la revue américaine Foreign Policy vient apporter un éclairage nouveau sur le rôle d'Israël dans le conflit syrien. À l'issue d'une enquête fouillée publiée sur le site de la revue, la journaliste Elizabeth Tsurkov, également chercheuse au Forum Regional Thinking, un think tank israélien, affirme que l'État hébreu a secrètement armé et financé au moins douze groupes rebelles syriens, opérant dans le sud de la Syrie de 2013 à juillet 2018. Déjà, en mars 2015, un rapport des observateurs de l'ONU dans le Golan, adressé au Conseil de sécurité, révélait l'existence d'« échanges » entre Israël et la rébellion syrienne, entre novembre 2014 et mars 2015. D'après le document, des « individus armés » avaient « traversé la ligne de cessez-le-feu » à plusieurs reprises, et s'étaient « approchés de la barrière technique (israélienne, NDLR) en ayant parfois des échanges avec les forces de défense israéliennes ».À l'époque, 55 brigades rebelles affiliées à l'Armée syrienne libre (la branche modérée de la rébellion, NDLR) se réunissent pour former le « Front du Sud ». Composée d'environ 30 000 combattants, cette nébuleuse modérée, mais disparate ne possède pas de commandement unifié. Elle entretient des liens étroits avec les États-Unis, la Jordanie, où nombre de ses combattants ont été formés, ainsi que les monarchies arabes du Golfe (Qatar et Arabie saoudite) qui les financent allègrement. Parfois allié aux djihadistes du Front Fatah al-Cham, ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, le « Front du Sud » inflige tout d'abord de sévères défaites aux forces de Bachar el-Assad dans les provinces de Deraa et de Quneitra.
Face à cette myriade de groupuscules anti-Bachar el-Assad, dont les alliances ont changé au gré du conflit, Israël n'est pas resté les bras croisés. Selon un rapport de l'International Crisis Group, l'État hébreu « a également fourni un soutien aux factions armées du Sud à partir de 2013 ou 2014, apparemment pour essayer de nouer des partenariats locaux et sécuriser une zone tampon à sa frontière ». S'appuyant sur une vingtaine de témoignages collectés auprès de commandants et combattants de ces factions, Foreign Policy va encore plus loin et affirme que l'aide israélienne était destinée à des groupes liés à l'Armée syrienne libre (rebelles modérés soutenus par l'Occident, NDLR), opérant dans les villes de Quneitra, Deraa et dans les régions situées au sud de Damas.
« Israël nous a soutenus de façon héroïque »
Parmi les destinataires privilégiés des services israéliens figuraient notamment le groupe Forsan al-Jolan (les Chevaliers du Golan), actif dans la commune de Jubata al-Khashab, située dans la partie syrienne du Golan, ainsi que Liwaa Omar bin al-Khattab (la brigade Omar bin al-Khattab), basée quant à elle dans la localité de Beit Jinn, au sud-est de Damas. « Israël nous a soutenus de façon héroïque », soulignait en juin 2017 Moatasem al-Golani, porte-parole de Forsan al-Jolan, faction rebelle de plusieurs centaines de combattants, . « Nous n'aurions pas survécu sans l'aide d'Israël. »Ce sont les Russes qui dictent les règles du jeu en Syrie »
Mais la donne a peu à peu changé dans le sud de la Syrie. Après avoir repris la ville d'Alep (en décembre 2014) puis la Ghouta orientale (en avril 2018), l'armée syrienne s'est lancée à la reconquête de la partie méridionale du pays, où a éclaté la révolution syrienne en 2011.Présents à ses côtés, l'Iran et ses milices chiites en ont profité pour s'installer dans la région et se rapprocher d'autant plus de la frontière israélienne. « Cette nouvelle réalité a influencé de manière importante les considérations stratégiques israéliennes », souligne l'expert Ely Karmon. « Il ne s'agissait plus alors d'obus tirés par erreur, mais d'une implantation de l'Iran et du Hezbollah (ennemis d'Israël, NDLR) qu'il fallait neutraliser. »