L'Algérie n'a pas "digéré" que la France mène la guerre en Libye
L'asile offert à une partie de la famille de Kadhafi, et la rumeur selon laquelle l'Algérie aurait envisagé d'accueillir le "Guide", ont conduit, jeudi, Alain Juppé à qualifier "d'ambiguë" l'attitude d'Alger dans ce dossier. Plus généralement, le régime algérien est resté en retrait des révolutions arabes. Pour leJDD.fr, Luis Martinez, spécialiste du Maghreb et directeur de recherches à Sciences Po, analyse l'attitude d'Alger.
Comment peut-on expliquer l'attitude de l'Algérie depuis le début de la guerre en Libye?
Depuis le début du conflit, l'Algérie n'a pas accepté trois évolutions. La première est qu'on soutienne des insurgés qui, pour l'Algérie, ne sont autres que des civils qu'on a armés. Si les Libyens étaient restés dans une situation de violence avec des manifestations symboliques, à l'image de la Syrie, l'Algérie n'aurait pas été aussi braquée. Mais là, le régime a pensé que si on le faisait aujourd'hui pour la Libye, plus rien n'interdirait à la communauté internationale de le faire demain pour d'autres pays. Et l'Algérie se sent évidemment concernée. Deuxième raison : pour les autorités algériennes, le rétablissement des liens d'amitié avec la France passait par le souci, pour les deux pays, d'uvrer à ce que sur le continent africain, et en particulier en Afrique du Nord, on ne remette plus en cause le fait qu'il n'y aurait plus de guerre occidentale. Ce qui se passe en Libye est donc vécu comme une transgression à ce principe. En gros, pour l'Algérie, on est revenu à une politique canonnière dans la région, et ça passe très mal, notamment du côté des militaires. Ils se rendent compte que le système militaire de défense algérien est obsolète par rapport à une telle menace.
Quelles pourraient être les conséquences de ce sentiment?
L'Algérie s'est rendue compte qu'au niveau euro-méditerranéen, elle apparaît désormais, sur le plan militaire, comme une menace marginale. On peut donc s'attendre à des effets indirects, avec un pays cherchant à se doter d'armements plus sophistiqués, voire du nucléaire. Paris en a conscience et a tenté de faire comprendre aux autorités algériennes que ce qui se passait en Libye était vraiment exceptionnel et n'était en aucun cas une approche qui serait généralisée à d'autres pays.
Vous évoquiez une troisième évolution qu'Alger n'a pas acceptée. Quelle est-elle?
L'Algérie a parié sur l'échec de l'opération de l'Otan en Lybie, considérant, à tort, que la France et le Royaume-Uni allaient se perdre dans les sables libyens et que Kadhafi resterait très longtemps au pouvoir. Elle pensait qu'au final on appellerait l'Algérie pour devenir le pays médiateur pour sortir la Libye et l'Otan de cette situation d'impasse. Mais cela n'a pas été le cas. En moins de six mois, Tripoli est tombée. Cela remet en question la vision que l'Algérie avait de sa place dans l'évolution de la situation régionale.
«Le Maroc dans une position bien meilleure que l'Algérie»
L'asile offert à une partie de la famille de Kadhafi, et la rumeur selon laquelle l'Algérie aurait envisagé d'accueillir le "Guide", ont conduit, jeudi, Alain Juppé à qualifier "d'ambiguë" l'attitude d'Alger dans ce dossier. Plus généralement, le régime algérien est resté en retrait des révolutions arabes. Pour leJDD.fr, Luis Martinez, spécialiste du Maghreb et directeur de recherches à Sciences Po, analyse l'attitude d'Alger.
Comment peut-on expliquer l'attitude de l'Algérie depuis le début de la guerre en Libye?
Depuis le début du conflit, l'Algérie n'a pas accepté trois évolutions. La première est qu'on soutienne des insurgés qui, pour l'Algérie, ne sont autres que des civils qu'on a armés. Si les Libyens étaient restés dans une situation de violence avec des manifestations symboliques, à l'image de la Syrie, l'Algérie n'aurait pas été aussi braquée. Mais là, le régime a pensé que si on le faisait aujourd'hui pour la Libye, plus rien n'interdirait à la communauté internationale de le faire demain pour d'autres pays. Et l'Algérie se sent évidemment concernée. Deuxième raison : pour les autorités algériennes, le rétablissement des liens d'amitié avec la France passait par le souci, pour les deux pays, d'uvrer à ce que sur le continent africain, et en particulier en Afrique du Nord, on ne remette plus en cause le fait qu'il n'y aurait plus de guerre occidentale. Ce qui se passe en Libye est donc vécu comme une transgression à ce principe. En gros, pour l'Algérie, on est revenu à une politique canonnière dans la région, et ça passe très mal, notamment du côté des militaires. Ils se rendent compte que le système militaire de défense algérien est obsolète par rapport à une telle menace.
Quelles pourraient être les conséquences de ce sentiment?
L'Algérie s'est rendue compte qu'au niveau euro-méditerranéen, elle apparaît désormais, sur le plan militaire, comme une menace marginale. On peut donc s'attendre à des effets indirects, avec un pays cherchant à se doter d'armements plus sophistiqués, voire du nucléaire. Paris en a conscience et a tenté de faire comprendre aux autorités algériennes que ce qui se passait en Libye était vraiment exceptionnel et n'était en aucun cas une approche qui serait généralisée à d'autres pays.
Vous évoquiez une troisième évolution qu'Alger n'a pas acceptée. Quelle est-elle?
L'Algérie a parié sur l'échec de l'opération de l'Otan en Lybie, considérant, à tort, que la France et le Royaume-Uni allaient se perdre dans les sables libyens et que Kadhafi resterait très longtemps au pouvoir. Elle pensait qu'au final on appellerait l'Algérie pour devenir le pays médiateur pour sortir la Libye et l'Otan de cette situation d'impasse. Mais cela n'a pas été le cas. En moins de six mois, Tripoli est tombée. Cela remet en question la vision que l'Algérie avait de sa place dans l'évolution de la situation régionale.
«Le Maroc dans une position bien meilleure que l'Algérie»