Pr Chafik Chraïbi, fondateur de lAssociation marocaine de Lutte Contre lAvortement clandestin
Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers du CHU de Rabat, a créé une association pour lutter contre lavortement clandestin. Cet acte encore sous le coup dun triple interdit social, religieux et juridique.
Maroc Hebdo International: Vous avez créé, le 14 octobre 2008, lAssociation marocaine de Lutte Contre lAvortement clandestin, quels sont ses objectifs ?
Pr Chafik Chraïbi: Cela fait des années que je milite pour combattre lavortement clandestin. Créer une association pour servir cette cause a été depuis longtemps mon objectif. Aujourdhui, cest chose faite. LAMLCA vise avant tout de briser le silence autour de ce que jappelle le secret Polichinelle. Tout le monde sait que lavortement clandestin est pratiqué, mais personne nen parle. LAMLCA a aussi pour but de sensibiliser lopinion publique à la nécessite douvrir un débat national pour légaliser lavortement. Jespère aussi, dans le cadre de lAMLCA, pouvoir approcher les responsables politiques et les parlementaires en vue délaborer un projet de loi afin dassouplir la législation sur lavortement qui est, à mon goût, très sévère.
Avez-vous entrepris des contacts avec la classe politique?
Pr Chafik Chraïbi:Jai contacté la majorité des formations politiques. Pour le moment, je nai eu de réponses, paradoxalement, que du Parti de la Justice et du Développement qui sest, dailleurs, montré très enthousiaste dengager le débat sur lavortement au sein du Parlement. Lors dune rencontre avec Saâdeddine Othmani, Mustapha Ramid et dautres membres du PJD, il ma semblé quils étaient même prêts à envisager lautorisation de lavortement avant huit semaines de grossesse.Pour le moment, jattends que le débat soit engagé pour pouvoir en tirer des conclusions. Je sais quavec la mort de Dr Abdelkrim Khatib, fondateur du PJD, et la rentrée parlementaire, le parti du PJD a dautres chats à fouetter. Mais, cela ne tarderait pas à venir.
À part le PJD, aucun autre parti na réagi ?
Pr Chafik Chraïbi: Non. Tenez, jai essayé dapprocher le Parti Authenticité et Modernité, comme il est très à la mode dapprocher le parti de Fouad Ali El Himma, je nai reçu aucune réponse malgré mes nombreuses correspondances et lenvoi dun dossier complet sur lAMLCA et ses objectifs.
Y a-t-il des réactions de la société civile?
Pr Chafik Chraïbi: De ce côté aussi, silence radio. Ce qui est encore plus étonnant. Jai essayé de toucher les associations des droits de lHomme et de défense des droits de la Femme, mais mes appels sont restés sans réponse. La cause que je défends intéresse plus la société civile étrangère que marocaine. Ce qui reste pour moi inexplicable. Jai ressenti ce même désintérêt chez les télévisions marocaines. Jai travaillé avec France 24, Radio Canada, RFI, Arte, France 2, mais jamais encore 2M ou TVM ne mont sollicité. Malheureusement, ce sont des médias de masse qui ont un grand rôle à jouer dans la sensibilisation du grand public aux risques de lavortement.
Navez-vous pas limpression davancer sur un terrain miné?
Pr Chafik Chraïbi: Je ne pense pas. Mon discours nest pas hard. Je ne veux pas libéraliser lavortement, mais le légaliser sous certaines indications, comme les malformations foetales, les victimes de viol et dinceste, les mineurs, les personnes souffrant de pathologies psychiatriques, les femmes âgées de plus de 45 ans mais aussi certaines situations sociales notamment un couple en instance de divorce, les moyens financiers limités de la famille, un couple avec un nombre denfants désirés... Ce que je tiens également à dire, cest que légaliser lavortement ce nest pas libéraliser les moeurs. Loin de là. Parmi les rôles que tient à jouer lAMLCA, celui de la prévention. Dans ce cadre, léducation sexuelle est primordiale. Il faut informer les jeunes filles sur les moyens déviter une grossesse indésirée et les risques de lavortement.
Avez-vous lintention de légaliser lavortement dans le cadre des couples légitimes ou de lélargir aux relations extraconjugales ?
