La théodicée de sénèque

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Ebion

Contre les crimes de guerre
VIB
Bonjour :timide:

Voilà comment Sénèque explique pourquoi les "dieux" accordent autant leurs bienfaits aux méchants qu'aux bons :

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XXVIII. « Les dieux aussi, dit-on, comblent de biens les ingrats ». Mais ces bienfaits étaient destinés aux hommes vertueux : s'ils descendent parfois jusqu'aux méchants, c'est que la séparation est impossible. Or, il vaut mieux faire du bien même aux méchants à cause des bons, que de manquer aux bons à cause des méchants. Ainsi tous ces biens que vous citez, le jour, le soleil, les vicissitudes de l'hiver et de l'été, les deux autres saisons intermédiaires et tempérées, l'automne et le printemps, les pluies, les sources d'eau vive, les souffles réglés des vents, ont été créés pour tout le monde : les préférences individuelles étaient impossibles. Un roi offre des honneurs à ceux qui en sont dignes, et le congiaire à ceux-mêmes qui en sont indignes. Le blé public se distribue au voleur, au parjure, à l'adultère, sans distinction des moeurs : il suffit d'être citoyen. Tout ce qui se donne aux hommes, à titre de citoyens, et non à titre d'hommes vertueux, les bons et les méchants le reçoivent également. C'est ainsi que la Divinité a donné en commun au genre humain certaines choses dont nul n'est exclu. Car il était impossible de faire que le vent fût favorable aux bons et contraire aux méchants : or, le bien général voulait que le commerce de la mer fût ouvert, et que l'empire des hommes s'étendît. De même on ne pouvait imposer aux pluies la loi de ne point arroser les terres des méchants et des vicieux. Certaines choses existent en communauté. C'est pour les bons comme pour les méchants que l'on bâtit des villes ; les monuments du génie, publiés et répandus, tombent aussi dans des mains indignes. La médecine assiste même les criminels; on n'a jamais supprimé les recettes salutaires pour empêcher la guérison des méchants. Appliquez la censure, et faites acception de personnes, pour les dons spécialement destinés au mérite, et non pour ceux qui sont jetés sans distinction à la multitude. La différence est grande entre ne point exclure et choisir. La justice se rend à tout le monde; les homicides eux-mêmes jouissent de la paix, et le ravisseur réclame ce qu'on lui a ravi; les meurtriers et les assassins domestiques sont défendus par les murailles contre l'ennemi du dehors : le rempart des lois protège ceux qui les ont le plus outragées. Certains bienfaits ne pouvaient être particuliers qu'en devenant généraux. Ne me citez donc pas les avantages auxquels nous sommes appelés en commun : le bienfait qui doit aller trouver quelqu'un de mon choix, je ne l'accorderai pas sciemment à un ingrat.

"""

(Des bienfaits, livre IV)
 
C'est une explication qui me paraît ingénieuse, mais en fin de compte elle vaut ce qu'elle vaut. Certains vont se l'approprier, d'autres vont la trouver artificielle...

En plus Sénèque ne croit pas au jugement divin après la mort. En fait Sénèque trouve absurde l'idée que les dieux puissent nous punir avant ou après la mort, car pour lui, ils ne sont pas offensés par nos fautes! Ils sont trop parfaits et sereins pour ça!

Quant à l'au-delà, Sénèque ne le prend pas trop au sérieux, malgré le fait qu'il joue parfois avec cette hypothèse (de même, nous pouvons nous-mêmes jouer avec l'hypothèse de la télépathie ou des envahisseurs extra-terrestres...).
 
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C'est ainsi que la Divinité a donné en commun au genre humain certaines choses dont nul n'est exclu. Car il était impossible de faire que le vent fût favorable aux bons et contraire aux méchants : or, le bien général voulait que le commerce de la mer fût ouvert, et que l'empire des hommes s'étendît. De même on ne pouvait imposer aux pluies la loi de ne point arroser les terres des méchants et des vicieux. Certaines choses existent en communauté.
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(Des bienfaits, livre IV)

j'ai du mal :)
 
Bonjour :timide:

Voilà comment Sénèque explique pourquoi les "dieux" accordent autant leurs bienfaits aux méchants qu'aux bons :

