La police algérienne

Lendemain d’émeutes à Hydra : «Un policier nous a dit :’ je boirai votre sang s’il le faut ...»

« J’ai eu à me battre conte l’OAS, je me suis cachée des Paras et là, là, à mon âge, je me suis fait battre par les enfants de mon pays », crie une vielle femme. La tête couverte d’un fichu, entourée d’hommes de tout âge, elle parle de trahison. Elle a 68 ans. Son visage est tuméfié. Son œil gauche est gonflé, bleu virant au violet. La paupière est énorme et couvre l’œil qui peine à s’ouvrir. Un œil fermé qui raconte une journée d’horreur au quartier Des Pins. A Hydra, sur les hauteurs d’Alger. C’était dimanche 10 juillet. Reportage.
Le quartier des Pins est sur l’une des collines de Hydra. Pas très loin de la ligne de crête. C’est un quartier composé de plusieurs colonnes de bâtiments. Les immeubles sont hauts, larges et dominent différents mamelons de la commune. A vol d’oiseau, nous ne sommes pas loin des maisons cossues et des résidences fermés des ministres et autres favorisés du pays. Juste en contrebas des immeubles, une pente raide recouverte d’un bois. Le bois des Pins.
Aujourd’hui le bois n’existe plus. Un tracteur continue à débarrasser les troncs des pins abattus. Le sol vibre et un nuage de poussière est en suspension. C’est qu’il fait 35 ° et chaque atome semble flotter, comme assommé par la chaleur. Les mouvements du tracteur sont lents. Les quelques troncs encore enracinés ne semblent pas vouloir lâcher prise. « On a entendu les arbres pleurer, on les a entendu pleurer hier. Ou était-ce le vent ? », gémit une jeune femme sortie rejoindre les hommes du quartier pour témoigner de cette journée de dimanche.

« Ils étaient beaucoup, beaucoup de policiers venus nous battre. Il y en a un qui disait ‘je boirai votre sang s’il le faut’. On a été battu, jeté, certains ont été embarqués ». Sans distinction d’âge, ni de sexe.
Les femmes continuent de sortir dans le couloir de l’immeuble. Un couloir qui fait balcon sur les travaux de terrassement. Elles parlent fort. Les hommes tentent de les calmer car les policiers sont encore là. A l’entrée du quartier, une cinquantaine de policiers en petit groupe de 15 individus sont assis à même le sol. En tenue noire, des bottines de Rangers, des casquettes, ils lisent la presse du jour ou discutent entre eux.
Les hommes du quartier ont peur que cela ne se soulève encore et enjoignent les femmes de parler moins fort. Elles n’écoutent pas. Elles sont prêtes à les affronter encore et encore. Dimanche, lorsque des jeunes sont sortis pour crier leur désaccord de voir le bois détruit au profit d’un parking et que les choses ont dégénérées avec les forces de sécurité, les femmes sont sortis.

Les femmes en ligne de front
Elles sont sorties pour marquer leur désaccord. Puis pour venir en aides à leur frère, leur fils, leur père, leurs voisins qui se faisaient tabasser. « Quand j’ai vu ma mère se faire taper à la matraque, je leur ai foncé dessus ». Ce fils a 42 ans. Il est marié et était en visite chez sa mère car la famille est en fête : un autre enfant va se fiancer.
« Lorsque je m’en suis pris au policier qui tapait ma mère, j’ai été attrapé par une dizaine d’autres qui m’ont trainé jusqu’une autre cage d’escalier. J’ai reçu des coups dans le dos et le cou ». Il soulève son tee-shirt. On retrouve dans le dos le dessin laissé par plusieurs coups de matraque. Le frère cadet qui assistait à la scène est venu en rescousse. Il a la jambe dans le plâtre jusqu’au genou.
 
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