Pr Chafik Chraïbi: Je veux que lavortement soit autorisé dans toute véritable situation où la grossesse est impossible. Que ça soit dans un couple légitime ou illégitime. Il ne faut plus se voiler la face. La moitié des grossesses indésirées sont contractées hors du cadre légal du mariage.
Avez-vous des données chiffrées sur lampleur de lavortement clandestin?
Pr Chafik Chraïbi: Personne ne peut avoir des données chiffrées. Le manque de statistiques est fortement lié à au caractère illégal de lavortement. Des femmes que nous recevons à la maternité des Orangers, où jexerce, ayant subi une tentative davortement médicalisée ou non médicalisée navouent jamais avoir eu recours à cet acte par peur des représailles. Elles savent quelles encourent des peines de prison pour une Interruption Volontaire de Grossesse. Alors que nous avons besoin de savoir quelle est la méthode utilisée, pour lui prodiguer le traitement adéquat.
En labsence de statistiques exactes, je me réfère à mon expérience personnelle pour évaluer la situation. Je peux dire quau Maroc, 150 avortements non médicalisés sont pratiqués par jour et 500 médicalisés. Et, ce nest pas forcément dans les bonnes conditions. Souvent, cela se passe dans des cabinets médicaux en labsence dun anesthésiste et dun suivi postopératoire.
Croyez-vous que le Maroc soit prêt pour légaliser lavortement?
Pr Chafik Chraïbi: Pour le moment, je nai reçu que des encouragements. Plusieurs pays musulmans ont franchi le pas. Je parle de la Turquie, de la Tunisie et de lIran. La loi marocaine, elle, reste très sévère en ce qui concerne lavortement. Alors quon a tout à gagner en lassouplissant.
Le Maroc, un pays qui se libère et se modernise, se veut de plus en plus transparent. En légalisant lavortement, il mettra fin à une hypocrisie sociale qui a assez duré. Mais, pas seulement. On pourra aussi limiter les conséquences dramatiques des grossesses indésirées. Je parle des enfants abandonnés, de lexclusion des mères célibataires et bien dautres problèmes. On évitera aussi à des dizaines de médecins dêtre jetés en prison parce quun avortement a mal tourné.
Maroc Hebdo
Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers du CHU de Rabat, a créé une association pour lutter contre lavortement clandestin. Cet acte encore sous le coup dun triple interdit social, religieux et juridique.
Maroc Hebdo International: Vous avez créé, le 14 octobre 2008, lAssociation marocaine de Lutte Contre lAvortement clandestin, quels sont ses objectifs ?
Pr Chafik Chraïbi: Cela fait des années que je milite pour combattre lavortement clandestin. Créer une association pour servir cette cause a été depuis longtemps mon objectif. Aujourdhui, cest chose faite. LAMLCA vise avant tout de briser le silence autour de ce que jappelle le secret Polichinelle. Tout le monde sait que lavortement clandestin est pratiqué, mais personne nen parle. LAMLCA a aussi pour but de sensibiliser lopinion publique à la nécessite douvrir un débat national pour légaliser lavortement. Jespère aussi, dans le cadre de lAMLCA, pouvoir approcher les responsables politiques et les parlementaires en vue délaborer un projet de loi afin dassouplir la législation sur lavortement qui est, à mon goût, très sévère.
Avez-vous entrepris des contacts avec la classe politique?
Pr Chafik Chraïbi:Jai contacté la majorité des formations politiques. Pour le moment, je nai eu de réponses, paradoxalement, que du Parti de la Justice et du Développement qui sest, dailleurs, montré très enthousiaste dengager le débat sur lavortement au sein du Parlement. Lors dune rencontre avec Saâdeddine Othmani, Mustapha Ramid et dautres membres du PJD, il ma semblé quils étaient même prêts à envisager lautorisation de lavortement avant huit semaines de grossesse.Pour le moment, jattends que le débat soit engagé pour pouvoir en tirer des conclusions. Je sais quavec la mort de Dr Abdelkrim Khatib, fondateur du PJD, et la rentrée parlementaire, le parti du PJD a dautres chats à fouetter. Mais, cela ne tarderait pas à venir.
À part le PJD, aucun autre parti na réagi ?
