La nuit de noces
Le crime de lhonneur
Noura mounib Le : 2009-09-25
Les youyous prennent fin, les familles se saluent et les lieux de la cérémonie sont désertés. Les tourtereaux qui viennent dunir leur destinée à tout jamais sapprêtent à franchir le cap : cest la nuit de noces. Depuis la nuit des temps, ce passage concret de statut de célibataire à marié, où les deux partenaires se fêtent intimement, reste le tremplin dune pléiade dhabitudes. La pression est à son comble et lacte en lui-même semble une première corvée matrimoniale pour certains. «La crainte de cette nuit angoissait les familles et le couple, dès lacceptation de la demande en mariage», affirme Soumaya Naamane Guessous, professeur universitaire, sociologue et écrivain. «Il sagit de viols légitimés. Mais la crainte de la douleur nest rien comparée à celle de ne pas saigner, même quand la mariée se sait intacte». Même si la modernité a touché la nuit de noces, les esprits éternellement «beldi» ont tout fait afin de troquer lintimité de ce premier moment contre un cauchemar à la Hitchcock. A présent, les couples refusent catégoriquement de rater leurs nuits de noces pour des «futilités de la tradition». Ils exigent le droit de préserver leur propre intimité en célébrant leur première nuit loin des regards indiscrets. Les temps ont changé
«Donne-nous notre dû pour que nous partions !»
Dans différentes régions du Maroc, les familles accompagnaient le couple marié jusquà la «chambre de torture», fermaient la porte et attendaient le verdict : lhomme doit prouver sa virilité dans un temps record et la femme son honneur tant préservé sous les chants de circonstance des proches à lextérieur afin dencourager les mariés. Sils tardent, les proches simpatientent, les langues se délient et les «Cest bon ? » fusent de partout. «Plusieurs nouveaux mariés sont traumatisés après leur nuit de noces. Les pannes sexuelles se font de plus belle pour les hommes et les vaginismes accablent les filles» explique un gynécologue. Ces «envahisseurs» des temps modernes qui violent explicitement lintimité de cette première nuit osaient même faire irruption dans la chambre afin de sauver la situation et orienter le couple. «Ma nuit de noces fut ratée. Alors que mon mari et moi avons essayé de discuter avant de passer à lacte, jignorais que ma belle-famille attendait à lextérieur. Jusquà ce que le malheur se produise quand ma belle-mère entra sauvagement à la chambre pour voir si tout allait bien» raconte Nadia, ingénieur qui fut obligée de se plier aux exigences traditionnelles de sa belle-famille. «La nuit de noces nappartient souvent pas au couple seul. Toute la famille se sent concernée et sinquiète à ce sujet» souligne Mohamed Amine, psychologue. Il explique que la nuit de noces représente une rude épreuve pour ses membres. «Cest le moment de prouver lhonneur ou la virilité de leur descendance». Les couples dont le mariage a été arrangé sont les plus affectés par ces traditions. Selon le psychologue, la famille marocaine traditionnelle a toujours élevé ses enfants en leur apprenant que le sexe est «hchouma» et que le sujet ne doit jamais être évoqué. Toutefois, elle oublie que le sexe rendu sans conteste tabou au fil du temps les accompagnera tout au long de leur existence. Face à une société qui nassimile toujours pas le concept de la nuit de noces, les couples se piègent sous lépée de Damoclès : tirés entre la pression de la famille et la peur de la première nuit, ils transforment ce premier moment de partage en compétition olympique digne des grands rivaux dont la victoire sera célébrée en grande pompe. Le mariage nest plus quune institution à consommer pour que le célèbre Seroual (pantalon), tâché du «sang de lhonneur» soit fêté. La joie de ce bout de tissu blanc moucheté de rouge dépassait souvent celle du mariage.
Le crime de lhonneur
Noura mounib Le : 2009-09-25
Les youyous prennent fin, les familles se saluent et les lieux de la cérémonie sont désertés. Les tourtereaux qui viennent dunir leur destinée à tout jamais sapprêtent à franchir le cap : cest la nuit de noces. Depuis la nuit des temps, ce passage concret de statut de célibataire à marié, où les deux partenaires se fêtent intimement, reste le tremplin dune pléiade dhabitudes. La pression est à son comble et lacte en lui-même semble une première corvée matrimoniale pour certains. «La crainte de cette nuit angoissait les familles et le couple, dès lacceptation de la demande en mariage», affirme Soumaya Naamane Guessous, professeur universitaire, sociologue et écrivain. «Il sagit de viols légitimés. Mais la crainte de la douleur nest rien comparée à celle de ne pas saigner, même quand la mariée se sait intacte». Même si la modernité a touché la nuit de noces, les esprits éternellement «beldi» ont tout fait afin de troquer lintimité de ce premier moment contre un cauchemar à la Hitchcock. A présent, les couples refusent catégoriquement de rater leurs nuits de noces pour des «futilités de la tradition». Ils exigent le droit de préserver leur propre intimité en célébrant leur première nuit loin des regards indiscrets. Les temps ont changé
«Donne-nous notre dû pour que nous partions !»
Dans différentes régions du Maroc, les familles accompagnaient le couple marié jusquà la «chambre de torture», fermaient la porte et attendaient le verdict : lhomme doit prouver sa virilité dans un temps record et la femme son honneur tant préservé sous les chants de circonstance des proches à lextérieur afin dencourager les mariés. Sils tardent, les proches simpatientent, les langues se délient et les «Cest bon ? » fusent de partout. «Plusieurs nouveaux mariés sont traumatisés après leur nuit de noces. Les pannes sexuelles se font de plus belle pour les hommes et les vaginismes accablent les filles» explique un gynécologue. Ces «envahisseurs» des temps modernes qui violent explicitement lintimité de cette première nuit osaient même faire irruption dans la chambre afin de sauver la situation et orienter le couple. «Ma nuit de noces fut ratée. Alors que mon mari et moi avons essayé de discuter avant de passer à lacte, jignorais que ma belle-famille attendait à lextérieur. Jusquà ce que le malheur se produise quand ma belle-mère entra sauvagement à la chambre pour voir si tout allait bien» raconte Nadia, ingénieur qui fut obligée de se plier aux exigences traditionnelles de sa belle-famille. «La nuit de noces nappartient souvent pas au couple seul. Toute la famille se sent concernée et sinquiète à ce sujet» souligne Mohamed Amine, psychologue. Il explique que la nuit de noces représente une rude épreuve pour ses membres. «Cest le moment de prouver lhonneur ou la virilité de leur descendance». Les couples dont le mariage a été arrangé sont les plus affectés par ces traditions. Selon le psychologue, la famille marocaine traditionnelle a toujours élevé ses enfants en leur apprenant que le sexe est «hchouma» et que le sujet ne doit jamais être évoqué. Toutefois, elle oublie que le sexe rendu sans conteste tabou au fil du temps les accompagnera tout au long de leur existence. Face à une société qui nassimile toujours pas le concept de la nuit de noces, les couples se piègent sous lépée de Damoclès : tirés entre la pression de la famille et la peur de la première nuit, ils transforment ce premier moment de partage en compétition olympique digne des grands rivaux dont la victoire sera célébrée en grande pompe. Le mariage nest plus quune institution à consommer pour que le célèbre Seroual (pantalon), tâché du «sang de lhonneur» soit fêté. La joie de ce bout de tissu blanc moucheté de rouge dépassait souvent celle du mariage.