La possession à la chinoise

Pirouettete

杜妮娅
Non il ne s'agit pas d'un post sur les possessions des chinois par des êtres féeriques et autres contes fabuleux, il s'agit d'une réforme lancée par la Chine permettant de donner plus de droits aux paysans chinois sur les terres qu'ils exploitent, se rapprochant ainsi de plus en plus des avantages de la propriété.


"Après en avoir différé l'annonce durant des jours, le Parti communiste chinois a publié, dimanche 19 octobre, les grandes lignes d'une ambitieuse réforme du secteur rural destinée à élever le niveau de vie de quelque 750 millions de paysans et à stimuler la consommation intérieure.

En Chine, les réformes lancées il y a tout juste trente ans ont donné aux paysans le droit d'exploitation des terres, qui restent propriété collective des comités de village, donc de l'Etat. Jusqu'à présent, les agriculteurs chinois qui font fructifier des lopins de terre de taille réduite ne pouvaient formellement disposer comme bon leur semblait de ce droit d'usage. La réforme prévoit que ces derniers pourront désormais "transférer, sous-traiter et louer" ce droit, ce qui permettrait d'encourager la concentration foncière, d'accroître la productivité et, par ailleurs, de favoriser l'émergence d'un vrai marché de consommation intérieure dont la Chine ne dispose pas encore réellement. Les paysans seront ainsi enclins à céder leurs terres afin de jouir d'un revenu supplémentaire : en ces temps de crise mondiale dont la République populaire commence à sentir les effets, il est devenu plus que jamais nécessaire que l'économie chinoise ne soit plus simplement tirée par les exportations et les investissements.
La situation des paysans, qui constituent encore plus de la moitié de la population, est par ailleurs un motif de préoccupation majeure, pour des raisons à la fois économiques et sociales : les statistiques officielles montrent que, durant la première moitié de 2008, on a dénombré plus de 20 000 incidents d'expropriations illégales de paysans victimes de la collusion entre responsables locaux du parti et entrepreneurs immobiliers.

L'instabilité sociale menace ainsi dans les campagnes, une perspective alarmante pour les autorités. En outre, des dizaines de millions de migrants, les "mingong" (paysans-ouvriers), travaillent en ville pour nourrir leurs familles dans les villages, et vivent encore parfois dans des conditions de précarité choquantes.

En 2006, à l'issue de la session annuelle du Parlement, le premier ministre, Wen Jiabao, avait montré l'importance que le gouvernement attache aux questions rurales en affirmant qu'il était désormais temps pour "les villes de soutenir les campagnes" et en promettant d'édifier "de nouvelles campagnes socialistes".

En se présentant comme l'architecte de la réforme rurale, le président Hu Jintao s'est efforcé, lors de la récente assemblée plénière du parti, d'apparaître comme l'héritier de Deng Xiaoping, le grand "réformateur". Mais certains analystes font remarquer que les grandes lignes de cette réforme restent encore vagues et qu'elle est encore loin d'aboutir à une privatisation des terres, objectif avoué des plus audacieux des partisans de la réforme. L'agence de presse officielle Xinhua a indiqué que le texte a été modifié "41 fois", ce qui montre à quel point les débats ont dû être animés entre partisans et adversaires de la réforme.

Des experts soulignent en outre les aspects potentiellement pervers de cette mini-révolution rurale, craignant qu'une plus grande liberté du droit d'usage des terres ne finisse pas par déposséder les paysans de leurs droits sur la terre... Selon Li Zhiying, un activiste paysan favorable à la privatisation des terres, "ces concessions limitées faites aux paysans (grâce à cette réforme) risquent de ne pas résoudre les conflits fondamentaux dans le monde rural". "

Bruno Philip
Le monde.
 
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