal Barack Obama autoriser Benyamin Nétanyahou à se lancer dans une aussi terrible aventure alors qu'il tente d'engager un dialogue avec Téhéran. L'opinion israélienne, elle, est plongée dans la confusion la plus totale, à en juger par ce sondage: si 59% des Israéliens sont favorables à l'«option militaire», l'immense majorité d'entre eux se déclarent prêts à continuer à vivre normalement, même si Téhéran disposait de l'arme nucléaire! Il faut dire que les services de renseignements multiplient les déclarations contradictoires. Après avoir proclamé que les Iraniens disposeraient de la bombe dès la fin de 2009, Meir Dagan, le chef du Mossad, évoque désormais l'échéance 2014. D'autres sources rappellent que l'Iran peut très bien disposer d'installations nucléaires secrètes: son programme pourrait donc se poursuivre même après une attaque contre les sites connus comme l'unité de production d'uranium enrichi de Natanz, le centre de recherche d'Ispahan ou l'usine de production d'eau lourde d'Arak.
Les Iraniens ont par ailleurs enfoui une bonne partie de leurs installation parfois sous 25 m de terre avec des protections en béton armé de plusieurs mètres d'épaisseur. Leur système de défense antiaérienne est très dense et vient encore d'être renforcé depuis que la crise politique s'aggrave à Téhéran. Or, les Américain ont certes fourni à Israël des bombes antibunkers, mais les pilotes de Tsaha devraient disposer de renseignement précis, faute de quoi l'opération serait vouée à l'échec. La partie serait encore plus suicidaire si les Russes se décidaient à fournir à Téhéran des missiles S-300: ils provoqueraient la perte d'un quart de la centaine d'avions israéliens nécessaires à l'aventure. En 2008, l'ancien Premier ministre Ehoud Ohnert s'était rendu à Moscou pour dissuader Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine de faire un tel cadeau à la République islamique. C'est aussi ce qu'a plaidé Avigdor Lieberman voici quelques semaines devant son homologue russe. Sans résultat. Même les va-t-en guerre dans son genre ont donc de très bonnes raisons d'hésiter au seuil de cette folie...