L'Algérie n'a pas "digéré" que la France mène la guerre en Libye
L'asile offert à une partie de la famille de Kadhafi, et la rumeur selon laquelle l'Algérie aurait envisagé d'accueillir le "Guide", ont conduit, jeudi, Alain Juppé à qualifier "d'ambiguë" l'attitude d'Alger dans ce dossier. Plus généralement, le régime algérien est resté en retrait des révolutions arabes. Pour leJDD.fr, Luis Martinez, spécialiste du Maghreb et directeur de recherches à Sciences Po, analyse l'attitude d'Alger.
Du côté de l'Algérie, on justifie l'attitude dans le dossier libyen par la peur que les islamistes prennent la main au sein du Conseil national de transition. Qu'en est-il?
Cela fait partie du discours récurrent pour faire peur. C'est l'épouvantail auquel plus personne ne croit tellement il a été exploité par les autorités de la région, qu'elles soient libyennes, algériennes, syriennes et tunisiennes.
Selon vous, l'Algérie a-t-elle vraiment réfléchi à accueillir Kadhafi?
Deux pays ont très sérieusement imaginé accueillir Kadhafi, à savoir le Venezuela de Chavez et l'Algérie. Le Venezuela a renoncé car Hugo Chavez est fragilisé au plan politique dans son pays et cela aurait pu apparaître comme un casus belli pour l'opposition, qui lui aurait reproché d'exposer le pays à la vindicte internationale. L'Algérie, elle, a coupé la poire en deux : elle n'a pas pris le père et les fils qui sont recherchés, elle a pris l'épouse, la fille et les frères moins incriminés.
Avec la chute de Kadhafi, l'Algérie perd-elle un allié?
Il ne faut pas imaginer que pour l'Algérie, Kadhafi était un allié et un soutien régional. Un pays comme la Tunisie de Ben Ali était beaucoup plus important pour l'Algérie. En revanche, l'échec du maintien de Kadhafi au pouvoir fragilise la perception de la puissance régionale que l'Algérie se faisait d'elle-même. Elle se rend compte que son rival historique, le Maroc, apparaît dans une position bien meilleure, pour avoir soutenu le CNT. Et quand on sait comment Alger a œuvré pendant des années pour faire en sorte que le Maroc ne soit pas la puissance régionale, c'est pour elle un échec extrêmement important. Et ce d'autant plus que la Tunisie, elle aussi, se rapproche du CNT.
«Alger ne pouvait pas accompagner les révoltes arabes dans la mesure où la France les soutenait»
Alain Juppé a jugé "ambiguë" l'attitude de l'Algérie dans le dossier libyen. Qu'en est-il de la relation franco-algérienne?
Il faut prendre en compte le fait que le président algérien est affaibli et malade. L'Algérie offre l'image d'un pays en fin de cycle sur le plan politique et on ne sait pas qui va prendre la relève. Mais les militaires, qui sont à l'arrière de la scène politique, vont très clairement faire comprendre dans les années à venir qu'ils n'ont pas digéré ce que la France a provoqué dans la région, c'est-à-dire
http://www.lejdd.fr/International/M...lation-entre-Paris-et-Alger-interview-382045/