Pour mémoire,
L’idée se concrétise pendant la Première Guerre mondiale. Il s’agit de témoigner la reconnaissance du pays pour le sacrifice des soldats de confession musulmane morts au champ d’honneur. Plus précisément,
« le déclencheur est la prise du fort de Douaumont, à Verdun, par le régiment d’infanterie coloniale du Maroc, le 43e bataillon sénégalais et deux compagnies de Somalis le 24 octobre 1916 », estime
Bernard Godard, spécialiste de l’islam en France, ancien membre du bureau des cultes du ministère de l’Intérieur.
La Société des Habous et lieux saints de l’Islam, créée en 1917 pour recueillir des fonds pour le pèlerinage à La Mecque, sert alors de structure pour recueillir des fonds afin de construire et ensuite administrer la mosquée. De droit musulman, elle est transformée en association loi de 1901 pour recueillir des subsides de la part de l’État. En 2022, pour respecter la loi confortant les principes de la république (loi séparatisme) votée en 2021, cette association est en passe de devenir une association loi de 1905, et donc d’entrer dans le régime des cultes.
Quatre ensembles territoriaux y sont représentés à l’origine : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Afrique de l’Ouest,
« quatre bases fondatrices voulues par le colonialisme français » résume Bernard Godard. La grande mosquée de Paris devient ainsi la plus ancienne mosquée construite en France métropolitaine à l’ère contemporaine.
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La chercheuse rappelle aussi que la mosquée n’est pas un « cadeau » offert aux musulmans de l’empire « puisqu’ils ont été invités à verser leur obole pour la création de la mosquée sous la forme d’une souscription qui n’était pas uniquement volontaire »
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Que représente aujourd’hui la grande mosquée de Paris, forte de ce passé prestigieux ? Entre-temps, elle est passée sous contrôle algérien. « En 1954, le successeur du premier recteur Si Kaddour Ben Ghabrit, son neveu, ne plaisait pas au gouvernement français, explique Bernard Godard. Il était proche du Maroc, qui à cette époque était considéré comme un pays hostile soutenant le Front de libération nationale (FLN) en Algérie. »
Le pouvoir français choisit donc un homme fidèle à l’Algérie française : Hamza Boubakeur, théologien et érudit algérien. Ce dernier reconstruit un conseil d’administration à sa main. « La grande mosquée de Paris devient une affaire Boubakeur », résume Godard. Les autres territoires de « l’empire » désormais déchu (Maroc, Tunisie, Afrique de l’Ouest) ne sont pas réintégrés dans l’administration de la grande mosquée de Paris.
Mouvementée, la suite de l’histoire épouse les remous des relations franco-algériennes de la fin de la guerre d’Algérie. « Le siège social de la grande mosquée de Paris est transféré d’Alger à la France en 1962, après l’indépendance, résume Godard. Mais une bataille juridique s’engage, avec une contestation du recteur Boubakeur par Alger. Jusqu’à ce que le gouvernement, sous François Mitterrand, trouve un accord pour “rendre” la grande mosquée de Paris à l’Algérie en échange d’un accord sur le pétrole en 1982. »
C’est ainsi que l’État algérien devient maître du conseil d’administration de la mosquée et finance largement son fonctionnement, encore aujourd’hui. « En réalité, l’Algérie est de moins en moins impliquée sur ce sujet, d’une part parce que le financement est lourd à porter, d’autre part parce que la grande mosquée de Paris n’est pas toujours en totale adéquation avec l’État algérien, surtout depuis la dernière élection de Chems-eddine Hafiz », nuance Dorra Mameri-Chaambi.
D’autres sources de revenus sont à noter : les revenus des visites, de la location des annexes et de la certification hallal. En effet, « la grande mosquée de Paris a obtenu en 1994 par arrêté du ministère de l’Agriculture le monopole de la certification hallal, avec la grande mosquée de Lyon et d’Evry, indique l’historienne. C’est une reconnaissance du statut de la grande mosquée de Paris, mais d’autres mosquées se plaignent de ce monopole qui relève en quelque sorte d’un fait du prince. »
Symbole prestigieux de l’islam de France, la grande mosquée de Paris célèbre, le 19 octobre 2022, les 100 ans de la pose de sa première pierre, en présence d’Em
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