J'intitule cette anecdote le noble repas.
Un soir, il y'a une quinzaine d'années maintenant, j'avais invité un ami à manger. On avait prévu de se retrouver dans ma chambre d'étudiant aux alentours de 21h30, après nos révisions à la bibliothèque.
Peu avant son arrivée, j'avais méticuleusement dressé la table. J'avais étendu une serviette rouge et blanc sur laquelle j'avais posé une boite de niçoise au thon, une baguette coupée en plein milieu, deux grands verres retournés et une brique de jus de fruits à moitié pleine.
Oh si vous m'aviez vu mes amis ! J'étais tellement excité. A 18 ans, je recevais mon premier invité depuis que j'avais quitté la maison pour débuter mes études à Strasbourg. J'étais assis sur mon lit, face à la table d'appoint quand il a frappé à la porte. J'ai crié "Entrez, entrez preux chevalier !".
Il a ouvert la porte, il a regardé vers la table et il m'a dit "Hey, c'est quoi ça ? ". Je lui ai dit fièrement "Notre noble repas !". Ouais à l'époque, j'avais un délire chelou, j'aimais trop parler comme à l'époque médiévale. Quand je croisais mes potes le matin à la fac je leur disais "Hey les gueux, racontez moi donc votre histoire !", "Ô toi le paysan, me ferais tu donc goûter cette douce viennoiserie que tu tiens entre les mains ?".
Mon invité a explosé de rire et m'a dit "mais wallah Septime y'a rien de noble là dedans ! Mais je me sens insulté là ... en plus ta coupé la baguette en deux ..."
Après avoir entendu ça, j'ai retenu mes larmes. J'avais du mal à dompter mes lèvres. Si j'avais prononcé le moindre mot, j'aurais pleuré.
J'avais mis toute mon âme dans ce dîner. La présentation avait été étudiée jusqu'à ses moindres détails. Les deux demis baguettes étaient parallèles. Chaque verre avait été disposé devant sa baguette pour faire un "i". J'avais trouvé ça amusant et raffiné.
En plus c'était un grand du quartier. Quelqu'un qui avait une autorité et un prestige de fou. C'était aussi celui à qui mon père accordait sa confiance pour veiller sur moi et à qui il faisait des rapports chaque week end.
On a mangé en silence. Silence qui fut par intermittence perturbé par son claquage de rire à mes côtés pendant que je mastiquais en tentant de visualiser combien les jours à venir allaient être durs une fois que la nouvelle de ce repas ridicule se rependerait.
Et ils furent bien plus durs que la plus obscure de mes appréhensions. Ô Seigneur ...
Depuis ce jour il m’appelait le niçois.
Allah i rahmek khoya M.
Non je rigole il est encore vivant .
Qu'il crève en enfer cette sombre ***** ... Je viens de le croiser à la skeme et il a toujours pas lâché l'affaire avec cette histoire, 15 ans plus tard !