La déclaration du patrimoine : Une loi dans un no man's land juridique

Le patrimoine des élus et des hommes politiques a toujours suscité au Maroc, comme ailleurs, des interrogations qui tournent très rapidement à la critique et à la vindicte.

Elles jettent un peu plus l'opprobre sur ceux qui font la loi ou qui conduisent la politique du pays. Aussi, les Marocains n'acceptent pas et ce, à juste titre, l'idée que les élus puissent s'enrichir illégalement au service de la Nation.
Pourquoi leur laisser la possibilité pour douter ? En effet, il existe bel et bien une loi portant sur la déclaration du patrimoine adoptée depuis plus d'une décennie (loi n° 25-92). Une loi qui a montré ses limites en l'absence de mécanismes de contrôle pertinents. D'ailleurs, l'application de ladite loi va de pair avec celle de la lutte contre le blanchiment d'argent. Elles se complètent de part et d'autres tout en comblant le vide juridique préexistant dans l'application pure et simple des prérogatives prises d'antan. En avril 2008, la Chambre des Conseillers avait adopté à l'unanimité cinq projets de loi organiques relatifs à la déclaration du patrimoine, concernant le Conseil constitutionnel, les chambres des représentants et des conseillers, la Haute Cour et la première partie du 3e livret de l'ensemble du Code pénal. Des textes importants qui s'inscrivent dans la moralisation de la vie publique.

Car il faut reconnaître que certains élus ont, au lendemain de chaque législative, amassé des fortunes en biens immobiliers et sous diverses autres formes, dont l'achat des voitures, sans être inquiétés pour autant. Autrement dit, les projets de lois arrivent les uns après les autres durant chaque législature donnant presque l'impression que rien n'existait auparavant. Et pourtant le nombre de lois est déjà conséquent alors que de nombreux exemples démontrent qu'elles ne sont guère appliquées. Rien de plus normal étant donné que la non publication des décrets d'application est un procédé parfois utilisé par un gouvernement pour enterrer une loi. Dans le cas d'espèce, l'on rappelle que le projet de loi ayant trait à la déclaration du patrimoine a été abordé lors d'un conseil de gouvernement à fin novembre 2006. Un projet de loi qui a suscité moult débats puisqu'il concerne un large panel de personnes et personnalités influentes. Certains n'écartent pas l'éventualité que l'absence de déclarations de patrimoine des élus et leurs signes extérieurs de richesse ne soit utilisée par des partis politiques adverses lors des campagnes électorales. D'autres n'écartent pas l'éventualité de poursuites judiciaires par les pouvoirs publics à l'encontre des élus qui n'auraient pas déclaré leur patrimoine dans les délais impartis. Faut-il pour cela les leur imposer en premier lieu.

En clair, l'obligation de déclaration de patrimoine en début et fin de mandat a pour objet de s'assurer qu'un parlementaire n'a pas profité de son mandat pour s'enrichir abusivement. C'est valable également pour les membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires siégeant à la tête d'entreprises publiques. Faute de publication de l'intégralité des décrets, ces lois restent dans un no man's land juridique. Il est question de gouvernance. Ce n'est pas un vain mot prononcé à tort et à travers. Ceci dit, pour que tout un chacun se sente intégré de manière légale dans la vie de la cité, il faut que les acteurs de la démocratie, citoyens et élus, partagent des valeurs communes en matière d'éthique politique. Il importe que les règles du jeu démocratique soient les mêmes pour tous et que chacun s'attache à les respecter loyalement.
Il n'est pas d'Etat de droit si certains usent et abusent de leur position pour s'accorder des avantages ou en accorder à d'autres, voire pour échapper à leurs obligations. Il importe de relever des fonctions qui seraient incompatibles avec l'exercice du mandat parlementaire. Des incompatibilités seraient instituées afin d'éviter toute confusion entre les intérêts de l'Etat et des intérêts privés.

lematin.ma
 
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