L Espagne est soit disant un pays démocratique!!!

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Du journaliste Calvo Ospina

9 mai 2012
Une fois encore ils m’interdisent de monter dans un avion.
Mais où diable est passée la souveraineté de l’État espagnol ?


Un avion de ligne Air France dérouté en plein vol par les autorités US (1) à cause de sa présence à bord, sa demande de naturalisation refusée par le ministère de l’intérieur français pour causes de relations trop étroites avec l’ambassade de Cuba... (2) A présent un refus d’embarquement opposé par Air Europa. Décidément, le métier de (vrai) journaliste comporte parfois des désagréments et des surprises. Nous attendons d’un instant à l’autre un communiqué de Reporters Sans Frontières (nan, j’déconne) - LGS




Ce dimanche 6 mai, lorsque j’ai fait l’enregistrement de mon billet à l’aéroport de Paris, on m’a fait savoir qu’il y avait un problème d’informatique concernant mon billet sur Air Europa qui assurait le vol Madrid-La Havane et que, par conséquent, on me remettrait ma carte d’embarquement quand j’arriverais à Madrid.

Je suis arrivé à l’aéroport de Madrid, Terminal Nº 3. Je suis allé à l’accueil d’Air Europa. Là, après un appel téléphonique, on m’a dit d’aller au Terminal Nº 1 où on me remettrait ma carte d’embarquement. Je m’y suis rendu. Je me suis présenté au guichet. On m’a dit de m’adresser à une jeune femme laquelle a passé deux appels téléphoniques. Il était 14 h 20, soit exactement 40 minutes avant l’heure précise du départ de mon avion. Comme je pressais la jeune femme de me remettre ma carte d’embarquement, elle m’a répondu que je devais « attendre la personne de l’ambassade ». Très intrigué, je lui ai demandé : « De quelle ambassade ? » Sans me regarder et sans la moindre amabilité, elle m’a répété que je devais attendre « la personne de l’ambassade ». J’ai attendu.

Enfin, j’ai vu arriver un homme, grand, un peu enrobé, au teint mat, paraissant plus que la cinquantaine. Il m’a dit, sur un ton assez bas, de lui remettre mon passeport. Comme j’ai pensé qu’il faisait partie d’Air Europa je le lui ai remis. Mais j’ai aussitôt remarqué qu’il avait un accent latino et je lui ai demandé : « Qui êtes-vous ? Pouvez-vous me décliner votre identité ? » Il m’a fait voir, très rapidement, une carte qu’il portait suspendue à sa ceinture, mais que cachait une espèce de veste. Le nom sous lequel il s’est présenté était castillan. Il a précisé : « J’appartiens à l’ambassade des États-Unis ». Surpris par cette phrase, je lui ai dit de me rendre mon passeport parce qu’il n’avait pas le droit de me le demander puisque je me trouvais en territoire espagnol. Sur un ton calme, il m’a prié de ne pas protester et de ne pas faire de scandale parce que cela pourrait m’attirer des ennuis tout à fait inutiles. La jeune femme d’Air Europa avait disparu depuis le début de l’entretien.
 

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Sachant sur quel genre de terrain je me trouvais, je l’ai laissé examiner sous toutes les coutures mon passeport. Il s’écarta de quelques pas, passa un coup de fil et, en anglais, il dicta mon identité et mes coordonnées, ensuite, aimablement, il me fit signe d’approcher et me demanda où était mon passeport colombien. Je lui répondis que cela faisait 30 ans que je ne voyageais pas avec un passeport de mon pays d’origine et que si le document qui était entre ses mains était français c’était parce que la France me l’avait délivré. Ensuite, il a voulu savoir depuis combien d’années j’étais marié, le nom de mon épouse et celui de mes enfants. Je lui répondis très courtoisement qu’il n’avait aucune autorité pour me poser ce genre de questions et que je n’avais pas à lui répondre. Je le priai de ne pas oublier qu’il se trouvait en Espagne et que ce qu’il pouvait faire de mieux c’était d’appeler son ambassade, à Paris, où ils en savaient davantage sur ma propre existence que je n’en savais moi-même.

