DANIEL Jean [BENSAÏD Jean, Daniel, dit]
Né le 21 juillet 1920 à Blida (Algérie),
mort le 19 février 2020 ; licencié de philosophie ; journaliste, essayiste ; animateur de la revue
Caliban (1947-1951), membre de la rédaction de
L’Express (1954-1964) ; acteur du mouvement anticolonial ; fondateur et directeur du
Nouvel Observateur à partir de 1964.
Jean Bensaïd naquit le onzième enfant dans une famille de juifs sépharades d’Algérie, naturalisés français par le décret Crémieux. Jules Bensaïd, son père, travaillait dans la minoterie familiale, avant d’épouser Rachel Bensimon en 1894 et de monter son propre commerce de grains à Blida, dans la Mitidja, non loin d’Alger. La famille Bensaïd était alors en voie d’ascension sociale, ascension qui allait de pair avec une volonté de francisation, portée en particulier par les aînés de Jean, comme sa sœur Mathilde qui l’initia à Stendhal et fréquenta l’élite coloniale algéroise.
L’adolescent fit ses études au collège colonial de Blida ; il lut Romain Rolland, André Gide, tout en se passionnant pour les expériences culturelles liées au Front Populaire, ainsi celle de l’hebdomadaire
Vendredi. La guerre et la défaite le surprirent alors qu’il entamait sa licence de philosophie à la faculté d’Alger. Atteint par les mesures anti-juives adoptées par le régime de Vichy, notamment l’abrogation du décret Crémieux, le 7 octobre 1940, il fut amené à la Résistance dans le contexte de l’Afrique du Nord et dans le cadre gaulliste. Modeste acteur du « coup d’Alger », soulèvement qui avait pour but de faciliter le débarquement des Alliés en novembre 1942, il s’engagea au printemps 1943 dans les Forces françaises libres au sein de la Deuxième division blindée du général Leclerc.
Démobilisé en 1945, il s’installa à Paris et entra pour quelques mois (février-juin 1946) dans le cabinet du socialiste Félix Gouin*, dont il fut chargé de rédiger les discours. Si ce bref passage dans les coulisses du pouvoir n’eut guère de suites, celui qu’il effectua dans les rangs de la revue
Caliban, entre 1947 et 1951, se révéla plus fécond. Jean Bensaïd, qui adopta alors le pseudonyme de Jean Daniel, s’intégra rapidement à ce mensuel, fondé en février 1947 par une petite équipe de résistants (Pierre de Vomécourt, Paul-Léon Pierrat) et animé par Daniel Bernstein.
Rédacteur en chef, puis directeur de la publication à partir de 1949, il eut alors toute latitude pour composer les sommaires d’une revue, visant, dans le droit fil des ambitions de la Libération, une certaine démocratisation culturelle.
Caliban lui offrit la possibilité de pénétrer certains milieux intellectuels, proches de la gauche non communiste, sensibles aux premiers balbutiements de l’engagement anti-colonial ; elle lui permit surtout, à l’automne 1947, de se lier d’amitié avec Albert Camus*. Leur commune origine méditerranéenne ne fut pas seule en cause : Jean Daniel nourrissait dès 1945 une grande admiration pour un Camus philosophe, dramaturge, romancier et adepte d’un « journalisme critique » auquel le jeune directeur de
Caliban se montra par la suite constamment sensible.
Sans soutien assuré, la revue, chroniquement déficitaire, cessa de paraître à la fin de l’année 1951. Cette expérience inaboutie, conjuguée à d’autres déconvenues, en particulier le semi-échec de son premier roman,
L’Erreur (1953), conduisit Jean Daniel à opter pour le journalisme. Engagé en 1952 à la Société générale de presse, il se forgea une compétence professionnelle dans cette agence dirigée par Paul-Louis Bret, tournée vers la publication d’annonces administratives et de bulletins hebdomadaires. C’est dans ce cadre qu’il se spécialisa dans la couverture de l’outre-mer et bientôt de la question coloniale. Membre en 1953 du comité France-Maghreb, il apprit alors à connaître le monde arabe et des mouvements indépendantistes avec lesquels il n’avait eu jusque-là guère de contacts. Cet engagement et cette compétence, doublés d’une connaissance intime du terrain, le firent approcher par
L’Express. Il écrivit pour l’hebdomadaire son premier article sur l’Algérie en guerre, quelques jours à peine après le déclenchement de l’insurrection, le 6 novembre 1954.
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