Pr Chafik Chraïbi: Non. Tenez, jai essayé dapprocher le Parti Authenticité et Modernité, comme il est très à la mode dapprocher le parti de Fouad Ali El Himma, je nai reçu aucune réponse malgré mes nombreuses correspondances et lenvoi dun dossier complet sur lAMLCA et ses objectifs.
Y a-t-il des réactions de la société civile?
Pr Chafik Chraïbi: De ce côté aussi, silence radio. Ce qui est encore plus étonnant. Jai essayé de toucher les associations des droits de lHomme et de défense des droits de la Femme, mais mes appels sont restés sans réponse. La cause que je défends intéresse plus la société civile étrangère que marocaine. Ce qui reste pour moi inexplicable. Jai ressenti ce même désintérêt chez les télévisions marocaines. Jai travaillé avec France 24, Radio Canada, RFI, Arte, France 2, mais jamais encore 2M ou TVM ne mont sollicité. Malheureusement, ce sont des médias de masse qui ont un grand rôle à jouer dans la sensibilisation du grand public aux risques de lavortement.
Navez-vous pas limpression davancer sur un terrain miné?
Pr Chafik Chraïbi: Je ne pense pas. Mon discours nest pas hard. Je ne veux pas libéraliser lavortement, mais le légaliser sous certaines indications, comme les malformations foetales, les victimes de viol et dinceste, les mineurs, les personnes souffrant de pathologies psychiatriques, les femmes âgées de plus de 45 ans mais aussi certaines situations sociales notamment un couple en instance de divorce, les moyens financiers limités de la famille, un couple avec un nombre denfants désirés... Ce que je tiens également à dire, cest que légaliser lavortement ce nest pas libéraliser les moeurs. Loin de là. Parmi les rôles que tient à jouer lAMLCA, celui de la prévention. Dans ce cadre, léducation sexuelle est primordiale. Il faut informer les jeunes filles sur les moyens déviter une grossesse indésirée et les risques de lavortement.
Avez-vous lintention de légaliser lavortement dans le cadre des couples légitimes ou de lélargir aux relations extraconjugales ?
Pr Chafik Chraïbi: Je veux que lavortement soit autorisé dans toute véritable situation où la grossesse est impossible. Que ça soit dans un couple légitime ou illégitime. Il ne faut plus se voiler la face. La moitié des grossesses indésirées sont contractées hors du cadre légal du mariage.
Avez-vous des données chiffrées sur lampleur de lavortement clandestin?
Pr Chafik Chraïbi: Personne ne peut avoir des données chiffrées. Le manque de statistiques est fortement lié à au caractère illégal de lavortement. Des femmes que nous recevons à la maternité des Orangers, où jexerce, ayant subi une tentative davortement médicalisée ou non médicalisée navouent jamais avoir eu recours à cet acte par peur des représailles. Elles savent quelles encourent des peines de prison pour une Interruption Volontaire de Grossesse. Alors que nous avons besoin de savoir quelle est la méthode utilisée, pour lui prodiguer le traitement adéquat.
En labsence de statistiques exactes, je me réfère à mon expérience personnelle pour évaluer la situation. Je peux dire quau Maroc, 150 avortements non médicalisés sont pratiqués par jour et 500 médicalisés. Et, ce nest pas forcément dans les bonnes conditions. Souvent, cela se passe dans des cabinets médicaux en labsence dun anesthésiste et dun suivi postopératoire.
Croyez-vous que le Maroc soit prêt pour légaliser lavortement?
Pr Chafik Chraïbi: Pour le moment, je nai reçu que des encouragements. Plusieurs pays musulmans ont franchi le pas. Je parle de la Turquie, de la Tunisie et de lIran. La loi marocaine, elle, reste très sévère en ce qui concerne lavortement. Alors quon a tout à gagner en lassouplissant.
Le Maroc, un pays qui se libère et se modernise, se veut de plus en plus transparent. En légalisant lavortement, il mettra fin à une hypocrisie sociale qui a assez duré. Mais, pas seulement. On pourra aussi limiter les conséquences dramatiques des grossesses indésirées. Je parle des enfants abandonnés, de lexclusion des mères célibataires et bien dautres problèmes. On évitera aussi à des dizaines de médecins dêtre jetés en prison parce quun avortement a mal tourné.
Maroc Hebdo