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XXVIII. « Les dieux aussi, dit-on, comblent de biens les ingrats ». Mais ces bienfaits étaient destinés aux hommes vertueux : s'ils descendent parfois jusqu'aux méchants, c'est que la séparation est impossible. Or, il vaut mieux faire du bien même aux méchants à cause des bons, que de manquer aux bons à cause des méchants. Ainsi tous ces biens que vous citez, le jour, le soleil, les vicissitudes de l'hiver et de l'été, les deux autres saisons intermédiaires et tempérées, l'automne et le printemps, les pluies, les sources d'eau vive, les souffles réglés des vents, ont été créés pour tout le monde : les préférences individuelles étaient impossibles. Un roi offre des honneurs à ceux qui en sont dignes, et le congiaire à ceux-mêmes qui en sont indignes. Le blé public se distribue au voleur, au parjure, à l'adultère, sans distinction des moeurs : il suffit d'être citoyen. Tout ce qui se donne aux hommes, à titre de citoyens, et non à titre d'hommes vertueux, les bons et les méchants le reçoivent également. C'est ainsi que la Divinité a donné en commun au genre humain certaines choses dont nul n'est exclu. Car il était impossible de faire que le vent fût favorable aux bons et contraire aux méchants : or, le bien général voulait que le commerce de la mer fût ouvert, et que l'empire des hommes s'étendît. De même on ne pouvait imposer aux pluies la loi de ne point arroser les terres des méchants et des vicieux. Certaines choses existent en communauté. C'est pour les bons comme pour les méchants que l'on bâtit des villes ; les monuments du génie, publiés et répandus, tombent aussi dans des mains indignes. La médecine assiste même les criminels; on n'a jamais supprimé les recettes salutaires pour empêcher la guérison des méchants. Appliquez la censure, et faites acception de personnes, pour les dons spécialement destinés au mérite, et non pour ceux qui sont jetés sans distinction à la multitude. La différence est grande entre ne point exclure et choisir. La justice se rend à tout le monde; les homicides eux-mêmes jouissent de la paix, et le ravisseur réclame ce qu'on lui a ravi; les meurtriers et les assassins domestiques sont défendus par les murailles contre l'ennemi du dehors : le rempart des lois protège ceux qui les ont le plus outragées. Certains bienfaits ne pouvaient être particuliers qu'en devenant généraux. Ne me citez donc pas les avantages auxquels nous sommes appelés en commun : le bienfait qui doit aller trouver quelqu'un de mon choix, je ne l'accorderai pas sciemment à un ingrat.

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(Des bienfaits, livre IV)
j'adore ...
 
C'est une explication qui me paraît ingénieuse, mais en fin de compte elle vaut ce qu'elle vaut. Certains vont se l'approprier, d'autres vont la trouver artificielle...

En plus Sénèque ne croit pas au jugement divin après la mort. En fait Sénèque trouve absurde l'idée que les dieux puissent nous punir avant ou après la mort, car pour lui, ils ne sont pas offensés par nos fautes! Ils sont trop parfaits et sereins pour ça!

Quant à l'au-delà, Sénèque ne le prend pas trop au sérieux, malgré le fait qu'il joue parfois avec cette hypothèse (de même, nous pouvons nous-mêmes jouer avec l'hypothèse de la télépathie ou des envahisseurs extra-terrestres...).

elle est plus qu'ingénieuse , elle est divine !

c'est ça un vrai livre saint ! et c'est la base de toute les républiques qui se respectent...

sinon au sujet de Sénèque et de l'haut delà, tu peux sortir ses écrits sur le sujet au lieu de nous donner uniquement ton avis sur un autre texte que celui que tu as posté ?
 
Je donne la définition au cas ou ...
Partie de la métaphysique qui justifie Dieu du mal qui pourrait constituer une objection à sa bonté ou à son existence.
Partie de la théologie qui traite de Dieu et de ses attributs.

ÉTYMOLOGIE
Du grec, Dieu, et, justice.

PS: Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca), né à Corduba, dans le sud de l'Espagne, entre l'an 4 av. J.-C. et l'an 1 ap. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C., est un philosophe de l'école stoïcienne, un dramaturge et un homme d'État romain du Ier siècle. Il est parfois nommé Sénèque le Philosophe, Sénèque le Tragique ou Sénèque le Jeune pour le distinguer de son père, Sénèque l'Ancien. wiki
 
XXVIII. « Les dieux aussi, dit-on, comblent de biens les ingrats ». Mais ces bienfaits étaient destinés aux hommes vertueux : s'ils descendent parfois jusqu'aux méchants, c'est que la séparation est impossible. Or, il vaut mieux faire du bien même aux méchants à cause des bons, que de manquer aux bons à cause des méchants. Ainsi tous ces biens que vous citez, le jour, le soleil, les vicissitudes de l'hiver et de l'été, les deux autres saisons intermédiaires et tempérées, l'automne et le printemps, les pluies, les sources d'eau vive, les souffles réglés des vents, ont été créés pour tout le monde : les préférences individuelles étaient impossibles.
A rapprocher de ce passage de l'Evangile ?

Matthieu
5.44 Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent,
5.45 afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.
5.46 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n'agissent-ils pas de même?
5.47 Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même ?
 
A rapprocher de ce passage de l'Evangile ?

Matthieu
5.44 Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent,
5.45 afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.
5.46 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n'agissent-ils pas de même?
5.47 Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même ?

Il y a de ça.

Cependant, le dieu de Sénèque est fini et soumis à certaines contraintes physiques dans sa providence. C'est pas par choix, c'est par contrainte que le dieu de Sénèque fait profiter les bons mais aussi les méchants de ses bontés.