Après quelques échanges supplémentaires par téléphone, après avoir pris quelques notes sur un vieux carnet, il me dit avec un air attristé que je ne pouvais pas embarquer sur ce vol parce que cet avion allait voler quelques minutes au-dessus du territoire des États-Unis et que, moi, « j’étais sur une liste de personnes dangereuses pour la sécurité de son pays ». Simplement, avec un sourire, je le remerciai de son information et même de la décision prise. Même s’il est vrai que ce n’était nullement une surprise pour moi. (1)

J’ai voulu lui demander pourquoi son immense empire avait peur devant ma personne, moi, un simple journaliste et écrivain alors que je ne sais même pas me servir d’un simple fusil de chasse et que je suis effrayé par l’explosion d’un pétard. Mais j’ai préféré le regarder une fois encore dans les yeux et garder un sourire sur les lèvres. Il n’avait pas la moindre idée de combien son gouvernement me permet de me sentir important !

Ensuite, gentiment, il m’a demandé si je pouvais lui remettre une carte de visite. Je lui ai répondu que ça ne me posait aucun problème puisque je l’avais déjà remise à ses collègues, à Paris et qu’ainsi que ses collègues l’avaient déjà fait, il pourrait m’appeler, un jour, pour m’inviter à prendre un verre quelque part et, ensuite, entre deux verres, il pourrait m’inviter, une fois encore, à travailler pour son gouvernement. « Je suis enchanté d’avoir une conversation avec vous. J’apprends beaucoup », lui dis-je avant de le voir s’éloigner comme un quelconque visiteur anonyme de l’aéroport.

Ensuite, j’ai procédé aux réclamations qui s’imposaient auprès de la compagnie Air Europa et, plus précisément, pour qu’elle trouve une solution à mon vol à destination de Cuba. C’est avec une totale stupéfaction que je les ai entendu me répondre que j’étais seul responsable, car c’était à moi d’être au courant du trajet suivi par ce vol que j’avais choisi !
 

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Vainement je leur ai expliqué qu’en octobre 2011 je n’avais eu aucun problème sur le même vol. Un des employés de la compagnie m’a avoué, comme une confidence, que ce survol de quelques minutes dans l’espace aérien des États-Unis sur le trajet en direction de Cuba avait été décidé sous la pression de Washington : de cette façon, ils obtiennent la liste des passagers qui se rendent dans l’île en temps réel.

Tout en m’efforçant le plus possible de le cacher, j’ai ressenti de la rage et de l’impuissance. Comment est-il possible qu’un fonctionnaire de la sécurité des États-Unis puisse exiger de voir mon passeport, puisse m’obliger à le lui remettre et procéder à mon interrogatoire en plein territoire espagnol ? Qui leur a délégué ce droit souverain ? Pourquoi ne m’a-t-on pas adressé à un douanier ou à un agent de l’aéroport de nationalité espagnole ?

Et pourquoi m’avait-on laissé me rendre à Madrid alors que, très certainement, depuis l’instant où j’avais acheté mon billet, quelques jours auparavant, les services de sécurité des États-Unis et de la France connaissaient mon itinéraire ? Je suis convaincu qu’ils le savaient. Les uns et les autres m’ont dit que mes téléphones, mon ordinateur et mes allées et venues sont régulièrement surveillés. Et il m’est arrivé d’en avoir la confirmation matérielle.

Durant mon vol de retour à Paris j’ai pensé à tous mes amis espagnols. Ce sont des personnes dignes et ils seront abasourdis en apprenant ce qui m’est arrivé, car ils ne parviennent pas à s’habituer à l’idée que la souveraineté de leur pays continue à sombrer si bas.

Ah ! La seule solution de rechange que ces gens me laissent, si je veux voyager à Cuba, c’est de prendre un vol Cubana de Aviación ! Eux, ils savent ce que c’est que d’avoir de la dignité.

Hernando Calvo Ospina

Hernando Calvo Ospina est un journaliste et écrivain colombien qui réside en France. Il collabore au Monde Diplomatique.

SOURCE : http://hcalvospina.free.fr/spip.php?article384

Traduit par Manuel Colinas Balbona pour Le Grand Soir
 
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