La perspective de Jésus est un peu différente. Le dieu de Jésus est tout-puissant, donc il a pas les contraintes physiques du dieu de Sénèque. Mais ce dieu aime tous les humains, pas seulement ses fidèles. Ce dieu espère la « conversion » des méchants, tel le père du fils prodigue, mais il se sert pas de sa puissance pour nous intimider ou nous contraindre
 
Il y a de ça.

Cependant, le dieu de Sénèque est fini et soumis à certaines contraintes physiques dans sa providence. C'est pas par choix, c'est par contrainte que le dieu de Sénèque fait profiter les bons mais aussi les méchants de ses bontés.

La perspective de Jésus est un peu différente. Le dieu de Jésus est tout-puissant, donc il a pas les contraintes physiques du dieu de Sénèque. Mais ce dieu aime tous les humains, pas seulement ses fidèles. Ce dieu espère la « conversion » des méchants, tel le père du fils prodigue, mais il se sert pas de sa puissance pour nous intimider ou nous contraindre
Pour Sénèque comme pour Jésus , il faut bien admettre que le cours naturel des évènements ne tient aucun compte de la morale humaine et qu'il faut bien trouver une explication à cet état de fait.
 
Pour Sénèque comme pour Jésus , il faut bien admettre que le cours naturel des évènements ne tient aucun compte de la morale humaine et qu'il faut bien trouver une explication à cet état de fait.

Disons que Jésus ne croit pas en une justice immanente facile, c'est-à-dire un lien automatique entre la faute et le malheur, position évidemment démentie par la réalité, bien que plusieurs Juifs contemporains de Jésus y crussent encore. En cela Jésus est étonnamment moderne.

Mais bien sûr Jésus reporte le rétablissement de la justice à un jugement divin à la fin des temps...

Malgré cela, toute une littérature pieuse moralisatrice s'est appesantie sur le malheur du pécheur et des vicieux aux passions déréglées...
 
J'ignore si Sénèque était athée au sens qu'on donne au mot aujourd'hui, mais ce qui est certain c'est que sa conception de dieu n'a rien à envier à celle de certains monothéistes qui voient dieu comme un vengeur de leurs propres frustrations.
Pourquoi dieu donnerait il aux gentils et pas aux méchants? Ça n'a pas de sens, dieu sait-il faire la différence ? L'homme est homme par ce qu'il est cette dualité bien/mal. Nous sommes les deux.
Sénèque croyait en une force supérieure à l'homme et à l'univers. Ça me fait penser à Spinoza et je me dis que ce sont peut être ceux qui croient le moins en dieu qui l'ont peut être le mieux compris...
 
J'ignore si Sénèque était athée au sens qu'on donne au mot aujourd'hui, mais ce qui est certain c'est que sa conception de dieu n'a rien à envier à celle de certains monothéistes qui voient dieu comme un vengeur de leurs propres frustrations.
Pourquoi dieu donnerait il aux gentils et pas aux méchants? Ça n'a pas de sens, dieu sait-il faire la différence ? L'homme est homme par ce qu'il est cette dualité bien/mal. Nous sommes les deux.
Sénèque croyait en une force supérieure à l'homme et à l'univers. Ça me fait penser à Spinoza et je me dis que ce sont peut être ceux qui croient le moins en dieu qui l'ont peut être le mieux compris...

Sénèque est plus proche du panthéisme (inspiré du stoïcisme) que du monothéisme abrahamique. ;)
 
Sénèque est plus proche du panthéisme (inspiré du stoïcisme) que du monothéisme abrahamique. ;)
Ben je pensais que c'était le père du Stoïcisme?
En tous cas je retrouve pas mal d'enseignement chez les stoïciens qui font écho à l'islam (et ne me dites pas que l'un est venu avant l'autre car pour moi l'islam commence avec Adam,....,Abraham...
 
Ben je pensais que c'était le père du Stoïcisme?
En tous cas je retrouve pas mal d'enseignement chez les stoïciens qui font écho à l'islam (et ne me dites pas que l'un est venu avant l'autre car pour moi l'islam commence avec Adam,....,Abraham...

Pas tout à fait. Le stoïcisme remonte à un philosophe grec du quatrième siècle avant notre ère appelé Zénon de Citium (à ne pas confondre avec Zénon d'Élée, qui est connu pour ses paradoxes sur le mouvement). Il est venu juste après Aristote.

Chez les Romains, Cicéron, qui a vécu un siècle avant Sénèque, était aussi assez proche du stoïcisme, du moins en ce qui concerne la morale. Il y a eu d'autres stoïciens romains avant Sénèque, mais ils sont beaucoup moins connus.

Le stoïcisme en général cadrait assez bien avec la culture romaine, qui valorisait beaucoup le courage à la guerre et les vertus civiques.
 
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